Là où il y avait autrefois de l'écoute, règne maintenant la découpe : hiérarchies en tous genres depuis les parcours de formation jusqu'aux regroupements des services hospitaliers, segmentation des tâches, tarification à l'activité, entre autres. Une dynamique d'ensemble inlassablement imposée par des politiques publiques que contestent toujours plus ardemment la plupart des organisations syndicales mais rien n'est fait pour préserver la Santé des logiques néolibérales, c'est tout l'inverse et le secteur privé applaudit.
Avec un profond respect pour les personnels soignants qui malgré l'appauvrissement du système hospitalier public résistent encore, font face aux réalités comptables et aux tensions qu'elles génèrent, Hospitalis Anima porte au plateau la parole de professionnel·les qui sans arrêt encaissent et repoussent leurs limites pour défendre la salubrité de leurs lieux de travail, garantir de dignes conditions d'accueil. Une « résilience » qui pour autant ne peut taire l'ampleur du sentiment d'abandon.
C'est justement sur cette ambivalence continuelle, consciente ou non, que le spectacle pose des mots. Leur rôle essentiel, indispensable, est exercé malgré le cheminement vers l'inconnu et les idéaux piétinés. L'humanité demeure malgré les contraintes managériales parfois insensées, qui maltraitent les corps et les esprits, et rejaillissent indéniablement sur la vie sociale et familiale. Leurs moyens diminuent mais pour autant leurs sacrifices personnels encore s'accroissent.
Cette fibre sur laquelle voltige l'intensité dramatique de l’œuvre comme un·e funambule sans harnais ni filet de sécurité, nous renvoie ainsi tantôt aux fêlures émotionnelles qui apparaissent en nos personnels soignants, tantôt à l'essoufflement structurel de notre système hospitalier, qui recourt à l'emprunt et s'intoxique au long terme alors que la solidarité nationale et une lutte engagée contre l'évasion fiscale suffiraient sans doute pour en soigner l'équilibre.
Comment éviter le déni et la folie qui peut en découler quand on nous somme de nous focaliser sur la maladie et le traitement médicamenteux plutôt que sur la patientèle qu'on chérissait autrefois mais à qui on doit maintenant « couper la parole » ? Qu'y-a-t-il de véritablement sain dans la gestion d'un tableau de bord d'activité s'il implique d'exercer « la boule au ventre », que l'organisation des roulements et des transmissions se fait au détriment du suivi des patient·es et que les déserts médicaux gagnent du terrain ?
L'enjeu majeur de cette pièce est précisément de questionner le bien-fondé des choix politiques qui préfigurent le maillage sanitaire actuel, ainsi que le financement de notre protection sociale, sans jamais passer sous silence toute l'amertume et la détresse de soignant·es qui justement en deviennent malades ; du texte collégial, ciselé et percutant à la qualité de l'interprétation des comédien·nes, en passant par l'intelligence émotionnelle de la mise en scène de Marie Sciascia.
Hospitalis Anima, le cri du travail
Écriture : création collective (avec L'épicerie culturelle) ; Mise en scène : Marie Sciascia ; Interprètes : Marie Sciascia, Claire Maxime, Claude Jacquet, Olivier Perriraz ; Musique : Pierrick Georger ; Lumières : Christophe Jaillet ; Scénographie : Olivier Perriraz ; Vidéo : Olivier Desloges.
Diffusion : direction@epicerie-culturelle.com ; Co-Production : L'épicerie culturelle et la Mutuelle des Territoriaux et Hospitaliers (MATH) ; Spectacle commandé par la Mutuelle des Territoriaux et Hospitaliers (MTH), avec le soutien de l’Union artistique et intellectuelle des cheminots de Lyon (UAICL), le Groupe Entis, la MGP et des Cheminots de la Région Sud PACA.
1h
08.07.2022 → 22.07.2022 (16h)
Festival Off d'Avignon, Théâtre de la Rotonde.
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