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Billet de blog 18 novembre 2015

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Taux de pauvreté, taux de chômage : la double imposture

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

A la lumière de ce que nous avons découvert depuis, nous revenons sur un article de Mars 2015 déjà commenté, accompagné d'un graphique très significatif, car il nous semble possible d'en faire une analyse plus poussée.

Il décrit l'évolution du taux de pauvreté dans trois pays différents : France, Allemagne et Grande Bretagne. Les trois courbes, qui ont un aspect très différent, renseignent sur les conséquences des politiques sociales (emploi et protection sociale) propres à ces trois pays.

Il faut d'abord expliciter la façon dont est calculé le taux de pauvreté : est considéré comme pauvre celui dont les revenus se situent en dessous d’un seuil calculé comme un pourcentage (60%) du salaire médian. Donc, si celui-ci baisse, le taux de pauvreté diminue mécaniquement.

La Grande Bretagne exhibe un taux de pauvreté en nette diminution depuis 2002, alors que les salaires sont en chute libre et que les indemnités de chômage quasiment inexistantes. C'est ce que nous appelerons le "paradoxe britannique". De manière simultanée, le taux de chômage est faible. Ce résultat n'est nullement le fait d'une dynamique de l'emploi, car il est surtout obtenu grâce aux "contrats zéro heures", qui sont avant toute chose un moyen de dégonfler les statistiques du chômage ! Le pays a donc fait le choix de précariser les revenus d'activité pour limiter le nombre de chômeurs.

L'Allemagne, à l'inverse de l'Angleterre, exhibe une courbe en constante augmentation depuis 2005, avec  une brutale augmentation entre 2006 et 2007. Ce phénomène est dû à la mise en oeuvre des lois Harz du gouvernement Schröder, qui consacre un durcissement de l'indemnisation chômage et la mise en place de "minijobs" et de "jobs à un euro". Comme la Grande Bretagne, l'Allemagne a fait le choix de revenus d'activité limités pour diminuer le taux de chômage. Mais malgré cela et contrairement à la Grande Bretagne, le salaire médian en Allemagne ne cesse d'augmenter et cela se traduit par une augmentation continue du seuil de pauvreté entre 2008 et 2013. 

En France, le taux de pauvreté apparaît sur le graphique comme inférieur à ceux des deux autres pays. La courbe évolue en trois phases : stable entre 12 et 13% de la population entre 2005 et 2008, il passe progressivement de 12,5 à 14% de 2008 à 2011 sous l'effet de la crise de 2008. Puis, à partir de 2011, il se stabilise à un niveau plus élevé. Les minima sociaux importants amortissent les effets d'un chômage élevé sur l'augmentation de la pauvreté.

Ces trois exemples montrent qu'il est vain de vouloir comparer le taux de chômage d'un pays à l'autre, puisque les pays qui ont le taux de chômage le plus bas ont aussi davantage de travailleurs pauvres. Le taux de chômage ne reflète en aucun cas la bonne ou la mauvaise santé du marché du travail, mais rien d'autre qu'un mode de gestion de celui-ci. Quant au taux de pauvreté, le "paradoxe britannique" illustre le peu de signification que l’on doit lui accorder !

Ces exemples signifient-ils que les salaires élevés sont l'ennemi de l'emploi ? Les discours patronaux, qui parlent sans relâche de "coût du travail, pourraient le laisser penser. Mais il existe également un "coût du capital" fossoyeur de nombreux emplois, du fait de pratiques  qui, elles aussi, devraient être combattues

Alors qu'on ne dise pas, comme le font  certains politiques que contre le chômage, "on a tout essayé". Les cinq propositions récentes de Nouvelle Donne sont là pour le rappeler : à titre d'exemple, une gestion différente des ressources de l'assurance chômage permettrait  aux entreprises qui connaissent une baisse d'activité de conserver ses salariés tout en indemnisant ceux-ci pour l'essentiel de leurs revenus. Qu'on ne nous dise pas que c'est impossible, cela se fait au Canada et en Allemagne ! 

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