Une conviction revient souvent chez les personnes qui souhaitent lutter contre les inégalités liées à l’éducation : « Les élites ne souhaitent pas que tous les enfants réussissent à l’école, convaincues qu’ainsi, elles favorisent leurs propres enfants ». Je l’ai lu récemment dans une interview de Claire Hédon, la défenseuse des Droits dans le journal Le monde. Je l’ai entendu dans la bouche de leaders politiques dont je ne doute pas de l’engagement pour les moins dotés à la naissance. Cependant, cette conviction ne survit pas à l’épreuve des faits. Il s’agit d’un narratif destiné à créer un écran de fumée sur les vrais leviers impactant les inégalités.
La thèse argumentée dans cet article est que ce narratif est un construit volontaire des co-constructeurs de la bonne parole dite de gauche sur l’éducation tel qu’ils sont décrits page 13 à 15 de l’article « La métamorphose du paradigme sur l’éducation aura-t-elle lieu ? » http://www.res-systemica.org/afscet/resSystemica/vol22-catastrophes/res-systemica-vol-22-art-04-v2.pdf
Le but des co-constructeurs est de servir la Finance en agissant de manière que l’école de la République continue à fournir des citoyens maitrisant insuffisamment la lecture, l’expression et les opérations de base, dont l’estime de soi a été détruite par un collège hypocrite et qui n’ont pas d’autres ressources que d’accepter des métiers précaires et mal payés. Très habilement, ces gens servent la finance tout en prétendant vouloir le contraire. La Finlande qui a une école du socle efficace est obligée de payer plus cher les personnes qui acceptent les travails les plus difficiles.
Examinons les faits.
Rien ne montre que les élites s’opposent à la réussite des enfants de famille populaire.
Les élites utilisent les ressources à leur disposition pour faire réussir leur enfant. Cependant, elles ne sont pas parties prenantes dans les pires dysfonctionnements de l’école
Les élites utilisent leur capital culturel pour aider leur enfant à apprendre, leur capital social pour définir la meilleure stratégie pour l’orientation de leur enfant, elles l’accompagnent mentalement lors qu’il ou elle passe des concours de sélection. Cependant, ce ne sont pas elles qui imposent une gouvernance de l’école inefficace qui ne donne pas les moyens aux enseignants pour faire progresser les enfants qui ont du mal à apprendre : ce sont les cadres d’appareil de l’EN (ou la technostructure) avec parfois l’aide de permanents de syndicats d’enseignants. Ce ne sont pas elles qui communiquent de manière à créer une prophétie auto-réalisatrice vers l’échec chez les enfants de classes populaires : ce sont des universitaires qui se disent de gauche. Elles n’ont pas souhaité non plus la dégradation du lycée professionnel (elles s’en désintéressent). Les personnes qui ont invisibilisé les difficultés, les besoins et les attentes des jeunes qui n’ont pas les acquis pour réussir au lycée général, sont les tenants de la bonne parole sur l’éducation dite de gauche dont Yaya est un serviteur zélé. Ce fait a été démontré il y a deux ans, déjà. https://blogs.mediapart.fr/viviane-micaud/blog/240821/lorientation-de-fin-de-3eme-un-impense-des-theoriciens-de-lecole La liquidation du lycée professionnel n’est pas une demande des élites qui souhaitent que leur rejeton accède aux formations les plus rémunératrices, mais un choix idéologique de la Macronie pour servir la finance en donnant de la main d’œuvre quasi-gratuite aux grandes entreprises et pour aider aux développements d’officines privées de formation, financées par de l’argent public, qui ne fournissent pas toujours des formations dignes de ce nom.
Tous les citoyens et citoyennes utilisent les ressources à leur disposition pour faire réussir leur enfant : c’est humain. Il ne s’agit nullement d’une particularité des élites.
L’artisan dans le bâtiment va aider son fils ou sa nièce de s’installer à son compte en l’aidant à trouver des contrats dans les chantiers où il y a plusieurs corps de métier. La mère de famille va inscrire son enfant au soutien scolaire (organisé par des bénévoles) malgré les contraintes pour l’emmener dans la salle où il a lieu. L’employé va informer une relation quand une place est vacante dans sa société. La personne qui travaille dans des services centraux va se rendre disponible quand un jeune proche se demande comment se comporter dans une situation un peu conflictuelle en entreprise. Je connais des « serviteurs du bien commun » qui donnent de leur temps sans compter pour partager les clés de compréhension du fonctionnement de la société. Aucun ne partage les opportunités qui peuvent être utiles à leurs proches. La collaboration s’arrête quand il y a une concurrence concrète.
