Jusqu'à présent réservé à la gauche de refondation sociale, il faut voir cette émission qui offre une démonstration du parti-pris moutonnier. On obtient, en l'ajoutant à la tolérance pour le mensonge que dénonce la presse indépendante, l'alliance qui permet le succès univoque de l'alternance unique du en même temps, nouvelle formule du ni droite ni gauche.
Le mépris poli et souriant de Patrick Cohen, Anne-Sophie Lapix, Maryse Burgot, Laurent Guimier, Léa Salamé et Hugo Clément cachait mal une partialité hostile. Maya Lauqué et Claire Chazal s'en sont démarquées par une attitude plus sobre et neutre.
Point d'orgue du parti-pris de l'émission, Marlène Schiappa a adressé un tweet pour soutenir Patrick Cohen en difficulté à disqualifier Jean-Luc Mélenchon. La ministre insinue de l'antisémitisme contre le candidat ; alors que Jean-Luc Mélenchon dénonçait l'instrumentalisation phobique de la peur par le pouvoir et la simplification rhétorique du journaliste qui la favorisait ou la cautionnait.
Laurent Guimier s'est cru intelligent d'annoncer cette intervention ministérielle sur le plateau, en fin d'émission, avec un air de victoire. Cela serait ridicule si le procédé n'était pas indigne, en plus d'interroger sur la proximité de l'émission avec l'exécutif.
Les 150 personnes faisant tapisserie sur les deux écrans signalent une gestion start up nation de la campagne sur France 2. Une arène numérique, façon corrida, réduisant le candidat aux banderilles et une éventuelle mise à mort médiatique. Cette réduction de la politique à l'émotion est une illustration de la société du spectacle intégré, manifestation d'une persistance dramatique et prégnante de la mentalité que dénonce Raoul Peck dans son dernier film visible sur ARTE. Eléments d'analyse qu'on retrouve dans l'essai de Mona Chollet à propos du gynécide européen, de la Renaissance aux Lumières, et de la discrimination des femmes en général encore aujourd'hui.
Raoul Peck identifie l'Europe comme berceau du fascisme. Zeev Sternhell le situe en France. Les biais de France 2 à interviewer le candidat de gauche - qui menace le représentant du conservatisme réactionnaire (ou de la démocratie libérale, façon François Fillon) - montre que cette mentalité s'y maintient et imperméabilise le débat électoral à l'idée d'une démocratie républicaine.
Un tel parti pris dans les médias, comme sur France 2, ne permet pas l'affirmation d'une société démocratique moderne en France. Il n'y a pas que les institutions de la 5° république qui favorisent une dérive autoritaire. Il y a d'abord le conservatisme à maintenir le substrat culturel archaïque de la classe dominante, le régime des notables (J. Ellul), mis en place par Bonaparte, qui se perpétue dans le bloc bourgeois (Bruno Amable).
Mises à jour :
Confirmation par l'exemple :
Le 8 h 30 France Info 12/02/2022 : Interview de Nathalie Arthaud
Sur les mouvements de foule :
« Convois de la liberté » : qui sont-ils ? Une force politique en puissance ?
Sur l'intérêt de l'électorat :
Des griefs et des lettres : quand l’opinion publique gronde. Avec Michel Offerlé et Brice Teinturier
Sur la présidentielle :
Emmanuel Macron face à la malédiction du sortant
Prolonger :
Les médias au service de la révolution conservatrice
24 janvier 2022 Interventions de Pierre Bourdieu (Agone).
BFM-TV et le journalisme politique : le néant au carré
26 janvier 2022 « Le service politique » en série télévisée.
Médias et extrême droite : la grande banalisation
10 février 2022 Trente ans de légitimation médiatique.
Arrêt sur images : On refait les questions à... Éric Zemmour
Une (micro)-émission consacrée au questionnement des journalistes face aux politiques
Gilles Bornstein sur France info, la caricature du " journaliste hippique " macronien
Il recycle les poncifs et les grosses ficelles de la disqualification. Son office apparent est de mettre en difficulté Nathalie Arthaud. Il est autrement moins caustique avec les dirigeants de la majorité conservatrice et réactionnaire. Bornstein incarne ici ce que dénoncent Anne-Cécile Robert dans le…
Macron, le bilan - Alternatives Economiques n°419 - 01/2022
5 ans après son élection, qu’a-t-il réellement accompli d’un programme qui se voulait modernisateur, invocation toujours ambiguë ? L'ambition de ce dossier est de remettre en perspective le quinquennat qui s’achève dans chacun des domaines de l’action publique : emploi, éducation, fiscalité, climat,…
L.O. sur Le Média rappelle la réalité et les faits oubliés de la campagne
Un SMIC à 2000 euros nets est possible selon Oxfam qui constate l'enrichissement exponentiel des grandes fortunes françaises pendant l'épidémie. Celle de Bernard Arnault passe de 67 milliards à 164 milliards d'euros. Les alertes de l'OIT lancées il y a 10 ans sur la politique de régression sociale. Les…