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Billet de blog 27 avril 2017

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Insoumis ou insomnies

Ils ou elles ont voté Jean-Luc Mélenchon au premier tour de l’élection présidentielle. Ils ou elles sont abonné(e)s de Mediapart. Ils ou elles affichent et défendent leur refus de participer au vote du 7 mai ou de voter Macron sans épouser son programme. Retour sur les arguments des uns et des autres.

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Ce 7 mai, date du second tour de la présidentielle, quatre options s’offrent à tous les électeurs qui n’ont ni voté Macron, ni Le Pen. Si la majorité des candidats du premier tour ont fait des recommandations assez claires. François Fillon et Benoît Hamon ont appelé à voter pour le candidat d’En Marche pour faire barrage à l’extrême droite. Nathalie Arthaud, Philippe Poutou, François Asselineau et Jean Lassalle n’ont donné aucune consigne de vote. Jacques Cheminade n’a pas fait de déclaration non plus, mais a annoncé qu’il voterait personnellement contre la candidate frontiste. Nicolas Dupont-Aignan, lui, fait savoir qu’il se prononcerait dans la semaine. Enfin Jean-Luc Mélenchon n’a pas pris position. Et a en conséquence semé le trouble.

Dans cet hebdo, nous nous focaliserons sur les billets des abonnés de la France insoumise où deux courants s’opposent. Jean-Luc Mélenchon, leur leader, déçu d’avoir perdu si proche du but, a au soir du 23 avril dernier ponctué son discours par : «chacun, chacune d’entre vous sait en conscience quel est son devoir». Insoumis ils sont, insoumis ils restent. C’est leur choix. Est-ce absurde et veut-on rejouer le Rhinocéros de Ionesco ? N’en déplaise, ils exerceront leur libre-arbitre. Dans le Club, les uns disent qu’ils ne veulent pas choisir entre la peste et le choléra, les autres comme Mélenchon en 2002 votant Chirac "avec une pince ou des gants" iront glisser le bulletin Macron. Ces deux positions tranchées ont déclenché un débat vivace qui n’est pas une vue de l’esprit. Depuis les billets pleuvent et les fils de commentaires ressemblent parfois à des tombereaux d’insultes. L’usage outrancier de qualificatifs qui sied plus aux hommes et femmes du Front national recouvre colère et déception mais sont difficiles à accepter surtout pour des personnes du même camp de base. Erreur de cible ou guerre fratricide.

Plongeons-nous dans le Club et dans cette myriade de billets. Les citer tous n’auraient aucun sens, prenons le parti de faire une sélection que nous assumons quitte à déclencher les foudres d’insoumis. Rebelles vous êtes, indépendants nous sommes. 

Raoul Marc Jennar explique le 25 avril que pour lui «voter Macron c’est impossible et voter Le Pen impensable».  Et il s’explique : «Je ne peux renier 20 ans de combats, sans doute près de 500 conférences, pour combattre ce que Macron défend et propose et ensuite voter pour lui. Je ne peux renier l'engagement d'une vie contre le racisme et la xénophobie et voter Le Pen. Les deux sont porteurs de maux d'une intensité égale. Je m'abstiendrai.» Dans le fil de commentaires plutôt compréhensif Erreur 403 va plus loin :

Illustration 1

Comme l’historien Michel Pinault qui dans le chapô de son billet offre comme préambule : «je dois préciser que, comme beaucoup de membres de la France Insoumise, je ne suis pas pour un appel au "rassemblement" contre le Front National au second tour.» Ou encore Serge Marquis qui dans son Ni Macron ni Le Pen : l’abstention citoyenne. Même son de cloche chez Jean-François Ballay qui estime que : «Pour beaucoup de Français, l’élection du second tour est un dilemme. Au-delà du réflexe qui consiste à faire barrage au Front National, il faut s’interroger sur l’avenir qui nous guette, dans les deux cas, celui d’une victoire de Macron, celui d’une victoire FN. Les raisons de faire barrage au FN sont pour beaucoup « évidentes », mais les évidences recèlent comme toujours bien des équivoques».