L’écrasante majorité des familles de classe sociales favorisées ne craignent pas la mixité sociale. Elles craignent juste les conditions d’enseignement inefficaces et les établissements où les violences sont récurrentes. Les familles qui en ont les moyens fuient les établissements où le manque d’enseignants pour assurer les cours est criant, où nombre d’entre eux sont vacataires et n’ont pas été formés à la pédagogie et où les problèmes de disciplines sont récurrents.
Le clan de ceux qui fréquentent les écoles privées huppées est une frange infime de la population. Le narratif faisant l’amalgame entre les écoles privées huppées et la totalité des familles de classe sociale favorisée est faux. Il a pour conséquence de créer de l’incompréhension et ainsi, entraver la recherche de solutions efficaces.
Il suffirait que la loi impose les moyens (nombre d’adultes dans l’établissement, personnel expérimenté et moyens pour sorties pédagogiques et intervenants extérieurs qualifiés) en fonction de l’IPS (et son écart type) pour que la fuite dans le privé soit enrayée. Ce ne sont pas les élites qui s’y opposent mais la technostructure de l’éducation nationale, avec la complicité des tenants de la bonne parole et parfois celle de permanents de syndicats. Le narratif d’accusation des élites sert à créer un écran de fumée sur les exactions de ces derniers.
En résumé, les classes favorisées utilisent leurs ressources pour faciliter la réussite de leurs enfants, et mettent leur enfant dans le privé quand elles pensent, souvent à tort vu l’engagement des enseignants, que l’école publique est déficiente. Cependant, elles ne souhaitent nullement empêcher les autres enfants d’apprendre. Alors comment expliquer l’incapacité de la France à compenser les inégalités de naissance ? Il existe une explication : une volonté commune des cadres dirigeants de l’éducation nationale et les co-constructeurs du narratif qui accuse les élites. Je sais, c’est difficile à croire que la gauche de gouvernement s’est faite à ce point manœuvrer par les intellectuels qui leur fournissaient un récit d’une « école en décrépitude à cause de la lutte des classes », et n’a pas vu que le dit narratif avait comme fonctions secondaires de créer un écran de fumée sur les vraies causes des inégalités, ainsi que de créer une prophétie auto-réalisatrice de l’échec chez les jeunes de classe sociale défavorisée.
Alors qui entrave la réussite des enfants de famille populaire ?
Donc comme ma thèse est difficile à croire, nous allons continuer notre analyse basée sur des faits. Si les moteurs des inégalités de l’école ne sont pas les élites, alors quels sont-ils ?
Décrivons les particularités du système éducatif français ayant un impact négatif sur l’égalité des chances, et les groupes de personnes qui ont une responsabilité dans chaque particularité.
Une étude de l’INSEE montre que le critère le mieux corrélé avec réussite des jeunes en licence à l’université est le niveau acquis dans les compétences de base en fin d’école primaire. Or, le niveau acquis en fin d’école primaire est corrélé avec les origines sociales, plus en France que dans les autres pays. Pour limiter cette corrélation, certains pays savent mettre en place une bonne gouvernance qui s’appuient sur la confiance dans l’expertise de l’enseignant et les moyens nécessaires, pas la France. Les élites n’ont rien à voir avec cette décision de la technostructure de l’éducation nationale.
La particularité de la France est de détruire la confiance en soi des plus faibles scolairement quand ils traversent le collège. Ceci n’a jamais été une demande des élites. Il s’agissait d’un choix de la technostructure qui n’a été possible que grâce à la complicité des amis de Yaya qui fustigeaient celles et ceux qui dénonçaient cet état de fait. Ces derniers niaient que mettre de manière systématique un élève devant des devoirs qu’il ne peut pas réussir à cause de ses lacunes ou de ses différences cognitives, casse la confiance en soi. Il s’agit pourtant d’une connaissance reconnue de la psychologie cognitive : l’impuissance acquise.
