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Billet de blog 26 novembre 2023

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Dans quelle mesure les groupes de niveau sont-ils néfastes ?

Tous les pédagogues autorisés le disent : les groupes de niveaux pendant la scolarité obligatoire sont néfastes. En effet, dans la quasi-totalité des configurations, ils sont nuisibles. Cependant, malgré les affirmations péremptoires, ce n’est pas vrai dans toutes les configurations. L’élément de langage est parfois un prétexte pour abandonner à leur sort les plus faibles scolairement.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le ministre de l’Éducation nationale en exercice, Gabriel Attal, a annoncé une solution miracle pour relever le niveau du collège français : les groupes niveaux. Aussitôt, une levée de boucliers s’est fait entendre. Les groupes de niveaux et les classes de niveaux sont une fausse bonne idée. Cela a déjà été testé, et l’inefficacité est prouvée par la recherche. En particulier, les classes trop homogènes de bons élèves ou d’élèves moyens sont inefficaces. C’est dû à des dynamiques de groupe qui se font différemment et ne permettent plus une émulation saine. C’est contre-intuitif pour les non-spécialistes, mais ce résultat ne fait pas débat ni chez les enseignants, ni chez les chercheurs du domaine de l’éducation. Dans les classes de très bons élèves, les efforts intellectuels entraînent une moindre « reconnaissance émotionnelle », ce qui entraîne une démotivation et ou du stress.  Les classes d’élèves moyens sans élèves qui tirent la classe et servent de modèles aux autres, sont poussives. C’est beaucoup plus difficile d’obtenir l’attention nécessaire aux apprentissages.

Cependant, les classes spécifiques basées sur un projet que je qualifierais de « non-académique » peuvent avoir un bilan favorable pour lutter contre les inégalités scolaires surtout quand il y a un travail en amont pour un recrutement diversifié des élèves, et une organisation des emplois du temps pour mélanger les élèves avec d’autres classes pour certains cours. Les projets non-académiques ne concernent pas un renforcement des heures sur les matières structurellement fondamentales (car elles prédisent la réussite des études exigeantes pour les bons élèves), mais un projet comme : faire de la musique, pratiquer un sport, préparer une exposition culturelle, faire du théâtre ou préparer un concours pour se remémorer l’Histoire.

Les classes et les groupes de niveaux qui accueillent des élèves de niveau très faibles, sont également positifs à condition que les élèves et les familles soient volontaires, qu’ils mènent à des situations plus enviables que l’échec subi en classe ordinaire, et qu’il y a une narration positive des équipes enseignantes sur les élèves qui ont choisi cette réussite relative. C’est contraignant, mais les exemples existent.

Ce n’est pas la communication politiquement correcte voulue par la technostructure de l’EN et les tenants de la bonne parole sur l’éducation dite de gauche. Ces derniers se sont mis d’accord pour diffuser le dogme « la non-mixité parfaite, c’est le mal ».  Les mécanismes de l’alliance entre ces deux entités sont décrits dans plusieurs de mes articles dont le dernier. Une des causes essentielles est que la technostructure de l’EN a comme première finalité le « moindre coût ». Les classes et groupes de niveaux pour des élèves faibles nécessitent plus de moyens car elles ont moins d’élèves.

Les erreurs du dogme « la non-mixité parfaite »

J’ai déjà traité ce point dans deux articles de la série les tribulations de Yaya :

Il y a des d’effets de seuil. Effet, les personnes assistant régulièrement à des conseils de classes savent qu’une classe de collège est formé de trois groupes : la tête de classe (environ 20%), les élèves moyens et les élèves en grandes difficultés (10 à 25%).

