Les valeurs professionnelles de Frédéric Teillier l'ont conduit au poste de procureur de la République à Rennes, mais, s'agissant de l'affaire de Sainte Soline, celui-ci arbore la médaille de la défense nationale sur une photo publiée par Le Télégramme de Brest. Celle-ci, en l'espèce, pose question dans cette affaire ; car il s'agit d'une médaille militaire et son ruban indique qu'elle est de bronze délivrée par l'autorité militaire pour bons et loyaux services. Il s'en déduit raisonnablement que Frédéric Teillier est un réserviste de l'armée ou un ancien militaire. Cela a une incidence juridique importante.
L'affaire Delcourt c. Belgique consacre l'adage « Justice must not only be done; it must also be seen to be done » : la justice ne doit pas seulement être rendue, elle doit aussi l'être en toute clarté (§ 31 de l'arrêt CEDH) et l'Assemblée plénière de la Cour cassation juge que : " les Etats adhérents à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (donc les magistrats français) sont tenus de respecter les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme, sans attendre d’être attaqués devant elle ni d’avoir modifié leur législation ". (Arrêt N°10.30313).
La France a déjà été condamnée par la CEDH pour « enquête lacunaire » sur des violences policières et la CEDH a également déjà condamné la France pour violences policières.
En considérant la théorie des apparences que développe la Cour européenne des droits de l'homme et la jurisprudence de cette cour au visa de l'arrêt de principe de la Cour de cassation, un magistrat arborant une médaille militaire ne peut donc pas diriger une procédure mettant en cause des militaires sans créer un doute sérieux sur l'impartialité de cette procédure.
Le procureur de la République a une obligation d'impartialité. Le ministère public de Rennes aurait donc dû demander de lui-même la délocalisation du dossier sur les violences commises par des militaires à Sainte Soline. Car, par voie de conséquence, son abstention est de nature à créer un doute identique sur l'exécution conforme de l'obligation positive de la justice à garantir l'efficacité du droit à recours effectif et du droit à un procès équitable.
De son côté, le garde des Sceaux rappelle son soutien aux forces de l'ordre à propos de ce dossier où celles-ci sont mises en cause pour des violences graves contre des manifestants.
" Quant au ministre de la justice, Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur au moment des faits et désormais supérieur hiérarchique du procureur de Rennes, il n’avait pas lu Mediapart ni Libération jeudi mais rappelait son soutien de principe aux forces de l’ordre. "
Cette déclaration est de nature à renforcer voire confirmer le doute sérieux sur la procédure en cours.
Dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, ce dossier devait et doit donc être dépaysé (art.665 al2 du code de procédure pénale) dans le ressort d'une autre cour d'appel et confié à un magistrat qui n'a pas été décoré pour ses services rendus à l'armée. Les éléments révélés par l'enquête justifient l'ouverture d'une instruction. Le procureur de Rennes répondant à Médiapart pour expliquer l'absence d'instruction que l'IGGN ne lui a pas révélé les contenus des caméras piétonnes des gendarmes établit que les enquêteurs de l'IGGN ont inexécuté leur obligation qu'ils avaient à le faire sans délai (art. 19 du code de procédure pénale), soulevant la question de l'entrave à la manifestation de la vérité, celle d'un échec à la loi, voire du faux en écriture publique si les rapports de transmission sont contraires aux faits relevés par l'enquête.
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Prolonger :
La jurisprudence de la CEDH à propos de Usage de la force pour le maintien de l'ordre lors des manifestations (il existe de nombreuses autres fiches)
Le dossier : Mégabassines, la guerre de l’eau
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