La particularité de la France est de nier les enjeux de l’affectation, dans la diversité de parcours au plus tard à 15-16 ans (soit à la fin de l’école du socle). C’est très complexe de réaliser cette affectation sans brutalité mais prenant en compte les contraintes. La coalition technostructure-gardiens de la bonne parole fait comme si l’unique problématique d’affectation dans des parcours éducatifs se situent après les lycées (professionnel, technologique ou général), et ne considère pas le premier pas d’orientation en fin de Troisième comme un sujet. La solution qu’elle propose est de supprimer tout tri. Pourtant, l’UNESCO a comparé les systèmes éducations du monde et a publié le résultat dans la norme « Classification Internationale Type de l’Éducation, CITE 2011 » (En anglais, International Standard Classification of Education (ISCED) 2011). Celle-ci indique que la spécialisation se produit au plus tard à l’entrée du deuxième cycle du secondaire (le lycée), c’est-à-dire en général à 15 ans. Dans certains pays cette spécialisation commence en fin de l’enseignement primaire (vers 12 ans). Un des enjeux du système éducatif est de gérer cette affectation en multiples parcours en fonction des envies du jeune, des places disponibles et de s’il ou elle a les acquis pour avoir une chance raisonnable de réussir, sans que le jeune ait le sentiment de ne pas avoir eu sa chance.
Pour imposer cet impensé, les tenants de la bonne parole ont sciemment invisibilisé les difficultés, les états d’esprit, les attentes et les besoins des jeunes qui ne vont pas en lycée général. En effet, on n’a pas besoin de gérer ce qui n’existe pas, donc imposons l’idée que ces jeunes n’existent pas. Tous les communicants officiels sur l’éducation, faisaient comme si seuls les lycéens généraux existaient et comme si tous les jeunes avaient les mêmes acquis en lecture, en maîtrise des processus d'inscription dans la mémoire de notions et en d’expression orale et écrite, que les lycéens généraux. Ce mensonge cognitif a pour but de ne pas avoir à fournir des passerelles aux jeunes qui ont des lacunes et qui sont prêts à fournir des efforts. Mais cette hypocrisie, délétère, n’est pas une demande des élites, mais un choix de la technostructure de l’Education nationale, avec un soutien actif des tenants de la bonne parole. Les malhonnêtetés intellectuelles utilisées par les tenants de la « bonne » parole sont décortiquées dans ce document paru en 2021 ( https://blogs.mediapart.fr/viviane-micaud/blog/240821/lorientation-de-fin-de-3eme-un-impense-des-theoriciens-de-lecole )
La particularité de la France est d’abriter des communicants agressifs qui nient que tous les pays du monde ont des parcours de l'enseignement supérieur très sélectifs où il faut organiser la préparation pour vraiment sélectionner celles et ceux qui sont le plus à même d’apporter quelque chose, au domaine de recherche ou au pays. L’équivalent fonctionnel des classes prépas existe dans tous les pays du monde, le plus souvent privé et payant. Et dans tous les pays du monde, il y a des biais liés aux origines sociales et culturelles pour l’accès à la préparation au dernier sprint avant d’y être admis. Ce qui ne justifie nullement de les supprimer sans procès. Il convient de s’interroger aux mécanismes qui créée des biais sociaux et réfléchir posément au bilan avantages/coût. Une autre particularité de la France, est de focaliser sur les formations très sélectives sur des critères académiques. Or, il existe des formations très sélectives, dans l’art, l’artisanat, le sport et dans des spécialités très rémunératrices du monde industriel. Cet oubli est un moteur de la dévalorisation des formations techniques. L’explication provient d’un lobbying d’universitaires dogmatiques autocentrés sur l’université et qui veulent tuer les grandes écoles en jetant le bébé avec l’eau du bain. Des sociologues peu scrupuleux de la rigueur scientifique surfent sur les attentes de ces lobbyistes. Contrairement, aux autres moteurs des inégalités liées aux origines sociales, il s’agit d’un sujet qui n’est pas porté par la technostructure, mais uniquement par les tenants de la bonne parole sur l’éducation dite de gauche dont Yaya est un très fidèle gardien. Si vous voulez aller plus loin sur les narratifs trompeurs portés par les amis de Yaya autour du sujet de l’élitisme, vous pouvez lire les page 2 et 3 du document suivant Le concept de « tyrannie du mérite » est-il pertinent pour le système éducatif ? https://blogs.mediapart.fr/viviane-micaud/blog/100323/le-concept-de-tyrannie-du-merite-est-il-pertinent-pour-le-systeme-educatif
En conclusion, les deux principaux responsables du renforcement des inégalités scolaires sont nullement les élites, mais la technostructure de l’éducation nationale et les amis de Yaya. Les élites profitent d’un effet d’aubaine grâce à leur capital social et culturel, mais contrairement au narratif des tenants de la bonne parole, l’écrasante majorité ne veulent pas l’échec des enfants de milieux populaires. Nombre d’entre eux se mobilisent pour transmettre les clés de compréhension du monde des adulte, en participant à du tutorat ou en communiquant par des vidéos et des articles en accès libre. Pendant que la majorité d'entre eux se désintéressent de la question.
