Suite du recueil d'écrits poussés pour dénoncer non seulement ce que des financiers de l'Ordre libéral imposent à tout un peuple mais aussi pour établir la chronique de ces « experts » serviles qui, dans les médias, jouent à fond la carte des dominateurs. L'espoir : non seulement des commentateurs de renom ne hurlent pas avec les loups, mais l'activité foisonnante pro-Grèce des réseaux sociaux trouble les tenants de l'ordre établi.
[Ph. YF]
Sahra Wagenknecht, députée allemande
Sahra Wagenknecht, députée allemande de Die Linke (extrême gauche), a dit devant le Bundestag le 17 juillet [photo], entre autres, qu'"autrefois, les coups d'État se faisaient avec des chars. Aujourd'hui grâce à des banques et le pouvoir sur la monnaie. Cette politique est honteuse". Malheureusement, on n'a pas la traduction du discours. Mais sur son site, elle écrivait il y a quelques jours, en anglais : "L'Europe est dans un mauvais état. Partout en Europe, ce sont les gens qui travaillent dur avec des salaires ordinaires qui paient la plupart des impôts tandis que les gens riches se sont éclipsés. Beaucoup de salariés ne sont pas capables de vivre de leur revenu d'emploi. En Allemagne également. Après une vie de dur labeur, assez souvent, une misérable pension. La richesse des millionnaires, cependant, a atteint de nouveaux sommets. Dans toute l'Europe, les États sont fortement endettés parce qu'ils ont repris les pertes des banquiers et des spéculateurs irresponsables. La dette de la Grèce est particulièrement élevée. Ici, une classe politique corrompue avec oligarques grecques et les banques internationales a sans vergogne accumulé la richesse pendant des années et des années."
Elle réclamait que ce soient les oligarques grecs qui soient taxés, afin d'effectuer les investissements nécessaires, mais sans s'attaquer aux retraites, ni augmenter la TVA, ni étendre les privatisations du patrimoine public. Rappelant les facilités obtenues par l'Allemagne après la Seconde Guerre mondiale en matière de dette, elle suppliait la Chancelière de changer de politique.[17 juillet]
Elle avait déjà eu l'occasion de déclarer : "Le concept de plans d'aide à la Grèce est un énorme mensonge. Les crédits ne sont jamais parvenus au peuple grec. Cela a d'abord servi à sauver les banques allemandes et françaises. Ensuite, on a transféré les dettes, qui étaient déjà très élevées en 2010, aux contribuables européens.
Pousser la Grèce à faire plus d'austérité n'a pas de sens. Il faut effacer une partie de la dette car cela ne sert à rien de vouloir résorber des vieux crédits avec des nouveaux crédits. Cela ne fera qu'appauvrir le pays et ne relancera pas son économie." [18 juillet]
Voir la vidéo du discours (avec sous-titrage en français) de mars 2015 sur le blog de Mariethé Ferrisi sur Mediapart.

