Cette apostrophe, jetée en juin 2023 par Caroline Cayeux à l'égard du Conseil Communautaire du Beauvaisis, tient lieu d'argumentation en faveur de l'extension aéroportuaire de Tillé.
L'arrogance qu'elle exprime n'a fait qu'attiser le feu sacré de l'opposition à ce projet : trois communes ont manifesté, par une motion municipale, leur opposition à cette expansion. Du côté des associations, l'opposition prend une ampleur inédite qui s'est encore manifestée la semaine dernière, la désignation du nouvel exploitant de l'aéroport de Tillé a donné lieu à deux rassemblements à l'intiative de l'ADERA et de "sauvez le Beauvaisis", respectivement devant le siège de la communauté d'agglomération et sur la place Jeanne Hachette de Beauvais.
Cette désignation survient dans un contexte où, partout en France, les projets d'extension aéroportuaire se multiplient, malgré les engagements pris par Macron d'appliquer "sans filtre" les préconisations de la Convention Citoyenne pour le Climat. Promesse fallacieuse, car, dans toute démocratie, le vote des lois ne dépend pas de l'exécutif, mais du législatif.
Celui-ci a complètement ignoré les mesures qui auraient pu conduire à une limitation des vols sur le territoire métropolitain, tant en termes d'interdiction de vols quand une alternative ferroviaire de moins de quatre heures existe qu'en termes de règles d'extension des aéroports.
En Ile-de-France, le plan de prévention du bruit dans l'environnement (PPBE) de l'aéroport Charles de Gaulle, établi sur l'hypothèse d'une augmentation des mouvements de 40% par rapport à 2019, confirme cette volonté de la Direction Générale de l'Aviation Civile (DGAC) de refuser toute limitation du trafic, malgré les mises en garde du milieu médical concernant la santé et l'espérance de vie des populations riveraines des aéroports. Ne vouloir écouter ni les avis des professionnels de santé, ni les revendications des associations de protection des riverains, c'est se rendre complice d'une démarche criminelle dictée par les intérêts économiques, qui passeront toujours avant la santé des êtres humains.
Dans ce contexte, les tentatives mensongères de madame Cayeux pour justifier son projet sont autant de provocations pour les associations et les élus : l'oxymore "aéroport vert" suscite les sarcasmes d'un élu écologiste : "C'est une aberration intellectuelle de mettre ces deux mots côte à côte ! Un aéroport vert, vous voyez cela où à part dans vos rêves ?". De son côté, Catherine Martin, maire de Tillé définit de façon très limitative la notion même d'aéroport vert : "L’aéroport vert, c’est juste pour les bâtiments et les parkings qui seront végétalisés. Ce ne sera pas assez pour compenser la pollution des avions, surtout que l'on n'est pas prêt de voir voler des avions avec des technologies non polluantes !" Nous sommes d'autant plus enclins à la croire que nous avons récemment rencontré la même problématique dans une réunion publique autour de l'aéroport de Roissy.
L'argument d'un contrat plafonnant à "seulement" 45000 mouvements l'activité aéroportuaire. Cela représente tout de même une augmentation de 41%, mais Dominique Lazarski, présidente de l'ADERA dénonce à juste titre, au delà de ce pourcentage, un nombre de mouvements en aucune façon gravé dans le marbre : "Ils ne s’arrêteront pas à 45 000 mouvements ! Affirmer cela est un mensonge [un de plus !] Ce n'est pas un vrai plafonnement, c'est un seuil. Ils peuvent très bien renégocier le contrat avec un avenant dans cinq ans et revoir le seuil à la hausse !"
Reste la question de l'emploi, souvent mise en avant pour justifier les projets les plus nuisibles. C'est une motivation très court-termiste : si on se base sur le précédent de Roissy, les emplois, pas plus que les mouvements d'avion, ne sont gravés dans le marbre : l'aéroport Charles de Gaulle a créé des emplois qui ne sont nullement en adéquation avec les qualifications des habitants et en perd régulièrement depuis le début des années 2000, sous l'effet d'une automatisation croissante (source : INSEE-Lorthiois). Et la question se pose d'emblée: est-il raisonnable de vouloir maintenir l'emploi au prix de catastrophes sanitaires et climatiques dont nous subissons déjà les premiers effets ? Il va falloir cesser de penser les questions d'emploi à court terme à l'heure où la sociologue Dominique Méda nous annonce que l'adaptation au réchauffement climatique créera plus d'emplois qu'elle n'en détruira. Mais cela se fera au prix d'un changement de paradigme concernant l'emploi, car la gestion actuelle nous emmène droit dans le mur.
La mobilisation contre l'extension de l'aéroport beauvaisien ne s'arrêtera pas là : un nouvel évènement est déjà annoncé pour la mi-juin et les opposants sont déterminés à aller jusqu'au bout, y compris en portant l'affaire devant la justice. Ils peuvent le faire au nom de principes généraux, comme le premier article de la charte de l'environnement proclamant que "chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé", le mot "chacun" excluant toute notion de majorité ou de minorité. Il faudra aussi exiger plus de transparence de la part des gérants du projet : par exemple, l'extension de l'aéroport a-t-elle nécessité l'acquisition de nouveaux terrains (je n'ai pas trouvé la réponse).
Si oui, le projet tombe sous le coup de la loi "climat et résilience, dont l'article 37 interdit les extensions qui nécessitent des acquisitions foncières. L'attaque en justice pourra alors cibler soit la non prise en compte de l'article lui-même, soit une éventuelle dérogation accordée pour que le projet ne tombe pas sous le coup de cet article 37.
Il y a sans doute d'autres angles d'attaque. Mais quels qu'ils soient, il est nécessaire de porter l'action en justice pour bien marquer que les citoyens refusent de vivre dans un monde marqué par la cupidité, le mensonge et la loi du plus fort. L'ADERA et l'association "Sauvez le Beauvaisis" lanceront à la mi-juin une souscription pour soutenir ces actions en justice et, à titre personnel, j'ai bien l'intention de verser ma part, car il faut stopper ce cancer aéroportuaire dont l'aéroport de Tillé est la métastase la plus récente.