L’enseignant avec expérience cadre son cours pour faire progresser les élèves moyens. Il ou elle crée une dynamique de classe en s’appuyant sur les bons élèves.  Il ou elle réserve une partie de charge mentale pour gérer des défis intellectuels afin d’obtenir l’attention et la motivation des élèves performants. Il ou elle réserve une autre part de sa charge mentale, pour aider les élèves qui n’ont pas les compétences attendues du niveau. Factuellement, ils ou elles n’ont pas les moyens d’aider les élèves qui n’ont pas acquis la lecture automatique avec construction de sens. Cependant leur hiérarchie leur interdit de le dire. Ces jeunes se retrouvent en fin de troisième avec une confiance en soi détruite. Ils sont ensuite affectés dans les filières du lycée professionnel qu’ils n’ont pas vraiment choisi. C’est bien, cette omerta qui crée le sentiment d’hypocrisie chez toute une jeunesse qui pense, à juste titre, de ne pas avoir eu sa chance. (Il s’agit du fonctionnement des années précédente. Il est prévu de diminuer de 15% les places en lycées professionnels, pour la rentrée 2024. Je n’ai pas d’informations sur ce qui va se passer pour les élèves qui n’auront pas de places en lycée et que les entreprises ne souhaitent, en général, pas en apprentissage.)

Les bons élèves dans les classes assez hétérogènes au collège peuvent acquérir moins de connaissances, que dans des collèges où les plus faibles et les moins intéressés pour les études sont moins proportionnellement moins nombreux. Cependant la moindre émulation littéraire et/ou mathématique pour celles et ceux qui se destinent à des études académiques exigeantes, et la moindre quantité de connaissances se rattrapent sans problème dans les trois ans qui suivent au lycée général (tant que ce dernier reste efficace), et personne n’est lésé dans les parcours académiques du supérieur. L’important est que les collégiens et collégiennes aient suffisamment d’acquis pour être à l’aise en filière générale : un écart d’acquis y est vite résorbé chez un lycéen qui travaille sérieusement s’il ne porte pas sur la capacité de réussir les contrôles. En revanche, ces élèves ont des compétences psychosociales qui leur seront utiles par la suite : la perception des modes de pensées autres que le leur, la capacité d’avoir une approche réflexive sur sa manière d’apprendre, la construction d’un projet en équipe…

Sauf dans les collèges fortement ségrégés, les collèges français fonctionnent de manière à peu près satisfaisante pour les élèves bons ou moyens. L’affectation des élèves dans les classes est pensée pour permettre les dynamiques de classes, y compris quand l’établissement propose des classes spécifiques. La présence de classes spécifiques peut rendre l’établissement attractifs, crée une dynamique dans l’établissement, dont tout le monde profite. C’est normalement le cas quand la classe est basée sur un projet non-académique et qu’il y a un travail en amont pour un recrutement diversifié des élèves, une organisation des emplois du temps pour mélanger les élèves avec d’autres classes pour certains cours, et un narratif sur la classe spécifique positif pour tous les élèves. La vraie question n’est pas l’hétérogénéité sociale identique pour toute les classes de l’établissement, mais la capacité de mettre en place une dynamique de travail dans les classes. Ce qui suppose de garder les groupes qui fonctionnement bien ensemble, de séparer les alliances de perturbateurs, de vérifier que les timides gardent leurs groupes de copains et copines, etc…

La situation des plus faibles scolairement

Cependant, le collège n’est pas structuré pour faire progresser les élèves qui n’ont pas les connaissances de base en Français et en Mathématiques. Pour ces élèves, l’hétérogénéité totale n’apporte rien. Ils ou elles interprètent le dogme du bienfait de l’hétérogénéité parfaite comme une hypocrisie. A contrario, créer une classe où les élèves faibles sont affectés d’autorité est toujours une catastrophe. Et pour corser le tout, les études montrent que le redoublement est inefficace pour ces élèves qui ont intégré l’échec. Les pays qui ont réussi le « collège unique » ont des classes moins chargées, des enseignants en surnombre pour aider les élèves les plus faibles à rattraper leur lacune, et une formation pour prendre en compte l’environnement social de l’élève.

