"Pour tout paiement, ou autre arrangement, je dois me mettre à la place des autres et décider si l'arrangement est juste pour eux." (Alain)
"Mais la partie rapace l'emporte souvent sur la partie raisonnable. Faute d'arbitres impartiaux, la justice devient alors le droit du plus fort." (d'après Alain)
"Si l’autre n’est qu’ennemi ou moyen, alors nous sommes en guerre ou en tyrannie." (Alain)
https://www.cairn.info/revue-le-philosophoire-2000-3-page-119.htm
"La justice sans la force est impuissante. La force sans la justice est tyrannique. La justice sans force est contredite parce qu’il y a toujours des méchants. La force sans la justice est accusée. Il faut donc mettre ensemble la justice et la force, et pour cela faire que ce qui est juste soit fort ou que ce qui est fort soit juste. La justice est sujette à dispute. La force est très reconnaissable et sans dispute. Ainsi on n’a pu donner la force à la justice, parce que la force a contredit la justice, et a dit qu’elle était injuste, et a dit que c’était elle qui était juste. Et ainsi ne pouvant faire que ce qui est juste fût fort, on a fait que ce qui est fort fût juste" (Blaise Pascal).
Quelques autres pensées d'Alain:
"Si notre égoïsme ne veillait sur nous que pour nous éviter les erreurs et les vices, alors notre égoïsme serait une vertu."
"Le premier fruit de la sagesse est le travail."
"L'art d'écrire précède la pensée." / "Le vrai poète est celui qui trouve l'idée en forgeant le vers." (Alain, 1868-1951) [à comparer à William Makepeace Thackeray, 1811-63: "There are a thousand thoughts lying within a man that he does not know till he takes up the pen to write." ou à Joseph Joubert, 1754-1824: "Comment il se fait que ce n'est qu'en cherchant les mots qu'on trouve les pensées."]
"Chacun apprend à penser en même temps qu'il apprend à parler." / "Penser, c'est dire "non"." / "Ne pas se forcer à penser; mais noter aussitôt chaque pensée qui se propose."
"Penser sur des maximes c'est se reconnaître et reprendre le gouvernement de soi."
"Savoir c’est savoir qu’on sait."
"Le métier de surveiller rend stupide et ignorant; cela est sans exception."
"Le pessimisme est d'humeur; l'optimisme est de volonté. Tout homme qui se laisse aller est triste." / "Pessimismus ist Sache des Gemüts, Optimismus Willenssache." / "Pessimism comes from the temperament, optimism from the will." [on pense à Anthony Trollope: "Happiness is a heavy load and a broad back with which to bear it."]
"Dès qu'un homme cherche le bonheur il est condamné à ne pas le trouver. Quand il paraît être dans l'avenir, songez-y bien, c'est que vous l'avez déjà. Espérer, c'est être heureux." [à comparer à Dostoïevski: "Ce n’est pas quand il a découvert l’Amérique, mais quand il a été sur le point de la découvrir, que Colomb a été heureux."]
"Le souvenir commence avec la cicatrice." / "Aimer, c'est trouver sa richesse hors de soi." / "Chacun doute le mieux de ce qu'il connaît aussi le mieux."
"Il est bien vrai que nous devons penser au bonheur d'autrui; mais on ne dit pas assez que ce que nous pouvons faire de mieux pour ceux qui nous aiment, c'est encore d'être heureux."
"Le mépris est le refus de reconnaître un homme comme son semblable. On ne croit alors ni à son honneur, ni à son jugement, ni à aucune de ses paroles: on ne se trouble nullement de ses signes; on ne s'occupe même pas de sa présence. Le mépris est le contraire de la charité."
"Notre vanité serait moins notre ennemie si elle ne nous poussait pas à vouloir jouir d'objets d'après ce qu'on suppose du jugement des autres sur ces objets."
"Le despotisme c'est l'ordre extérieur, l'ordre sans sagesse, l'ordre irrité. Le contraire du despotisme consiste en ceci que la loi de raison (par exemple, l'égalité dans les échanges) est reconnue par tous, hors des crises de passion."
"Ceux qui exposent leur vie jugent peut-être qu'ils donnent assez. Examinons ceux qui n'exposent point leur vie. Beaucoup se sont enrichis, soit à fabriquer pour la guerre, soit à acheter et revendre mille denrées nécessaires qui sont demandées à tout prix. J'admets qu'ils suivent les prix; les affaires ont leur logique, hors de laquelle elles ne sont même plus de mauvaises affaires. Bon. Mais, la fortune faite, ne va-t-il pas se trouver quelque bon citoyen qui dira: "J'ai gagné deux ou dix millions; or j'estime qu'ils ne sont pas à moi. En cette tourmente où tant de nobles hommes sont morts, c'est assez pour moi d'avoir vécu; c'est trop d'avoir bien vécu; je refuse une fortune née du malheur public; tout ce que j'ai amassé est à la patrie; qu'elle en use comme elle voudra; et je sais que, donnant ces millions, je donne encore bien moins que le premier fantassin venu"? Aucun citoyen n'a parlé ainsi. Aucune réunion d'enrichis n'a donné à l'État deux ou trois cents millions."
"La peur est l'âme de l'avarice; les provisions et trésors sont des précautions, l'ordre est un moyen d'en faire revue; et la crainte du prodigue y est peut-être plus naturelle que la crainte des voleurs."
"Le propre d'une religion est de n'être ni raisonnable ni croyable; c'est un remède de l'imagination pour des maux d'imagination. [...] Or, ce croire fanatique est la source de tous les maux humains ; car on ne mesure point le croire, on s'y jette, on s'y enferme, et jusqu'à ce point extrême de folie où l'on enseigne qu'il est bon de croire aveuglément. C'est toujours religion; et religion, par le poids même, descend à superstition."
"Quand un homme a peur, la colère n'est pas loin. L'irritation suit l’excitation."
"La tentation d'être un chef juste et humain est naturelle dans un homme instruit ; mais il faut savoir que le pouvoir change profondément celui qui l'exerce; et cela ne tient pas seulement à une contagion de société; la raison en est dans les nécessités du commandement, qui sont inflexibles. C'est pour cette raison qu'un député doit se garder d'être ministre, et qu'un ouvrier doit se garder d'être délégué au conseil des patrons, ou chef de syndicat. On demande où mènerait ce système de refus. C'est premièrement la négation d'un système effrayant; et je crois que les saints firent beaucoup contre l'ancienne inégalité par un refus d'être évêques, prieurs, abbés. Dieu ou non, salut ou non, ils avaient reconnu le piège des pouvoirs. Ils étaient un vivant reproche aux prélats décorés. La religion n'a fait que traduire en images vives l'éternelle situation des hommes en société, où tout est réglé de façon que les pauvres gens perdent bientôt leurs amis et leurs conseillers. Les boursiers, aujourd'hui, renient promptement le peuple d'où ils sortent. Cette trahison se colore de grands mots. Aimer son pays c'est toujours, selon l'opinion régnante, aimer la gloire, la richesse et le pouvoir. Cette vertu est un peu trop facile. Choisir le métier de chef, c'est un choix de bien-être."
"Les maximes générales sont surtout bonnes contre les peines et les erreurs du voisin. Mais contre une fureur d'amour trompé ou d'ambition, ou d'envie, que pourrait une maxime? Autant vaudrait, contre la fièvre, lire l'ordonnance du médecin."
https://blogs.mediapart.fr/wawa/blog/030321/loptimisme-est-volontaire
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https://blogs.mediapart.fr/wawa/blog/070321/vertus-et-vices
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