Simon Rötig (avatar)

Simon Rötig

Blogueur

Abonné·e de Mediapart

52 Billets

0 Édition

Billet de blog 27 juin 2024

Simon Rötig (avatar)

Simon Rötig

Blogueur

Abonné·e de Mediapart

Bilan du député RN auvergnat Jorys Bovet

Unique député sortant du Rassemblement national en Auvergne, Jorys Bovet n'a voté ni la constitutionnalisation de l'IVG, ni le rétablissement de l'ISF, ni l'augmentation du SMIC. Depuis deux ans, il s'est montré aussi discret à l'Assemblée nationale que dans sa circonscription, dans laquelle il n'habite d'ailleurs toujours pas.

Simon Rötig (avatar)

Simon Rötig

Blogueur

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Cinq votes de Jorys Bovet, député Rassemblement national (RN) de la 2e circonscription de l'Allier (Montluçon), ont particulièrement retenu mon attention depuis son élection en juin 2022 : 

  • Le 4 mars 2024, M. Bovet s'est abstenu sur la constitutionnalisation de l'interruption volontaire de grossesse (IVG), lors du Congrès qui s'est tenu à Versailles : selon lui, ce droit conquis en 1974 ne serait pas menacé (780 de ses 902 collègues parlementaires ont eu une lecture différente de la situation). Le député bourbonnais s'était déjà abstenu à deux reprises sur le sujet à l'Assemblée nationale (le 24 novembre 2022, puis le 30 janvier 2024). Pour rappel, M. Bovet est un membre du principal parti de l'extrême droite française (le Rassemblement national a pris la suite du Front national en 2018, parti fondé en 1972 par d'anciens Waffen-SS et militants de l'OAS), qui s'est toujours opposé aux avancées des droits des femmes.
  • Le 17 octobre 2022, M. Bovet n'a pas voté le rétablissement de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), dont la suppression (au profit de l'IFI) fut la mesure la plus emblématique de la loi de finances la plus emblématique du premier quinquennat d'Emmanuel Macron (le député du bassin montluçonnais s'est ce jour-là tantôt abstenu, tantôt a voté contre). Pour rappel, le RN compte « ponctionner les pauvres pour redistribuer aux plus riches », quand le Nouveau front populaire (NFP) compte « ponctionner les plus riches pour redistribuer aux classes populaires et aux classes moyennes ».
  • Le 20 juillet 2022, M. Bovet a voté contre l'augmentation du SMIC à 1 500 euros net. Il juge aujourd'hui « pas sérieuse » la proposition du NFP de le porter à 1 600 euros, craignant des difficultés pour les petites et moyennes entreprises. Il lui a sans doute échappé qu'il est prévu que les 160 à 200 milliards d'aides publiques annuelles actuellement versées aux entreprises soient réorientées vers les TPE-PME. Pour rappel, le programme du RN n'est ni détaillé ni chiffré, contrairement à celui du NFP (voir notamment ici, et ).
  • Le 19 décembre 2023, M. Bovet a voté avec ses collègues RN, LR et macronistes une loi xénophobe et raciste portée par le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, alors que l'immigration n'est pas un problème en France et qu'un travailleur sur dix est aujourd'hui étranger et contribue à la richesse produite dans notre pays. Pour rappel, l'application de la « préférence nationale » aurait de graves conséquences sur des dizaines de milliers de personnes, dont de nombreux enfants, et finalement sur l'ensemble de notre société.
  • Le 20 mars 2023, M. Bovet a voté la motion de censure déclenchée par l'activation de l'article 49-3 sur la réforme des retraites : le gouvernement n'avait pu se maintenir qu'à 9 voix près. Il affirme aujourd'hui que son parti est « constant » sur le sujet, alors que Jordan Bardella vient d'inventer la retraite à 66 ans et s'est plusieurs fois contredit depuis deux semaines sur l'abrogation de la réforme Borne-Macron : après discussion avec M. Ciotti et Mme Maréchal, il ne la juge soudain plus aussi « injuste » qu'il y a 16 mois.
Illustration 1
Jorys Bovet (au 1er plan, au centre) siégeait depuis 2022 non loin de Frédéric Boccaletti, ancien gérant d'une librairie négationniste condamné pour «violences en réunion avec arme» (au 2e rang, à droite)*. © Compte @sandrousseau (28.05.2024, photo recadrée)**

Ces deux dernières années, les député·es du Rassemblement national se sont en outre opposé·es à la régulation de l'installation des médecins (contrairement au NFP, M. Bovet continue d'ailleurs à n'envisager que des « incitations » pour résorber les déserts médicaux), à l'indexation des salaires sur l'inflation, au gel des loyers, ou encore à l'instauration d'une allocation d’autonomie pour les étudiant·es. Début avril, soit quelques semaines seulement après le puissant mouvement de protestation des agriculteurs, iels se sont aussi abstenu·es sur la mise en place de prix planchers visant à garantir un revenu digne à ces derniers.