En règle générale, le système éducatif français n’a pas l’attention suffisante pour les enfants rencontrant des difficultés d’apprentissage. Soit ces enfants ont des parents qui savent comment se font les apprentissages et qui pourront les aider, soit ce n’est pas le cas et, le plus souvent, l’enfant n’arrive pas à rattraper son retard. La question des moyens financiers pour compenser ce que l’école n’apporte pas, arrive dans un deuxième temps. Le premier facteur est la connaissance du fonctionnement du système scolaire.

On sait que les enfants de milieux très défavorisés rentrent moins facilement dans les apprentissages alors qu’ils sont aussi intelligents que les autres. Dans un élan hypocrite supplémentaire, la communication officielle fait comme si ces enfants étaient tous en ZEP. Les données officielles montrent cependant que 72% n’y sont pas. En primaire, ces élèves ne réussissent pas mieux que les élèves dans des quartiers en politique de la ville. Le vrai sujet est que l’approche conseillée pour enseigner ne prend pas en compte les besoins spécifiques de ces enfants, bien que les experts et expertes sur le sujet existent. Pour moi, il s’agit d’un choix toxique de la technostructure de l’Education nationale.

Dans les collèges dit « Ghetto » car ils concentrent un nombre important d’enfants de milieux défavorisés, le niveau scolaire est moindre. Comme la France ne met pas les moyens pour leur faire acquérir les apprentissages de base en primaire, il s’avère plus difficile d’obtenir une dynamique de travail dans les classes. Ces établissements plus difficiles sont fuis par les enseignants expérimentés. Il s’agit d’une rupture inadmissible de l’égalité des possibilités que doit apporter le service public de l’éducation. A ce niveau moindre s’ajoute, le manque de confrontation avec des personnes connaissant les codes de comportement dans le monde professionnel et dans les milieux intellectuels. Ce qui handicapera l’insertion professionnelle dans le futur.

Lors de la réforme du collège de 2015, la suppression des classes spécifiques dans certains établissements REP+, ont contribué à renforcer la ségrégation sociale de ces établissements. Il existe des solutions pour supprimer les établissements fortement ségrégés, des villes l’ont fait. Cependant, cela suppose que l’Etat Français souhaite vraiment les mettre en œuvre. Pendant une phase transitoire, des moyens importants sont nécessaires. De mon point de vue, la volonté n’existe pas, bien au contraire.

Mes enfants sont allés dans l’école publique de leur secteur sur toute scolarité, de la maternelle au lycée. Cependant, dans le cas de difficultés importantes sans solution, j’aurai cherché une solution dans le secteur privé, comme beaucoup de parents.

Comprendre la dynamique des écoles élémentaires et collèges

Fonctionnellement, on peut considérer que les écoles élémentaires et les collèges ont quatre missions sur lesquels les adultes de l’établissements doivent mettre une attention équilibrée :

Mission 1 – Mettre en place une ambiance scolaire et un accompagnement des jeunes pour que chaque jeune soit dans une disposition d’esprit propice aux apprentissages.

Mission 2 – Faire que tous les jeunes soient armés au mieux pour s’intégrer dans le monde des adultes (fondamentaux de lecture et de calcul, connaissances des codes de vie en communauté et du respect, accompagnement vers une formation dans le but d’une vie d’adulte autonome y compris pour les porteurs d’un handicap.)

Mission 3 – Faire que la quasi-totalité des jeunes aient les connaissances et connaissances du socle de compétence et de culture.

Mission 4 – Donner le goût pour la connaissance, faire progresser chaque jeune dans son envie d’apprendre et de connaitre le monde, faciliter l’autoapprentissage des meilleurs (par des ressources sur Internet ou la lecture).

Ces quatre missions ne se situent pas sur le même plan. La mission 1 facilite les autres missions. Pourtant, les études PISA montrent que la France est très mal placée pour le climat de discipline. La mission 2 concerne la capacité de communiquer et les clés de compréhension du monde. C’est ce qui permet à un jeune d’être autonome, de faire des choix, de pouvoir reprendre les études quand il ou elle veut. L’Etat devrait mettre les moyens nécessaires. Ce n’est pas le cas. Tout se passe comme s’il y avait un choix conscient par la technostructure, d’abandonner les plus faibles scolairement et de ne pas transmettre les vraies règles pour chercher une orientation scolaire ou pour choisir un emploi. Ceci malgré le professionnalisme des enseignants qui font au mieux dans les contraintes qui leur sont données.

