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Billet de blog 6 septembre 2012

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Michel Neyret et une Administration étonnante

Le commissaire Neyret est passé en conseil de discipline. Il a fait citer comme témoin de moralité un commissaire mis en cause pour des actes de torture. Cette actualité est intéressante pour soulever la question de la valeur d'une procédure administrative, d'une part, et ses conséquences sur les poursuites pénales, d'autre part, et enfin la responsabilité de l'administration et de la hiérarchie de Michel Neyret.

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Le commissaire Neyret est passé en conseil de discipline. Il a fait citer comme témoin de moralité un commissaire mis en cause pour des actes de torture. Cette actualité est intéressante pour soulever la question de la valeur d'une procédure administrative, d'une part, et ses conséquences sur les poursuites pénales, d'autre part, et enfin la responsabilité de l'administration et de la hiérarchie de Michel Neyret.

En premieur lieu, Le Monde rapporte : " Quatre anciens patrons de la PJ lyonnaise ont apporté leur soutien au commissaire auprès du conseil de discipline. Ces quatre figures de la police ont connu de fortes carrières. (...) . "J'ai simplement voulu décrire le bonhomme que j'ai connu, que j'ai directement côtoyé pendant sept ans, ce qu'il avait apporté", confie Bernard Trenque, directeur du SRPJ de Lyon de 1995 à 2002 puis directeur de l'institut national de police scientifique. "

Le journal Le Monde interroge un témoin de moralité qu'il avait cité dans ses colonnes pour des actes de torture sur des personnes gardées à vue. Ce témoin de moralité n'a pas été inquiété par la justice et n'a pas attaqué la presse.

En résumé, et selon Le Monde, un commissaire mis en cause pour des actes de torture s'est rendu au ministère de l'intérieur pour soutenir un autre commissaire poursuivi pour corruption devant un conseil de discipline composé de commissaires de police. Voilà un exemple de rigueur policière. Il y a mieux comme  exemple de justice et morale laïque.

Il est regrettable que l'IGPN n'ait pas montré la même rigueur à propos d'actes de torture qu'elle en a témoigné à Monsieur Yannick Blanc, par exemple. Ce constat confirme la question de l'impartialité et de la conformité des procédures internes au droit à un procès équitable. Il y a mieux comme exemple d'égalité.

Monsieur Neyret va faire progresser cela en ayant sollicité et obtenu de l'administration de passer rapidement devant le conseil de discipline.

En effet, et en second lieu, Le Monde ne l'a pas relevé, Monsieur Neyret a avantage juridiquement à se faire sanctionner administrativement d'abord.

Sa sanction, si tant est qu'il soit sanctionné, empêchera qu'il soit condamné pénalement pour les mêmes faits en vertu du principe non bis in idem inscrit dans la Convention européenne des droits de l'homme (article 4 protocole additionnel N°7). La Cour de Strasbourg a jugé qu'une personne ne peut pas être sanctionnée pénalement et administrativement pour les mêmes faits (arrêt Zolotoukhine).

Ce raisonnement s'impose à l'ordre judiciaire puisque l'Assemblée plénière de la Cour de cassation a consacré le caractère obligatoire de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg.

La Cour européenne des droits de l'homme juge qu'une juridiction nationale confrontée à une jurisprudence européenne « applique directement la Convention et la jurisprudence de la Cour. » (CEDH Affaire Verein gegen Tierfabriken Schweiz c. Suisse 4 octobre 2007 § 55) et que " les Etats conservant dans leur ordre juridique respectif une ou des normes nationales similaires à celles déjà déclarées contraires à la Convention sont tenus de respecter la jurisprudence de la Cour sans attendre d'être attaqués devant elle" (Modinos c. Chypre Requête n°15070/89).

L'Assemblée plénière de la Cour de cassation a consacré la jurisprudence européenne en jugeant à son tour que “les Etats adhérents à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales sont tenus de respecter les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme, sans attendre d’être attaqués devant elle ni d’avoir modifié leur législation”. (Arrêt N°10.30313).

Nonobstant la réserve sur les témoignages de moralité et leur valeur en considération des doutes qu'ils peuvent soulever, l'affaire Neyret est très intéressante à suivre parce qu'elle peut contribuer à faire reculer l'emprise et l'arbitraire administratifs.

Il revient maintenant au ministre de l'intérieur de se prononcer. Le cas d'un refus du ministre à prendre une décision (sanction ou pas de sanction) ou d'y sursoir n'évacuera pas forcément l'application de la règle non bis in idem.

Enfin, et en troisième lieu, une question importante dans les poursuites contre Michel Neyret n'est pas soulevée : la responsabilité du ministère de l'intérieur - d'où peut-être la précipitation de l'adminsitration à se débarasser du dossier et l'espoir peut-être que le principe non bis in idem empêche la justice de mettre son nez dans le dossier.

Comment le ministre de l'intérieur explique le maintien de Michel Neyret à la tête d'un même service à Lyon pendant 20 ans quand le règlement de la police pose la règle d'une mutation au bout de quatre ans ?

Article 6 du Décret n° 2005-939 du 2 août 2005 portant statut particulier du corps de conception et de direction de la police nationale : " La durée d'affectation sur un même poste est limitée à quatre ans."

L'administration sanctionne Michel Neyret des conséquences d'une situation qu'elle a entretnue alors qu'un décret la prévient.

Pourquoi, aussi, les directeurs successifs du SRPJ de Lyon l'ont-elle laissée durer en dépit du bon sens et du règlement ?

Personne n'a relevé la faute ou l'imprudence de la hiérarchie et de l'administration. A commencer par les syndicats qui se sont entendus à l'unanimité avec l'administration (fautive) pour sanctionner Michel Neyret. Etonnant, non ?

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Mise à jour : Michel Neyret est révoqué de la police, après décision de Manuel Valls

" Il "devrait percevoir ses droits à la retraite", qui "pouvait intervenir sous peu", selon cette source. Les commissaires peuvent devenir retraités à 60 ans, avant s'ils ont commencé tôt leur carrière, a-t-elle argumenté." ( Manuel Valls révoque Michel Neyret, l'ex-No 2 de la PJ lyonnaise De Rémy BELLON - AFP)

  1. ► 8:19► 8:19

    La police en France 2/2 braquage pour financer les ...

Sur la lutte contre la drogue et le mythe d'une police à l'ancienne :

L'histoire de la drogue à Marseille et le monopole d'Etat de la production d'opium organisé par la France en Indochine :

http://www.dailymotion.com/video/x575oc_french-connection-mafia-trafic-drog_news

http://www.dailymotion.com/video/x575bv_french-connection-mafia-trafic-drog_shortfilms

http://www.dailymotion.com/video/x56w92_french-connection-mafia-trafic-drog_news

La régie générale de l'opium en Indochine

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