Revenons à la citation de Claire Hédon « Un des freins, c’est la grande peur que les élites ne réussissent moins bien si l’on fait réussir tout le monde. Je pense que c’est une idée fausse. » et le lien vers l’article du monde. Je pense que cet article en a fait la démonstration : La grande peur qu’aurait les élites, formulée par Claire Hédon, est une légende urbaine. Je suis curieuse de savoir quels moyens ont été mis en place pour la convaincre de ce narratif faux.
Posons-nous maintenant la question du rôle de ceux qui ont besoin de travailleurs et travailleuses malléables ?
Nous avançons. Deux groupes qui semblent être responsables de notre système scolaire inégalitaire sont les gourous que vénère Yaya et la technostructure de l’Education nationale, c’est-à-dire les cadres d’appareil. Approfondissons encore !
Pour cela essayons d’établir ce qui impacte vraiment sur les inégalités puis ayons un regard critique.
Les principaux mécanismes à l’origine des inégalités dans l’éducation sont les suivants :
- La France ne met pas les moyens pour accompagner la réussite dans les apprentissages premiers, les enfants issus de milieu social défavorisé.
- La France a un collège qui détruit la confiance en soi des plus faibles scolairement et ne les accompagnent pas pour récupérer leurs lacunes. (Les familles aisées peuvent plus facilement le faire)
- La France a des collèges « ghetto » où les jeunes issus de milieux défavorisés sont anormalement nombreux, ce qui a des conséquences sur l’optimisme des élèves, et sur la connaissance des codes des milieux sociaux autres que le leur,
- La France ne propose pas, après la troisième, une variété de parcours pour que chaque jeune puisse en trouver un qu’il peut réussir vu ses acquis et qui peut le conduire à terme conduire au but qu’il s’est fixé,
- La France ne met pas en place un ensemble de passerelles pour permettre à tous les jeunes de changer de voies ou de reprendre des études,
- La société civile française n’organise pas de réflexion sur la manière d’organiser l’affectation dans un parcours de formation après la troisième, sans brutalité mais en prenant compte toutes les contraintes réelles dont le niveau des acquis de l’élève.
- Les communications internes à l’éducation nationale sur l’orientation sont d’une hypocrisie surréaliste. On dit aux jeunes des lycées professionnels qu’ils ou elles vont pouvoir aller à l’université alors que le taux de réussite en licence pour eux est de 7%, et c’est un prétexte de ne pas proposer de formations qu’ils ou elles pourraient réussir, et pourraient les conduire par une passerelle à la licence dans de bonnes conditions. On explique aux jeunes pour les inciter à aller au lycée professionnel qu’ils feront un chef d’œuvre, qui n’a tellement rien d’un chef d’œuvre au sens commun du terme que cela fait ricaner les professionnels. On a dit aux lycéens généraux qu’ils ne doivent pas avoir de stratégies et prendre les spécialités qui leur plaisent, ce qui a conduit à renforcement des biais sociaux et genrés de l’orientation, et une limitation des études supérieures possibles en fin de terminale chez ceux qui ont cru à ce mensonge (qui sont plus nombreux chez les jeunes de milieu défavorisé).
- Des sociologues communiquent agressivement de manière de persuader les jeunes issus de milieu défavorisé qu’ils sont destinés à échouer. Ce qui conduit à de moindres ambitions, une moindre réussite (à cause de la menace du stéréotype de Steele), et une plus grande difficulté à quitter son territoire pour se jeter dans l’inconnu.
- Les bourses sont insuffisantes et les enfants de milieu défavorisé sont plus souvent en situation de précarité étudiante et obligés d’avoir un job, ce qui les handicape dans leurs études. La France ne propose pas des cursus universitaires qu’on peut suivre en travaillant à mi-temps, contrairement aux autres pays.
Le problème des inégalités est très loin de l’antienne sur la juste dépense pour la préparation des concours des formations très sélectives, dans le but de vraiment sélectionner celles et ceux qui sont le plus à même d’apporter quelque chose, au domaine de recherche ou au pays. Cette dépense est à rationnaliser. Je partage l’idée qu’on dépense trop. Cependant, n’en déplaise à certains, les classes prépas ont un rôle fonctionnel réel, très différent du soutien scolaire des jeunes scolarisés en REP+. Comparer les deux dépenses n’a aucun sens.