La dynamique apportée par les « classes à projet »

Il n’y a pas consensus dans la société française sur la nécessité de donner ou non la possibilité aux élèves les plus performants d’anticiper au collège les connaissances qui leur seront enseignés au lycée général. D’un côté, ces classes rendent les établissements plus attractifs, ils permettent aux enseignants de se ressourcer. De l’autre, on peut se demander si c’est vraiment bénéfique pour les élèves qui y sont. Nous voyons toutes les années, un reportage sur le plus jeune élève qui a passé son bac à 12 ans ou 14 ans. Combien de ceux-ci font partie des prix Nobel, des grands capitaines d’industrie, des grands artistes, des grands philosophes : à ma connaissance aucun. Il leur manquait les compétences psychosociales, qu’ils ou elles n’ont pas eu par manque d’interaction avec des pairs. Je serais intéressée d’une comparaison du niveau atteint en fin de lycée, entre celles et ceux qui ont eu le droit à ce type de classe au collège, et les élèves avec acquis équivalent en fin de primaire et classe sociale équivalente qui n’ont pas traversé le collège dans des classe sans élèves avec de fortes lacunes dans les acquis. La collaboration avec des élèves ayant un autre mode de pensée que soi, est de mon point de vue plus utile, que de commencer plus tôt l’emmagasinement de compétences scolaires. Il faut toutefois que tous les bons élèves aient acquis les compétences nécessaires à la réussite des contrôles de Seconde générale et technologique. La question se pose évidemment différemment pour le niveau lycée, où les classes doivent avoir une homogénéité relative. Dans tous les pays industrialisés, les élèves sont affectés dans une diversité de parcours avec des classes d’une homogénéité relative au plus tard trois ans avant la fin du lycée (soit à l’entrée du lycée (Finlande), soit au bout d’un an quand le lycée dure quatre ans (Italie)). Trois ans, c’est le temps nécessaire pour bien préparer l'entrée dans les études supérieures dans de bonnes conditions pour les lycéens généraux.

Le sujet de ce paragraphe n’est pas la question des classes bilingues, des classes Allemand LV1, des classes avec latin-grec, astuces qui permettent, dans un établissement donné, d’être dans une classe sans élèves en grandes difficultés. Le sujet de ce paragraphe n’est pas la question du russe LV2 et autres astuces connues par les parents informés qui permettent d’être dans un meilleur établissement. D’ailleurs, je ne sais pas dans quelle mesure ces pratiques perdurent.

Il faut garder en mémoire qu’annoncer leur suppression provoque une guerre scolaire, et ces classes spécifiques sont rétablies à l’alternance politique suivante.

Ce paragraphe porte sur les classes à projet n’ayant pas comme principe un renforcement des matières académiques. C’est par exemple, les classes musique, les classes projet d’arts plastiques ou les classes qui explorent un pan de l’histoire locale pour faire une exposition.  Ces classes retiennent des familles qui pourraient envisager d’aller dans un autre établissement, créent un exemple qui montre aux élèves que la mobilisation de charge mentale pour approfondir un projet permet de se valoriser, que le travail en commun est agréable… Il s’agit de classes où les enseignants se ressourcent, et ils ou elles sont plus détendus quand ils ou elles affrontent des classes plus difficiles.

Rappelons-le ! La vraie question n’est pas l’hétérogénéité sociale identique pour toute les classes de l’établissement, mais la capacité de mettre en place une dynamique de travail dans chaque classe. L’ambiance de l’établissement est un paramètre qui influe positivement sur cette dynamique, comme les autres critères déjà cités (garder les groupes d’élèves qui fonctionnement bien ensemble, séparer les alliances de perturbateurs, vérifier que les timides gardent leurs groupes de copains et copines, limiter le nombre d’élèves dans la classe, etc…).

