Que reste-t-il quand les regards regardent ailleurs?Que reste-t-il quand les larmes ont coulées que l'on entend les pleureuses, sans fin, parcourir les routes? Que reste-t-il quand il n'y a toujours pas d'Iznogood, pour prendre la place du calife?
On finit par se dire (aux Etats Unis), qu'il n'est sans doute pas plus mal qu'elle ne soit pas encore à prendre, cette fameuse place...
Que reste-t-il de ma famille bédouine? Des enfants, des vieillards, de nos champs, de nos maisons, de nos tentes aux lourds tapis?
Quelqu'un, avant de partir, a-t-il penser à ouvrir la porte des chevaux?
Comment se débrouille ma belle mère, avec sa jambe qui ne la porte plus et tous ces enfants qui piaillent autour d'elle?
Je les imagine tassés sous la tente, au milieu de nul part, avec pas grand chose à manger et un froid coriace (février c'était encore assez dur, je me souviens qu'il pleuvait tout le temps). Ils doivent voir l'herbe qui commence à repousser, inlassable nature, et se dire que c'est bête qu'ils n'aient pris que quelques moutons avec eux, parce que d'ici la fin du mois, il y aura de quoi nourrir vraiment tout un troupeau.
Il y avait un espoir qu'ils partent en Jordanie mais je crois que ça a échoué parce que le numéro jordanien ne répond plus non plus.
Je sais qu'ils ne sont pas passés du côté des quelques villages "libérés" car c'est la famine qui, pour l'instant, domine là bas.
Christophe Ayad, du Monde, nous fait bien sentir que l'enthousiasme n'est pas au rendez-vous, même chez ceux qui ont voulu ce changement -
Alors que dire de ceux qui ne l'ont pas voulu et qui errent maintenant comme des marionnettes ballottées entre deux vents contraires? Un régime qui prétend ne pas douter mais n'a pas évité la tuerie et des rebelles qui doutent de plus en plus et affirment être bien désolés par cette même tuerie.
Bref, une tuerie.
Il reste une tuerie.
L'horreur est que l'opacité du régime en place et la culture du secret entretenue depuis des années en Syrie, font qu'on ne saura probablement jamais à qui "l'attribuer". Tout le monde affirmera bien des choses, mais personne ne pourra jamais prouver quoi que ce soit.
Comment dire? Le silence, l'habitude du silence sur tout ce qui est officiel, commun, n'est pas une tradition qui se détruit comme cela.
D'autant que cette complète main mise du pouvoir a entraîné l'obligatoire pratique d'avoir "ses gens" dés que l'on a un grain de pouvoir, fusse-t-il grand comme un grain de blé. On ne peut pastrahir "ses gens", comme on se doit de trahir "les gens d'autrui" . Tout cela dans une prudente certitude du "respect de la sécurité" qui ne va que s'amplifier dans cette période où la sécurité (ou son illusion entretenue, diront d'aucuns) n'est plus que virtuelle, n'est plus qu'un souvenir, voire peut-être, malheureusement, un regret.
Quand la pensée a été, pendant des années, contrôlée, on finit par s'endormir un peu sur l'éternelle réflexion de décider ce qui est, ou n'est pas, du domaine du "respect de sa propre sécurité". Jusqu'à, parfois, effacer totalement sa propre opinion sur ces questions....histoire de "sécurité intérieure personnelle" dirons-nous.
Un ami syrien écrivait, il y a peu, sur un réseau social: "cette guerre, qui n'a jamais été la nôtre, même si nous aurions pu la souhaiter un jour...."
N'avons-nous pas été un peu rapides, nous autres étrangers nantis , à considérer que ce jour était venu? A en encourager la venue sans relâche, sans voir, sans chercher à comprendre, sans vouloir entendre... que la population, la grande partie de ces 22 millions de gens, n'en était, juste, "pas là" dans ses pensées ?
Il en reste une tuerie, et des ruines.
Voici donc par étape, ma reflexion hebdomadaire commencée en octobre.
Je continuerai d'essayer de coller au mieux à l'actualité.
A mercredi prochain.
Précédents billets sur le même thème:
Là où j'en suis de ma reflexion...(1)
Là ou j'en suis de ma reflexion...(2)
Là où j'en suis de ma reflexion...(3)
Là où j'en suis de ma reflexion...(4)
Là où j'en suis de ma reflexion...(5)
Là où j'en suis de ma reflexion...(6)
Là où j'en suis de ma reflexion...(7)
Là où j'en suis de ma reflexion...(8)
Là où j'en suis de ma reflexion...(9)
Là où j'en suis de ma reflexion...(10)
Là où j'en suis de ma réflexion (11)
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Le dernier billet de la série "Ma Syrie"
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La première partie de mes écrits sur la Syrie, se trouve dans l'édition sur les révolutions dans le monde arabe sous les liens suivants:
(cliquez ici pour avoir accès au huitième article de cette série sur le monde bédouin du centre de la Syrie) C'est dans cet article que j'explique mon désaccord avec l'édition spéciale de Médiapart et à la suite duquel, je suis revenue sur mon blog....
(cliquez ici pour avoir accès au septième article de cette sériesur le monde bédouin du centre de la Syrie)
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