Le problème des inégalités sont assez loin des problématiques du lycée général qui, je le rappelle, accueille, les 45% de la cohorte, rescapés de l’élimination sur les acquis en Français. Je rappelle aussi qu’un jeune, de milieu défavorisé, bon ou très bon élève à l’entrée du lycée général réussit globalement aussi bien qu’un élève de milieu favorisé. En effet, il a acquis les compétences de lecture, d’expression, de mathématiques, et de savoir mémoriser les éléments importants. (Il n’y a pas d’illusion de la méritocratie pour eux et elles sur cette séquence de leur parcours scolaire. Il y en a eu avant, il y en aura dans l’orientation et après.)
Pourtant, ces deux problèmes sont présentés par les gardiens de la bonne parole comme les sujets fondamentaux à traiter pour l’éducation, en plus de la désignation des élites comme les boucs émissaires. En faisant cela, y compris quand ils sont sincères, les amis de Yaya mettent en place des écrans de fumée qui détournent de vrais sujets comme les 9 points listés plus haut.
Le grand paragraphe précédent a montré qu’il y a deux parties prenantes qui ont un impact négatif sur la lutte contre les inégalités.
- La technostructure de l’Education nationale, qui souhaite avoir 80% de bacheliers et 50% de diplômés dans l'enseignement supérieur, au moindre coût, parce que c’est l’objectif que l’on leur a donné, quitte à donner des diplômes qui ne valident pas grand-chose. Aussi, l’habitude est de prendre les moyens à ceux qui ne savent pas protester, de mettre en place des stratégies de mise en injonctions paradoxales des enseignants pour les empêcher de formuler les vrais problèmes et avoir une stratégie de communication vers le grand public digne des vérités alternatives de Donald Trump.
- Les tenants de la bonne parole dite de gauche sur l’éducation qui sont un ensemble de personnes qui imposent des croyances, auto-construites par accord tacites entre groupes d’intérêt. Les deux principaux moteurs de ce groupe sont le pouvoir et le plaisir de l’emprise. L’autopoïèse du système hypercomplexe qu’est ce groupe social explique comment il se perpétue et est détaillée dans l’article déjà cité sur la métamorphose en cours du paradigme sur l’éducation.
Cependant une troisième partie prenante est devenue agressive et visible avec Macron : la Finance. Les actions visibles de la Macronie en sa faveur sont :
- les cadeaux aux maternelles privées avec la scolarité obligatoire à partir de 3ans ;
- les apprentis quasi-gratuits avec peu ou pas de contrôle sur la qualité de la formation, sur les conditions de travail (sécurité du travail et comportement abusif des employeurs),
- le fleurissement d’instituts privés dans l’enseignement supérieur, proposant des diplômes onéreux et non reconnus par l’état, mais bien mis en avant dans parcoursup.
La Finance est un mot qui désigne des personnes qui veulent tirer bénéfice des activités économiques et qui ont des activités de lobbying pour les développer sans prendre en compte ni l’intérêt du pays, ni celui des personnes.
Cependant, de mon point de vue, la finance a influé bien avant, pour maintenir une cohorte de jeunes qui sortent du système éducatif sans maîtriser totalement l’expression écrite et orale, sans comprendre les règles du jeu de la société, avec une impuissance acquise bien ancrée et sans diplôme valorisable sur le marché du travail. Le but était d’avoir un réservoir de personnes n’ayant pas d’autres solutions si elles voulaient travailler d’accepter des emplois fatigants, précaires et mal payés. En effet, quel intérêt avait la technostructure d’imposer des méthodes pédagogiques inefficaces (qui pénalisaient surtout les jeunes de milieux défavorisés) ? Jusque dans les années 2010, quel intérêt a eu la technostructure à ne valoriser que les recherches autour de méthodes pédagogiques miracles évidemment illusoires, au lieu de mettre en avant les recherches sur la construction de la compétence de l’enseignant pour faire progresser chaque enfant ? Quel intérêt avait la technostructure lors de la rédaction du premier le socle commun de connaissances de l'enseignement obligatoire (celui de 2007), de ne pas y mettre la finalité « apprendre à apprendre » contrairement à ce que suggérait l'UNICEF et pénaliser ainsi les enfants de milieu social défavorisé pour qui cette compétence est moins naturelle ? Quel intérêt avait la technostructure et les tenants de la bonne parole de nier que le collège casse la confiance en soi des plus faibles scolairement, de manière à être sûr de les maintenir dans un état de découragement qui rend docile ? Quel intérêt ont eu certains sociologues de tordre certaines études et d’affirmer que, mêmes avec de fortes lacunes incrustées, l’enfant apprenaient mieux dans des classes très hétérogènes, alors que c’est faux sauf parfois en école primaire ? Quel intérêt ont eu certains sociologues de nier que le comportement des enfants dépend (en moyenne) de l’étape de maturité où ils sont alors que c’est établi depuis les années 1970 par Jean Piaget et qu’il s’agit d’un élément fondamental pour comprendre les dynamiques d’apprentissage et agir pour aider à apprendre les plus faibles scolairement ? Toutes ces personnes ou entités n’avaient aucun intérêt de réaliser toutes ces actions contraires à l’émancipation de la jeunesse, si ce n’est d’obéir à ce qu’attendent leurs commanditaires : ceux qui veulent des travailleurs pas chers pour les métiers peu qualifiés et pénibles (bien qu’indispensables).