Pour fonctionner, ce type de classe nécessite un enseignant porteur de projet, des moyens pour le temps passé, le matériel, les déplacements, et une équipe enseignante et des responsables d’établissement convaincus.

Il est important de gérer en amont, le mode de recrutement pour éviter de n’avoir que des enfants des familles très impliquées dans les associations de parents d’élèves. Il est possible d’aligner les cours de certaines matières avec une autre classe de manière à redispatcher les élèves entre deux groupes uniquement pour ces matières. (Pour ces matières, le groupe est la réunion d’un demi-groupe de chaque classe).

Les conditions pour faire réussir les groupes de niveaux pour enfants en difficultés

La technostructure et les tenants de la bonne parole sur l’éducation se sont alliés pour proclamer que le mieux pour les enfants qui rencontrent des difficultés d’apprentissage quelle qu’en soit la cause, est la classe ordinaire.

Ceux qui osent nuancer, en disant « pas dans tous les cas » se font expliquer qu’il existe des études le prouvant, et qu’on stigmatise les enfants quand on les place dans une classe spécifique pour élèves en difficultés. La stigmatisation peut être fortement atténuée avec une communication adaptée vers la classe, et un accompagnement de la famille. Ceux qui refusent tout groupe de niveau, oublient que des enfants sont stigmatisés en classe ordinaire, car ils ont des lacunes telles qu’ils ne réussissent aucun contrôle quels que soient les efforts qu’ils fournissent. Ils finissent en fin de 3ème avec l’estime de soi détruite, et atterrissent en seconde dans une section du professionnel qu’ils n’ont pas vraiment choisi et qui fait partie des moins valorisées. Il faut choisir la moins mauvaise solution. D’ailleurs, le modèle incontesté du « collège unique » dans les années 2000, le mythique collège finlandais ne s’interdisait pas les groupes de niveau pour les élèves qui ont des lacunes sur les fondamentaux. C’est ce qu’on apprend en lisant le livre de Paul Robert "La Finlande : un modèle éducatif pour la France ?"  (2008) à la page 78. Sur la totalité de la scolarité obligatoire, les élèves ont eu au moins une fois l'accompagnement spécifique suivant : 2% d'une classe d'âge dans des écoles spécialisées, 6% dans des classes spéciales dans des écoles ordinaires, 22% éducation spéciale à temps partiel. Il est indiqué sur la même page, qu'il est possible de faire des dérogations sur le programme pour les enfants en grandes difficultés.

D’après le site du ministère, les classes Segpa (Section d'enseignement général et professionnel adapté) accueillent les jeunes de la 6e à la 3e présentant des difficultés scolaires importantes, qui ne peuvent pas être résolues par des actions d'aide scolaire et de soutien. Il s’agit donc de classes de niveau.  Pour justifier la fermeture des classes de Segpa (dont le coût par élève est supérieur que celui des classes ordinaires) des communicants ont popularisé une étude qui avait une erreur de raisonnement. En effet, les auteurs de l’étude comparaient des enfants qui ont des notes proches, les uns sont allés en SEGPA et les autres pas. Or, pour avoir l’intime conviction que « les difficultés ne peuvent pas être résolues par des actions d'aide scolaire et de soutien », les équipes enseignantes se basent aussi sur d’autres éléments, comme la capacité d’avoir des réponses pertinentes quand l’enfant fait l’effort, une suspicion de conflit de loyauté qui peut être contré. Les deux échantillons ne sont pas équivalents. On compare des élèves non comparables. Dans les collèges impliqués dans la réussite de tous les enfants, l’admission dans une classe de Segpa se fait avec l’accord des parents sur le projet de la classe qui est l’accès vers un CAP ou un bac pro choisi et l’accompagnement vers un emploi. Dans les faits, il y a eu des établissements où on affectait en Segpa les élèves que l’on ne voulait pas en classe ordinaire. La gouvernance du système éducation nationale doit vérifier que cela n’arrive pas.