Le 17 juillet, au Bundestag
Le panier de crabes de C dans l'air
L'émission C dans l'air tenue par le groupe Lagardère (Maximal Productions) a ce soir [17 juillet], comme d'ordinaire, rassemblé les serviteurs de la finance dérégulée : Philippe Dessertine, Bruno Jeudy, Agnès Benassy-Quéré, Alain Fabre, et, pire que tous, l'animateur, Alex de Tarlé. Je mets de côté Alexia Kefalas, en direct d'Athènes qui tenait un autre discours. Les autres, ce n'était qu'ironie à l'encontre des Grecs, et soutien indéfectible en faveur des dirigeants allemands. Fabre (de la Fondation Robert-Schuman, dont Schäuble est membre, un machin qui sur ce plateau vient régulièrement défendre les thèses allemandes : Fabre parlait ce soir des "sottises" des Grecs et de la position Hollande qui aurait beaucoup déplu à Berlin). Alex de Tarlé faisait, comme toujours, le pitre, manifestant sans retenue son mépris pour les Grecs, ce "panier de crabes", s'invoquant sans cesse de l'avis des opinions publiques européennes qui en auraient marre, comme lui, qui manifestement est pour que la Grèce soit boutée hors de l'Europe. Quand même, quand la carrière de Schäuble a été rappelé, son implication dans "la caisse noire" de la CDU a été évoquée, bien faiblement (en fait, le père la rigueur, l'homme qu'on nous présentait ce soir comme un "juriste", a été mouillé dans une affaire de pots de vin et de financement par des entreprises d'armement, dont il s'est bien tiré). Le tout avec des SMS bien choisis pour enfoncer le clou, vous avez une émission où aucune compassion pour ce qu'endure le peuple grec (excepté Kefalas) n'a été exprimée, et à la fin, rire général pour évoquer les riches grecs qui ont déjà exporté leurs capitaux.[17 juillet]

La bande à Picsou
Donald Tusk, premier ministre polonais, président du Conseil européen, accorde une interview à 7 quotidiens européens (dont Le Monde papier de ce jour). Il s'attribue le succès de la négociation entre Tsipras et Merkel, avouant à demi-mots que pour Mme Merkel le "Grexit" était une forme de chantage ("un outil de négociation"). Sur le fonds de 50 Mds€ (vente des biens publics grecs), Mme Merkel ne concédait que 10 Mds pour les investissements, Tsipras voulait 15, sachant que le reste sera récupéré par les créanciers. C'est lui, Donald, qui aurait coupé la poire en deux : 12,5, menaçant de révéler au monde entier que l'accord capotait pour 2,5 Mds !
Il regrette le tollé contre l'Allemagne : cet homme d'affaire, conservateur et pro-allemand, avoue carrément se sentir "proche de l'ordolibéralisme allemand". Il s'inquiète en voyant poindre un nouveau mai 68 ("un état d'esprit, peut-être pas révolutionnaire mais d'impatience"). Nous devrions nous réjouir que cette oligarchie politique et économique s'inquiète, c'est que les cris de protestation sont peut-être parvenus jusqu'à elle. Alors il joue le grand jeu : la gauche radicale et l'extrême droite ont fait une alliance tactique, ils ne diffèrent que "dans les détails", c'est une vraie menace pour le libéralisme. Au moment où l'Allemagne reste très timorée face à ses néo-nazis, cette déclaration de Dusk est insupportable : il devrait rendre des comptes pour avoir voulu ainsi assimiler extrême droite et gauche radicale. Par ailleurs, ignorant toute la dureté des mesures prévues dans l'"accord", cet homme politique (qui n'est même pas dans la zone euro) estime que les Grecs doivent s'estimer heureux puisqu'ils vont recevoir 80 milliards, "à des conditions relativement raisonnables". Toute la nuance est dans le "relativement".[18 juillet]

Donald Dusk
Suicides et solidarité
La Tribune notait en février dernier que les suicides avaient grimpé de 35,7 % sur les mois qui ont suivi les mesures d'austérité renforcées prises en juin 2011. Le quotidien notait 64 suicides en juillet 2012 (contre 14 en novembre 1999, périodes économiquement plus favorable).
Alors que la Grèce avait traditionnellement un taux de suicides faible, une psychologue grecque expliquait dans Rue89 (le 11 juillet) que la crise aggravait la situation des gens déjà malades (bipolaires, schizophrènes), et faisait naître des pathologies chez les autres. Elle notait : " ils tentent de se soigner par eux-mêmes, en étant solidaires et en s’entraidant. C’est le meilleur anti-dépresseur et le seul qu’il reste vraiment : en aidant les plus démunis, on retrouve le contrôle de soi-même, une utilité, et on redonne du sens à son existence."