On peut faire l’hypothèse que les lobbyistes qui imposent depuis des dizaines d’années, les modèles économiques voulus par les anglo-saxons au lieu de ceux qui préservent la planète et qui sont plus respectueux du bien-être des personnes, ont aussi agi pour créer un réservoir de personnes corvéables.
L’irresponsabilité des intellectuels qui ont fourni les éléments de langage à la bonne parole dite de gauche sur l’éducation
Le commanditaire qui a demandé d’entraver la réussite des enfants de famille populaire semble bien la finance, ceux qui voulaient un réservoir de main-d’œuvre bon marché pour les métiers pénibles. Les premiers à la manœuvre sont, les cadres supérieurs de l’Education appelés ici « la technostructure de l’EN » mais force de constater qu’ils ont eu un soutien proactif de tenants de la bonne parole sur l’éducation qui se disaient de gauche.
En effet, les maîtres à penser de Yaya ont utilisé des méthodes d’écran de fumée. Ils ont pointé les élites qui n’avaient pas de responsabilités directes, mis en scène une guéguerre entre les universités et les grandes écoles alors que les vrais sujets étaient ailleurs, alimenté des polémiques stériles et encouragé la communication autour de méthodes pédagogiques miraculeuses qui marcheraient dans tous les contextes, pour toutes les étapes de maturité et quels que soient les besoins particuliers du jeune. Toutes ces stratégies destinées à capter l’attention sur des fausses bonnes idées ont entravé la recherche des mécanismes de psychologique cognitive qui expliquent qu’un enfant de milieu défavorisé apprenne moins facilement (bien qu’il soit tout aussi capable d’apprendre). Ils ont participé au déni du fait que les 20% les plus faibles scolairement sont en souffrance au collège, participant à les mettre dans une situation de perte de confiance en eux. Ils ont fait croire que la particularité de la France était le tri des élèves alors que c’est une contrainte qui existe dans tous les pays qui doit se dérouler quand les élèves ont entre 12 et 16 ans, empêchant une gestion des affectations répondant aux besoins des élèves. Ils ont menti en interprétant, volontairement semble-t-il, des études de manière erronée, pour affirmer que d’avoir de nombreux élèves d’un niveau très faible ne baissaient le niveau d’une classe, ce que toute personne assistant à des conseils de classe sait être faux. Ce mensonge a renforcé la fuite des familles qui veulent faire réussir leur enfant vers l’enseignement privé, car un argument visible erroné n’est pas susceptible de convaincre qui que ce soit. (Il existe des narratifs susceptibles de convaincre les familles). Ils ont participé activement à l’invisibilisation des besoins et attentes des 55% qui ne sont pas dans des filières qui aboutissent à un bac général, empêchant une réflexion sur le besoin d’offres de filières après la 3ème pour satisfaire tous les jeunes, ainsi que sur la meilleure manière de gérer sans brutalité les affectations. Ils ont plébiscité une réforme du lycée général qui correspond étrangement au catastrophique lycée général mis en place par Blanquer (Il s’agit des 9 propositions de 20 organisations rendues publiques le 15 janvier 2009). Ils ont communiqué comme si les moteurs des inégalités étaient au lycée général et en université, alors qu’ils se trouvent surtout avant et lors de l’orientation. Enfin, ils ont communiqué autour du concept de méritocratie de manière à créer une prophétie autoréalisatrice vers l’échec chez les enfants de classe populaire. Le détail des mensonges cognitifs des tenants de la bonne parole sur l’illusion méritocratique est développé ici. 2023 - Le concept de « tyrannie du mérite » est-il pertinent pour le système éducatif ? https://blogs.mediapart.fr/viviane-micaud/blog/100323/le-concept-de-tyrannie-du-merite-est-il-pertinent-pour-le-systeme-educatif