Le vote Macron recueille de nombreux suffrages. Ce ne sera pas un vote d’adhésion bien sûr, mais un vote contre. Prenons le billet de Noël Mamère dans lequel l’homme politique de gauche explique : «L’élection présidentielle est décidément la « mère des batailles ». Contrairement aux pronostics, elle est toujours celle qui mobilise le plus. L’abstention n’est pas en hausse. Les affaires n’ont pas dégouté les Français. Mais elle est en même temps, le triangle des Bermudes des illusions perdues… C’est pourquoi, si j’appelle de nouveau à tout faire pour battre Marine Le Pen, je comprends la colère de tous ceux qui ne se retrouvent pas dans ce duel annoncé. En 2022, 20 ans après le 21 avril, le FN risque d’arriver au pouvoir, parce que nous aurons abandonné sur le bord du chemin la majorité de nos concitoyens. Je ne peux m’y résoudre. Le 7 mai, j’irai voter Macron contre le Pen, sans joie et sans illusion, mais pour qu’il ne manque pas une voix contre l’extrême droite». Les commentaires sous le billet du député de Gironde, comme souvent, ne sont pas tendres et déchaînent l'exaspération de nombreux Insoumis qui refusent le vote utile :

Illustration 2

Avec le verbe haut, Vingtras, insoumis de la première heure, ne votera pas pour celui qui est arrivé en tête du premier tour, mais glissera néanmoins le bulletin Macron dans l’urne. «La mort dans l’âme». Dans son billet, l’historien-réalisateur nous explique les dangers d’une mithridatisation.

Avec bienveillance, Guillaume Villoutreix met les forme pour s’adresser à ses camarades: «Amis Insoumis, le constat est sans appel : nous avions raison sur toute la ligne. Le projet phare de notre campagne, la 6e République devient plus qu’une nécessité, c’est une urgence. En attendant, nous devons faire avec la cinquième et la cinquième est une monarchie présidentielle. Sans ambigüité. A qui voulons-nous la confier?» Et de conclure : «Si Marine Le Pen est élue présidente de la République le 7 Mai, la France Insoumise disparaitra totalement du paysage politique et tout cela aura été vain. Il ne s’agit pas de faire campagne pour Macron mais d’être cohérent, ferme et de faire entendre pleinement la seule voie possible. Il faut battre le plus largement possible le Front National. Il faut leur faire à tous ce pied de nez incroyable : voter Macron au second tour pour atteindre la victoire aux législatives.»

Tous ces billets ont trouvé écho mais celui qui a fait le buzz reste sans conteste celui d’Olivier Tonneau. L’enseignant chercheur de Cambridge est un cas d’école. Le 24 avril, il publie un premier écrit. A chaudIl y réagit aux injonctions et trouvent les bons mots pour qualifier la colère du lendemain. Les nombreux commentaires sont plus favorables que dans son second billet dans lequel il annonce qu’il votera Macron. «C’est plus facile d’exprimer la colère que de proposer une solution étroite» comme il a pu l’expliquer dans notre live de mercredi.

Illustration 3

Pour conclure, il est intéressant de mettre l’accent sur le billet de Gérard Bras qui lui aussi adresse une lettre à ses amis insoumis. Le professeur de philosophie de manière subtile invite à réfléchir sur le mode incitatif : «Faut-il hésiter à voter Macron au 2e tour ? Sans doute, mais ce serait une erreur éthique et une faute politique, qui affaiblirait ce qui a été généré dans la campagne du premier tour. Déposer un tel bulletin, le 7 mai, n'engage à rien d'autre qu'à continuer le combat politique, pour les législatives et dans la rue». Ce billet aurait pu déclencher les foudres. Au contraire, le temps faisant son œuvre, voici le fil riche de deux commentaires.

Illustration 4

 Le compte à rebours est lancé. Les discussions à gauche ne risquent pas de se tarir. Courage, plus que 10 jours d'insomnies !

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