Le 21 janvier 2021, plusieurs dizaines de militants, à l'appel de leurs associations, organisent un rassemblement autour de l'aéroport d'affaires du Bourget : il s'agit de dénoncer les nuisances écologiques des jets privés "dix fois plus polluants que les avions de ligne". Au cours des prises de parole, Charlène Fleury, porte-parole marseillaise d'Alternatiba,dénonce "le mode de vie des ultras-riches qui a un impact sans commune mesure que celui de citoyens lambdas dans la crise climatique". Ces ultra-riches dont, selon un récent rapport d'OXFAM, la fortune a plus augmenté au cours des 19 mois de la pandémie que dans la décennie qui a précédé. Ce qui fait regretter à Julien Rivoire, porte-parole d'ATTAC, que "l'argent qui émane de cet enrichissement ne soit pas utilisé à des fins sociales ou pour agir en faveur du climat".
Voici définies la cible et les motivations de cette action, qui sort de son cadre initial lorsque les militants décident d'envahir le tarmac. Au cas où ce ne serait pas clair pour tout le monde, les associations impliquées dans ce mouvement nous parlent de problèmes graves : il s'agit d'abord de l'acceptabilité sociale d'une conjoncture dans laquelle les plus riches impactent gravement la planète en consommant du kérosène détaxé (et qui continuera de l'être dans l'avenir pour l'aviation privée), alors que le carburant des voitures servant au nombre croissant de français excentrés pour aller à leur travail est soumis à une fiscalité globale (TVA+taxe intérieure sur les carburants) d'environ 60% du prix à la pompe. Ce scandale a été, en 2018, à l'origine de la révolte des Gilets Jaunes, mais les leçons n'en ont toujours pas été tirées ; Il s'agit aussi des problèmes sanitaires impactant les riverains des aéroports (1,4 millions rien qu'autour de Roissy), qui sont maintenant bien documentés ; Et les alertes et rapports scientifiques nous apprennent qu'il s'agit tout simplement de laisser une terre habitable à nos descendants.
Face à ces considérations, les éructations qu'on voit apparaître sur Twitter semblent dérisoires, tellement elles rivalisent d'imbécillité. Nous pourrions les traiter par le mépris, mais nous ne pensons pas qu'il soit possible de laisser traiter nos militants "d'irresponsables" et encore moins de "terroristes". L'accusation "d’irresponsabilité" est un mauvais procès, reposant sur une allégation, probablement tirée du ramassis d'ordures véhiculé par les réseaux sociaux : les militants introduits sur le tarmac auraient empêché de décoller un transport de greffon. Nous avons vainement cherché la trace de cette information dans la presse écrite et numérisée. Et même si l'information était avérée, les différentes sources que nous avons pu consulter précisent que, selon les autorités aéroportuaires elles-mêmes, l'intrusion sur le tarmac n'a provoqué aucune perturbation de la circulation aérienne (ce qui n'était pas, d'ailleurs, le but recherché). De plus, il est également précisé que l'intrusion a été courte et jamais un retard d'une demi-heure dans le transport - si encore une fois il était avéré - n'a compromis le succès d'une greffe d'organe.
Après avoir focalisé leurs vertueuses indignations sur ce soi-disant retard, les commentateurs gravissent l'Everest de la bêtise en affublant ces militants du qualificatif de "terroristes". Pour autant que l'on puisse savoir, les actions organisées par Greenpeace et Alternatiba ont toujours été non violentes et la violence serait plutôt dans des gardes à vue d'une durée disproportionnée, dans les conditions sordides de ces gardes à vue et même parfois (si si, ça arrive !) dans la répression policière musclée. Et puis, en connaît-on beaucoup, des "terroristes" dont les motivations reposent sur des données scientifiques aujourd'hui bien établies ?
Alors nous terminerons cette discussion par une citation de Talleyrand, qui disait que "tout ce qui est excessif est insignifiant". Cela ne vaut donc pas la peine d'en dire plus.
Nous allons tout de même conclure en précisant que les "activistes" du 21 janvier tombent sous le coup d'une répression aggravée par une loi qui a été votée en septembre. Au récent procès de Bobigny, nous avons entendu une des prévenues déclarer que si elle ne faisait rien, elle ne pourrait plus regarder ses filles dans les yeux, elle ne pourrait plus se regarder dans une glace. Il y a des hommes et des femmes capables d'encourir les foudres de la Justice rien que pour pouvoir se regarder encore dans une glace. Ces personnes ne méritent pas qu'on les insulte, mais devraient, au contraire, imposer estime et respect.