Florence Aubenas, dans Le Monde papier d'aujourd'hui, rappelle le suicide d'un pharmacien en avril 2013, devant une station métro, une balle dans la tête, après avoir écrit : "Je préfère finir ma vie dignement que manger dans les poubelles". Elle relève que ce sont d'abord les hommes âgés de 35 à 55 ans, honteux de ne plus pouvoir faire vivre leur famille. Puis.. les enfants qui se culpabilisent d'être devenus "un poids trop lourd" pour leurs parents. Le taux de suicide a baissé de 40 % (à SOS-Suicide Athènes) après l'annonce du référendum, qui redonnait espoir et laissait "sortir la vapeur de la Cocotte-Minute".[ 18 juillet]

extrait de Ne vivons plus comme des esclaves, film de Yannis Youlantas
Alexis Tsipras éconduit vers le Grexit
Démonstration pertinente de Philippe Marlière (sur son blog Mediapart) sur la situation grecque après l'accord conclu entre Tsipras et les créanciers de la Grèce.[20 juillet]
Que le diable les emporte !
L’ancien chancelier de l'Allemagne (social-démocrate) s’élève contre l’euro-hystérie. Jusqu’ici, pas un seul euro n’aurait été versé par l’Allemagne à la Grèce. Vous lisez bien : Helmut Schmidt précise : "On s’excite à propos de ce qui pourrait survenir dans l’avenir ; jusqu’à maintenant rien n’a encore été versé. Oui, il s’agit de garanties." Au lieu de se mobiliser contre Athènes, les politiciens feraient mieux de brider les marchés financiers. Il rappelle que la crise est venue des banques privées qui ont dû être sauvés par leurs États, car "les marchés financiers fourmillent d'idiots intelligents mais borgnes". Et il a cette formule terrible : " Que le diable emporte les chefs des gouvernements européens s’ils n’arrivent pas à sauver la Grèce !" [interview du 11 octobre 2011]
Encore C dans l'air !
C dans l'air du 20 juillet (sur France 5) : 4 débatteurs et un animateur passant beaucoup de temps à se moquer des Grecs (évidemment, on a droit à l'histoire de l'île aux aveugles), à estimer que l'Allemagne ne doit faire aucunement confiance à la France (qui est dans un "état délabré", ne tenant pas ses engagements sur le plan budgétaire). Face à la proposition de François Hollande d'un gouvernement européen, jaillit déjà l'idée d'un nivellement moyen des systèmes sociaux (ce qui veut dire réduction de celui de la France qui est le plus généreux), retour aux 39 heures, niveau de la TVA, du Smic et du RSA défini pour toute l'Europe et pourquoi pas une capitale installée à Frankfurt avec Angela Merkel comme présidente européenne (suggestion d'Irène Inshauspé, du journal l'Opinion, dirigé par le grand journaliste Nicolas Baytout, soutien inconditionnel de Nicolas Sarkozy). Et on verrait bien un ministre des affaires étrangères français (Fabius) et des finances allemand (Schäuble). Mais tout ça, finalement, c'est la sauce habituelle de cette émission verrouillée. Le clou c'est Alain Fabre, économiste de l'Institut de l'entreprise (Medef pour partie) et de la Fondation Schuman (dont Wolfgang Schäuble est membre). Notons qu'Alain Fabre, dans un rapport écrit avec un collègue allemand, milite contre les 35 h et pour le gel des salaires en France pendant 3 ans. Voilà le décor.