La plupart des tenants de la bonne parole sont sincères. Ils n’ont pas conscience que les vérités toutes faites qu’on leur a demandé de transmettre sont à ce point nuisibles. D’autres ont choisi de servir ceux qui avaient le pouvoir de leur donner une place à la lumière. Comme ces personnes en situation de pouvoir agissaient aussi, le plus souvent avec succès, pour invisibiliser celles et ceux qui diffusaient des recherches et des articles contraires à la bonne parole, on peut les comprendre. Faire des compromis avec les tenants de la bonne parole a longtemps été la seule manière d’exister sur le thème de l’éducation quand on se sentait de gauche. Je ne les blâme pas celles et ceux qui dans le passé ont fait ce choix. Cependant le contexte a changé, et avec la montée de l’extrême droite, il faudrait qu’ils réagissent, il faudrait que les leaders des partis politiques fassent preuve de responsabilité et prennent le temps de peser les arguments des unes et des autres. Parmi ces tenants de la bonne parole ; quelques-uns ou quelques-unes ont eu une prise de conscience salutaire : j’ai oublié leurs erreurs passées ; d’autres continuent en toute conscience, les communications, les mensonges cognitifs, les narratifs et les interprétations abusives de travaux de recherche de manière à entraver la recherche de connaissance sur ce qui crée vraiment les inégalités scolaires liées aux origines sociales et de créer une prophétie autoréalisatrice vers l’échec chez les jeunes de classes populaires.
Certains ont clairement joué double-jeu. Prenons le cas d’un sociologue, professeur des universités émérite qui a été un grand fournisseur d’éléments de langage des partis de gauche. Je ne citerai pas son nom, cependant celles et ceux qui suivent l’actualité de l’éducation verront de qui je parle.
Ce monsieur communique sur les chiffres qui font prendre conscience que le niveau d’étude atteint par un jeune dépend de l’origine sociale de sa famille, et de manière plus prononcée en France que dans les autres pays industrialisés. Il s’agit d’une action salutaire car on ne peut d’avoir d’actions concrètes sur ce qui n’est pas mesuré. Le monsieur est aussi un remarquable communicant qui sait créer une envie d’agir pour lutter contre les inégalités. C’est aussi important.
Que suggère-t-il pour lutter contre les inégalités ? Et c’est là que le bât blesse. Il suggère la désignation des élites comme boucs-émissaires de tous les maux de l’école et la suppression de tous les mécanismes de sélection dans le système éducatif. La désignation d’un bouc-émissaire est très utile pour des discours qui créent des émotions bien à gauche, mais pas vraiment pour agir efficacement. Proposer une solution simpliste comme « la suppression de la sélection » avec une posture d’expert compétent et responsable, convainc celles et ceux qui connaissent pas vraiment le sujet. Par ailleurs c’est habile, car cette fausse bonne idée qui est démontable dans le cadre d’un cours ou d’un article, ne l’est pas dans le cadre d’une prise de parole : la sélection raisonnée avec un ensemble de parcours alternatives, de mise en place de soutiens et de passerelles est un sujet complexe. Il est alors facile d’expliquer d’accuser d’élitisme les contradicteurs. La mise en avant de cette solution simpliste correspond aux attentes de la finance, elle dispense de mettre les moyens pour les jeunes en difficulté dans l’école du socle (Les amis du monsieur affirment qu’ils apprennent aussi bien que les autres en classe hétérogène sans moyens spécifiques supplémentaires) et elle dispense de proposer aux les étudiants venant de lycées professionnels ou technologiques des parcours que ces derniers ont une chance raisonnable de réussir sous prétexte qu’ils ont le droit d’aller se planter à l’université.
Nous allons décortiquer maintenant les mensonges cognitifs dans chacun de ses deux éléments de langage forts de ce personnage.
Premier élément de langage : « Dans le système éducatif actuel, les enfants des classes populaires sont destinés à être des perdants et des humiliés à cause d’un système élitiste propre à la France ». Voyons ce qui est vrai, faux et délétère.
- Vrai : Il y a une corrélation entre niveau atteint dans les études et les origines sociales dans tous les pays. Elle est plus marquée en France que dans les autres pays.
