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Billet de blog 2 mai 2011

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Strasbourg rappelle le droit d'informer

La Cour européenne des droits de l'homme à Strasbourg consacre une fois de plus le droit du public à recevoir une information sur un sujet d’intérêt public (V. CEDH, 23 sept. 1994, Jersild c. Danemark, N.15890/89, A-298, § 31, RFDA 1995. 1172, chron. H. Labayle et F. Sudre ).

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La Cour européenne des droits de l'homme à Strasbourg consacre une fois de plus le droit du public à recevoir une information sur un sujet d’intérêt public (V. CEDH, 23 sept. 1994, Jersild c. Danemark, N.15890/89, A-298, § 31, RFDA 1995. 1172, chron. H. Labayle et F. Sudre ).

La Cour juge dans deux affaires engagées contre deux journalistes bulgares que « si les juridictions nationales adoptaient une approche trop rigoureuse dans leur appréciation de la conduite professionnelle des journalistes, ces derniers pourraient être indûment dissuadés de s’acquitter de leur fonction de transmission d’informations au public » (Kasabova, § 55 ; V. égal. Bozhkov, § 46). Il s'en déduit que la marge d’appréciation du tribunal est délimitée par l’intérêt d’une société démocratique de permettre à la presse de remplir son rôle (V., citée par la Cour, CEDH, 1 mars 2007, Tønsbergs Blad A.S. et Haukom c. Norvège, N. 510/04, Rec. CEDH, p. 2007-III, § 82).

Cette solution réaffirmée est exactement celle qu'a reprise et appliquée la Cour de casation dans ses arrêts rendant justice à Denis Robert.

Les deux arrêts rendus contre la Bulgarie sont donc un nouveau rappel de la Cour de Strasbourg sur l'importance de la liberté d'expression depuis son célèbre arrêt Handyside c. Royame Uni en 1976 : " Son rôle de surveillance commande à la Cour de prêter une extrême attention aux principes propres à une "société démocratique". La liberté d'expression constitue l'un des fondements essentiels de pareille société, l'une des conditions primordiales de son progrès et de l'épanouissement de chacun. Sous réserve du paragraphe 2 de l'article 10 (art. 10-2), elle vaut non seulement pour les "informations" ou "idées" accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l'État ou une fraction quelconque de la population. Ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l'esprit d'ouverture sans lesquels il n'est pas de "société démocratique". Il en découle notamment que toute "formalité", "condition", "restriction" ou "sanction" imposée en la matière doit être proportionnée au but légitime poursuivi. " (Requête N°5493/72 - § 49).

La Cour étend ce principe aux fonctionnaires :

" la Cour considère que l'intérêt général à ce que soient divulguées les informations faisant état de pressions et d'agissements illicites au sein du parquet est si important dans une société démocratique qu'il l'emporte sur l'intérêt qu'il y a à maintenir la confiance du public dans le parquet général. Elle rappelle à cet égard qu'une libre discussion des problèmes d'intérêt public est essentielle en démocratie et qu'il faut se garder de décourager les citoyens de se prononcer sur de tels problèmes (Barfod c. Danemark, arrêt du 22 février 1989, série A n° 149, § 29). " (Affaire GUJA C. Moldova – Grande Chambre 12 février 2008 § 91)

La Cour de Luxembourg n'est en reste.

Le tribunal de l'Union a rappelé l'importance du droit à l'information dans l'Union européenne le 17 février 2011.

Trib. UE 17 févr. 2011, FIFA c. Commission européenne, aff. T-68/08

Trib. UE 17 févr. 2011, FIFA c. Commission européenne, aff. T-385/07

Trib. UE 17 févr. 2011, UEFA c. Commission européenne, aff. T-55/08

Portant sur la retransmission de matchs de football, le tribunal a énoncé un principe sur l'accès du plus grand nombre à l'information et la prohibition des restrictions aux évènements ayant une importance majeure pour la société.

En jugeant l’ensemble des matchs de qualification de la Coupe du monde et de l’Euro « d’événement d’une importance majeure » pour la société conformément au droit de l’Union européenne, il exclut la possibilité d'un monopole marchand pour leur retransmission, et donc pour l'information. Le tribunal pose ainsi comme principe que les « restrictions à la liberté de prestation des services et la liberté d’établissement peuvent être justifiées dès lors qu’elles visent à protéger le droit à l’information et à assurer un large accès du public aux retransmissions télévisées des événements (…) d’importance majeure pour la société ».

La solution s'applique a fortiori aux campagnes électorales, qui sont "des évènements d'importance majeure pour la société".

L'ensemble des décisions européennes consacrent le rôle fondamental de la presse ; cette jurisprudence abondante et bien établie converge avec la solution adoptée par la Cour Suprême distiguant même l'existence d'un "droit de la presse à la diffamation" à propos des personnalités publiques (NY Times v. Sullivan) :

" Le jugement historique de la Cour suprême des États-Unis dans l'affaire New York Times c. Sullivan(1964) a établi le principe qu'il devrait y avoir plus de latitude dans la critique d'un fonctionnaire public, y compris des déclarations fausses ou inexactes, pourvu qu'elles n'aient pas été faites malicieusement. La Cour a souligné que les personnages publics ont plus facilement accès aux réseaux de communication pour répondre à de fausses déclarations " (Source).

Enfin, la Grande Chambre de Strasbourg va jusqu'à sanctionner l'insuffisance des garanties légales quant à la protection des sources des journalistesdans son arrêt du 14 septembre 2010. Plus qu'une simple condamnation des Pays-Bas pour une atteinte à la liberté d'expression, La Cour a censuré la loi néerlandaise elle-même, en ce qu'elle n'offre pas des garanties adéquates, de nature procédurale, à protéger le secret des sources journalistiques (CEDH GC Sanoma Uitgevers B.V. c. Pays-Bas N°38224/03). La Cour, dans son souci de veiller au respect de la Convention, a récemment condamné le " pharisianisme judiciaire " des autorités s'abritant derrière l'apparence d'un formalisme juridique ayant pour effet de travestir la violation des droits garantis par la Convention : "La Cour a maintes fois souligné que l'information est un bien périssable et en retarder la publication, même pour une brève période, risque fort de la priver de toute valeur et de tout intérêt. Ce risque existe également s'agissant de publications autres que les périodiques, qui portent sur un sujet d'actualité." (§ 105 - RTBF contre Belgique du 29 mars 2011). L'appréciation des faits et du droit par la Cour ne se limite pas aux seules apparences.

Références des décisions rendues au sujet des journalistes bulgares :

CEDH 19 avril 2011 KASABOVA c. BULGARIE Requête N° 22385/03

CEDH 19 avril 2011 BOZHKOV c. BULGARIE Requête N°3316/04

Ce billet propose une synthèse des billets précédents : " Le droit d'informer ", " La synthèse des décisions de la CEDH ", " La législation française en matière de protection des sources viole le droit européen ", " Jurisprudence européenne sur la protection des sources ", "La Cour de Strasbourg pose des limites à l'obligation de réserve ", " Un policier fait condamner la France à Strasbourg "

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