Soudain, Alain Fabre part dans une tirade qui cloue sur place les autres : "L'Europe c'est 3 choses : Jérusalem pour la foi, c'est notre substrat (…) L'Europe est fondée sur le pardon des offenses depuis trois générations. C'est le logos à Athènes, et le droit à Rome, et ça c'est le creuset européen, qui a un nom : c'est le creuset du christianisme." Et de lister Schuman, Adenauer, De Gasperi : tous démocrates-chrétiens. Panique des autres : mais il est en train de nous faire un petit délire religieux ! L'émission est ultra-libérale en économie mais la religion c'est pas sa tasse de thé. Alors on l'arrête, et Mme Inshauspé constate, avec justesse, que l'attitude de l'Europe avec les migrants "c'est pas très chrétien". Sera-t-il encore invité ce Fabre ? Pas sûr. [21 juillet]

L'histrion de C dans l'air
L'émission sur France 5 traitait ce soir [21 juillet] des migrants : une policière plutôt républicaine, un JD Giuliani (Fondation Schuman) moins remonté contre les migrants que contre les Grecs lors des émissions précédentes, mais qui ne peut s'empêcher de se plaindre du "tourisme social". Deux spécialistes de l'immigration aux propos corrects. L'histrion de service, Alex de Tarlé (qui serait journaliste d'après certaines informations), l'animateur de l'émission, le remplaçant d'Yves Calvi, ne va pas cesser de poser des questions hostiles aux migrants : "peut-on accueillir des migrants avec 3 millions de chômeurs", "les migrants sont pour la plupart des clandestins", "comment expliquez-vous que l'immigration soit associée à problème", "n'y a-t-il pas un appel d'air", il s'étonne que les migrants aient de l'argent avec eux pour payer des passeurs. Jamais un mot de compassion. Il ne cesse d'invoquer l'opinion française ("le Café du Commerce", dit-il) opposée selon lui aux immigrés, confond islam et immigration. François Gemenne (SciencesPo) rétorque qu'on n'est pas au café du Commerce justement. Quand Patrick Weil note que certains Français adoptent un comportement généreux à l'égard de migrants, Alex de Tarlé est mécontent et accuse ouvertement ce chercheur, historien, de mentir. Celui-ci s'insurge, lui conteste le droit de le traiter de menteur et de vouloir "monter tout une sauce" sur le sujet. Rare que dans cette émission un participant se rebiffe. Manifestement, de Tarlé ne sait pas ce que c'est qu'un CADA. Il livre sa panique face à une Afrique qui a déjà un milliard d'habitants, bientôt deux, et déclare (accrochez-vous) : "on dit quoi au milliard : prenez le bateau, changez de continent ?" Et si on lui oppose que migrer n'est pas une sinécure, il s'agit de gens souvent victimes de la terreur et qui risquent leur peau ("22 000 sont morts depuis 2000", lui dit-on), alors il cherche à minimiser en renvoyant au chiffre tellement plus élevé de migrants. Manifestement, il ne supporte pas ces invités qui lui disent que c'est "un fantasme" que de dire qu'on est envahi. En un mot, son comportement, une fois de plus, a été odieux. Pourquoi : parce que les promoteurs de l'émission c'est ainsi qu'ils le veulent : odieux. [22 juillet]

Soutien au peuple grec
A l'appel de MAZI, mouvement de soutien au peuple grec à Auch (Gers) et d'Attac 32, une soirée était organisée ce mardi soir 21 juillet, avec projection du film Les ânes ont soif sur la façon dont les médias français ont traité la visite en France du président de l'Equateur, Rafael Correa. Ce pays avait une dette publique énorme : aujourd'hui l'économie est florissante. Aucun journaliste n'a cherché à en savoir plus. Ivan Levaï tente de s'expliquer mais est pathétique de mauvaise foi.
Le film La tourmente grecque était également projeté, en présence de Philippe Menut, son réalisateur. Il présente sur la durée ce que vivent et endurent les Grecs. Je reviendrai sur ces deux films.
Des médicaments étaient collectés pour être transmis à Athènes. Et un buffet permettait de déguster des produits grecs. [21 juillet]
[Photo YF : après la projection, débat avec Philippe Menut, debout à droite]
Ces petits billets ont été régulièrement postés sur mon compte Facebook et aussi sur différents autres comptes Facebook de groupes de soutien à la Grèce. Certains ont été commentés, partagés et recommandés plusieurs centaines de fois. Entre crochets, la date de parution du petit billet...
Voir : Petits billets pour la Grèce (1)
Petits billets pour la Grèce (2)
Petits billets pour la Grèce (3)
Petits billets pour la Grèce (4)
Billet n°211
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Contact : yves.faucoup.mediapart@sfr.fr
[Le blog Social en question est consacré aux questions sociales et à leur traitement politique et médiatique. Voir présentation dans billet n°100. L’ensemble des billets est consultable en cliquant sur le nom du blog, en titre ou ici : Social en question. Par ailleurs, tous les articles sont recensés, avec sommaires, dans le billet n°200]