On peut donner comme exemple une classe de « 4e Aide et Soutien » qui était présente, dans les années 2000, dans un collège avec une population d’élèves dont les origines sociales étaient équilibrées. Cette classe était destinée à des élèves ayant de sérieuses lacunes mais qui pouvaient être comblées avec un accompagnement soutenu. A la fin d’un an, en fonction de leur progression, les élèves soit redoublaient en 4° ordinaire, soit allaient vers une 3ème professionnelle qui existaient alors. Avec cette possibilité, environ une douzaine d’élèves reprenaient leur parcours via des classes ordinaires avec quelques grandes réussites dans la suite. La totalité de l’équipe éducative du collège, considérait que cette classe était un succès. Mais l’éducation nationale a décidé de ne plus la financer. Aussi, la direction du collège a imposé des élèves perturbateurs dont le profil ne correspondait pas au projet de la classe. L’enseignante qui faisait fonctionner la classe, a jeté l’éponge l’année suivante.

Les groupes de niveaux pour les plus faibles peuvent très bien fonctionner, sous plusieurs conditions. Ils doivent porter sur des compétences structurantes qui handicapent les autres apprentissages (français, mathématiques, oral d’anglais). Le groupe a des éléments attractifs : petits groupes, enseignant ou enseignante expérimenté, outil pédagogique original (mais efficace), moyens supplémentaires, présentation comme une voie de réussite où on accueille que les élèves qui sont prêts à fournir un effort, et acceptation des parents de l’élève. Il faut surtout avoir le courage de refuser les élèves perturbateurs.

En conclusion

Les classes de niveaux ne sont pas le mal dans tous les cas. Le fait qu’il y ait des écarts entre les profils des classes d’un établissement n’a pas de conséquences, s’il est possible de créer une dynamique de classe vers l’effort scolaire dans chaque classe.

Les classes « à projet » sont en règle générale bénéfiques pour l’établissements pourvu que le recrutement soit fait bien en amont et qu’il soit évité que la classe fonctionne en vase clos.

La meilleure solution pour faire progresser les élèves en grandes difficultés peut être une classe de niveau ou un groupe de niveau sur partie de l’horaire. Il n’y a pas de solution unique. Ce qui est mis en place doit résulter d’un dialogue avec les adultes des établissements. L’affectation dans un groupe spécifique doit résulter d’un accord de la famille.

Cependant, les classes de moyens et de bons trop homogènes ne sont pas souhaitables. Les études montrent qu’elles ne sont pas efficaces. C’est dû à des dynamiques de groupe qui se font différemment et ne permettent plus une émulation saine.

Le choix pour un établissement d’avoir des classes spécifiques et des groupes de niveaux résulte d’une stratégie globale, qui doit expliciter pour être acceptée par les familles. C’est le résultat d’une recherche d’équilibre entre plusieurs facteurs :

  • La dynamique de l’établissement autour d’un projet voulu par l’équipe enseignante et qui rassure les parents,
  • La capabilité de créer une dynamique de classe dans chaque classe (une hétérogénéité relative est nécessaire),
  • L’atténuation de la stigmatisation de ceux qui sont dans les groupes « en difficultés »,
  • L’atténuation du découragement par « l’impuissance acquise » dans les classes ordinaires chez les plus faibles scolairement,
  • La possibilité d’acquérir des connaissances psychosociales par des contacts entre pairs de milieux sociaux différents.

Vue l’organisation dans l’éducation nationale, par des injonctions descendantes et par la pénurie de moyens, j’ai des doutes que Gabriel Attal prenne en compte les contraintes nécessaires au bon fonctionnement des classes ou groupes de niveau : l’attention aux dynamiques de classe et la nécessité de dialogue pour que les familles soient convaincues que ce qu’on propose pour leur enfant est une bonne solution. Nous verrons lors de l’annonce.

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