M. Bovet n'a pas pris part aux débats que je viens de lister : parce qu'il siégeait au sein de la commission du développement durable, mais aussi parce que, comme l'a résumé le site Super Bougnat, il a été « peu présent à l’Assemblée » et a fourni « peu de travail législatif ou en commission ». Le journal Libération s'est lui aussi penché sur les données récoltées par le site Nosdéputés.fr : « M. Bovet fait partie des 150 parlementaires les moins actifs de l’hémicycle sur quatre critères différents », a-t-il conclu.

Si l'on entre dans le détail, on remarque notamment que le député RN compte 0 rapport parlementaire et 0 proposition de loi à son bilan (contre 2 rapports et 6 propositions de loi pour la députée LFI du Puy-de-Dôme Marianne Maximi), que sa dernière Question au gouvernement remonte au 20 juin 2023, et qu'il n'est l'auteur que de 27 interventions de plus de 20 mots dans l'hémicycle (soit près de 15 fois moins que le député communiste de la 1ère circonscription de l'Allier, Yannick Monnet).

En juin 2023, Mediapart constatait que le groupe RN à l'Assemblée « s'appuie sur un petit groupe d’orateurs et oratrices qui interviennent régulièrement » et qu' « une grande quantité de ses députés ne parlent quasiment jamais ». M. Bovet fait clairement partie du second groupe, qui fait d'abord acte de présence et vote comme ses chefs l'ordonnent.

Illustration 2
Un député spectateur. © Compte X (ex-Twitter) de Jorys Bovet (@JorysB3, 16.01.2024)

M. Bovet n'habite pas dans la circonscription dont il a été le député, vient de confirmer La Montagne (lire ici et ). En 2022, il concédait résider dans le bassin vichyssois (c'est-à-dire dans la 3e circonscription de l'Allier), affirmant toutefois avoir « des attaches » dans la 2e circonscription, et être même « venu plusieurs fois à Montluçon ». Il n'a visiblement pas déménagé entre-temps, et on peut légitimement se demander s'il s'est approprié le territoire qu'il était censé représenter, tant il s'est montré « discret », de son propre aveu, depuis deux ans.

M. Bovet a de nouveau refusé de débattre hier soir avec ses adversaires sur le plateau de France 3 Auvergne, alors qu'il est dans cette campagne le député sortant, désormais doté d'un bilan. Pendant ces deux années, je n'ai par ailleurs retrouvé la trace que de trois entretiens : deux à la radio locale RJFM (en 2022 et cette semaine), un seul au quotidien régional (il y a un an et demi).

Sur ses réseaux sociaux, M. Bovet se contente généralement de reposter les contenus publiés sur les comptes de Marine Le Pen et de Jordan Bardella. Il apporte un soin particulier à rendre compte des cérémonies officielles auxquelles il prend part, notamment des commémorations ayant trait à la mémoire de la Seconde Guerre mondiale, de la Résistance et de l'Occupation : appel du 18 juin, assassinat de Marx Dormoy, massacre de la carrière des Grises, hommage aux victimes de la déportation. Peut-être cherche-t-il ainsi à faire oublier que son parti a été fondé par des nostalgiques du régime de Vichy, et que l'ancien maire socialiste de Montluçon fut victime en 1941 de la vengeance d'une organisation d'extrême droite ?

Au printemps 2023, M. Bovet s'était affiché aux côtés de deux militant·es clermontois·es de la Cocarde étudiante, un syndicat qui ne dédaigne pas recourir à la violence et qui fut dirigé jusqu'en 2022 par un proche collaborateur de M. Bardella (sur le contexte à l'université de Clermont-Ferrand, lire notamment ici, et ). Le mois dernier, M. Bovet a dénigré des ateliers organisés au lycée Banville de Moulins dans le cadre de la journée internationale de lutte contre les LGBTQIAphobies : l'ancien député bourbonnais a-t-il eu connaissance des suicides des jeunes Lucas et Fouad ? Le cas échéant, ces drames, qui ne sont pas isolés, le laissent-ils indifférent ? [1]

Le député sortant absent du débat. © France 3 Auvergne-Rhône-Alpes

Le 19 juin 2022, M. Bovet n'avait devancé Louise Héritier que de 140 voix, après un entre-deux-tours marqué par les déclarations confuses de la députée macroniste sortante et l'appel à voter RN du maire LR de Montluçon. Mme Héritier est de nouveau candidate ce dimanche : elle porte le programme du Nouveau Front Populaire, qu'elle est quant à elle venue défendre hier soir sur le plateau de France 3, et qu'elle compte bien mettre en œuvre dès ce mois de juillet à l'Assemblée nationale.


* Source : « Frédéric Boccaletti, le député voyou du Rassemblement national », Christophe Cécil-Garnier, Streetpress, 6.07.2022. Le député sortant de la 7e circonscription du Var a été réinvesti pour ces législatives par le parti présidé par Jordan Bardella.

** Le 28 mai dernier, la députée écologiste Sandrine Rousseau a publié sur son compte X une photographie des bancs du Rassemblement national, car le député des Français de l'étranger Meyer Habib, pourtant membre du groupe Les Républicains, était allé ce jour-là s'y asseoir.

[1] Mon billet « Galerie des candidat·es RN en Auvergne » recense également une série de tweets à caractère xénophobe postés par Jorys Bovet depuis l'été 2023.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.