- Faux : L’existence de parcours très sélectifs sur des critères académiques n’est pas propre à la France. Ce type de parcours existe dans tous les pays. Quand le service public ne le propose pas, le privé le fait. Il s’agit donc d’un sous-entendu destiné à tromper (mensonge cognitif).
- Faux : Contrairement à ce qu'il affirme, la manière de sélectionner propre à la France dans les parcours du supérieur très sélectifs (classes préparatoires) n’influe pas sur la difficulté à atteindre un haut niveau d’étude des jeunes issus de milieu défavorisé. Les moteurs largement développés dans cet article sont ailleurs. Il s’agit d’une affirmation fausse destinée à tromper (mensonge franc).
- Narratif délétère : En décrivant les jeunes de milieux défavorisés comme des perdants et des humiliés, il crée une prophétie autoréalisatrice vers l’échec chez les jeunes de familles défavorisées.
Deuxième élément de langage : « Le problème du système éducatif français est qu’il trie les élèves ».
- Faux : Il ne s’agit pas d’un problème. Tous les systèmes éducatifs du monde affectent les élèves dans une diversité de parcours au plus tard à 16 ans. Cette affectation dans une diversité de parcours peut être caricaturé en tri dans tous les pays du monde. Il s’agit d’une contrainte des systèmes éducatifs très liés aux étapes de maturité des jeunes de l’espèce humaine. (Mensonge franc)
- Narratif délétère : Le martelage qu’il faut supprimer le « tri » empêche le dialogue apaisé autour de solutions pour les 40% de la cohorte d’élèves qui, à la sortie du collège, ne vont pas en lycée général et technologique. Les difficultés, attentes et envies de ces jeunes sont niées. Il n’y a pas de réflexion sur l’offre de parcours correspondant au besoin et envie des élèves, ni sur la manière de rendre l’affectation moins brutale. Les messages qui sont donnés à ses jeunes sont d’une hypocrisie délétère qui nourrit du ressentiment.
En conclusion, notre sociologue-mystère fait prendre conscience des inégalités de destin en fonction des origines sociales, donnent envie de lutter pour les supprimer puis incite à des actions qui globalement renforcent des inégalités.
Le narratif qu’il propose non seulement ne permet pas de les atténuer, mais entrave les réflexions sur les actions qui pourraient être efficaces. Il pousse les débats sur des sujets sans intérêt et il délégitime les débats sur certains sujets structurants. Il crée une prophétie autoréalisatrice vers l’échec chez les jeunes issus de milieu défavorisé, c’est-à-dire qu’il met ces jeunes dans un état d’esprit qui décourage d’aller dans les parcours exigeants et qui les amènent à moins réussir à cause du mécanisme cognitif appelé menace du stéréotype.
Ce qui est grave est que ce monsieur a une capacité d’analyse et un accès aux connaissances du domaine. Il est peu crédible que ce sabotage des actions en faveur de l’atténuation des biais sociaux de l’école ne soit pas conscient. Ce qui voudrait dire que ce n’est pas l’intérêt général qu’il sert.
Mais comment va réagir Yaya devant une telle duplicité ?
Je rappelle que Yaya n’est pas une personne en particulier. Mais, comme Monsieur Sylvestre dans l’ancienne émission de Canal+ "Les guignols de l'info", il est un personnage générique. Il a les réflexes généralement constatés chez les gardiens de la bonne parole dite de gauche sur l’éducation.
Yaya est dans un dilemme extrême. Il vient de prendre conscience que le gourou en qui il avait toute confiance à cause de la puissance de ces messages contre les inégalités qui portaient le peuple de gauche, en réalité agissait volontairement pour les renforcer, en portant de faux débats, entravant la réflexion sur des points structurants et en décourageant les enfants de famille populaire de s’investir dans l’effort scolaire et de tenter des parcours exigeants.
Va-t-il continuer à l’inviter car il a de beaux discours ? et ainsi participer à un « ethic washing » peu glorieux.
Il prend un risque, car le courant alternatif à la « bonne parole dite de gauche sur l’éducation qui ne l’est pas vraiment » avance en maturité. Les mécanismes vraiment à l’origine des inégalités commencent à être mieux connus. L’urgence ressentie avec la montée du Rassemblement national, rend de moins en moins acceptables les hypocrisies envers les enfants issus de milieux défavorisés.
Comment Yaya va-t-il se sortir de ce dilemme ? Beau discours ou efficacité des actions pour lutter contre les inégalités, il faut choisir car il ne peut plus dire qu’il ne savait pas.
Ce lien explique la démarche de la série d'articles de blog "Les tribulations de Yaya".