Budget : le grand malentendu

"On attend de vous des prises de position courageuses qui donneront des moyens budgétaires à la hauteur des besoins". Cette demande de Sandrine Dumas, secrétaire fédérale Cfdt EFRP, aurait pu être portée par les autres syndicats enseignants auditionnés par la Commission de la Culture de l'Assemblée nationale le 17 septembre. Elle laisse de marbre une majorité des députés de la Commission.
Pourtant, le bilan de la rentrée fait par les syndicats ne cache rien. Ainsi , selon S. Vénétitay (Snes Fsu), "il manque au moins un professeur dans la moitié des établissements, les équipes ne sont pas complètes dans 73% des collèges et lycées". Cette situation est aggravée par les économies décidées par les collectivités locales.
Sa collègue du 1er degré, A Gagnier (Snuipp Fsu) invite à profiter de la baisse démographique pour maintenir les postes enseignants et mieux accompagner les élèves. C'est aussi la position de E. Jamin, conseillère nationale Se Unsa. Elle rappelle la note de l'IPP de juin 2025 qui montre qu'il y a plus à gagner en maintenant les postes enseignants qu'en les supprimant dans le 1er degré pour suivre la baisse démographique.
Cette unanimité des organisations syndicales présentes (Fsu, Unsa, Sud, FO, Snalc) va se heurter au mur dressé par la majorité des députés de la commission.
Le RN attaque
L'attaque frontale est portée par R. Chudeau (RN). "La question des moyens est un de vos mantras. Depuis 2017, le gouvernement a augmenté de 24% le budget de l'éducation nationale. Donc les moyens sont abondants. Plus il y a de moyens moins il y a de résultats. Comment expliquer ce paradoxe ?". Alexandre Portier (LR) poursuit : "il y a 100 000 élèves de moins. Est-il légitime de demander des postes ?".
Les députés du bloc central appuient eux aussi. "On a revalorisé comme personne ne l'a fait", affirme J Patrier-Leitus (Horizon). " Nous avons porté une augmentation inédite depuis 40 ans ainsi que l'augmentation de la prime d'activité et la création du pacte enseignant", dit G. Melchior (EPR). A. Genetet (EPR) demande "comment mieux utiliser les moyens existants" et promeut le bénévolat.
Des députés de gauche insistent pour un autre budget. P Courbon (PS) estime que la baisse démographique "est une opportunité pour diminuer les effectifs par classe". S Bourouaha (GDR) se demande s'il est "pertinent de supprimer des classes dans un pays où le taux d'encadrement est parmi les plus bas d'Europe". P. Vannier (LFI) craint "l'effondrement" du de l'école publique qui déjà prive les élèves de millions d'heures de cours faute d'enseignants remplaçants et rappelle que l'OCDE montre un cout salarial par élève équivalent à celui de la Roumanie ou de la Bulgarie.
Les enseignants avancent des arguments. Ainsi S Vénétitay (Snes Fsu) démonte les chiffres avancés par R Chudeau. Quand on remet l'évolution du budget en euros constants et sans les pensions il baisse de 1%. "Il n'y a pas eu d'investissement dans l'éducation". J Fournier (Se Unsa) demande où sont passés les 24% d'augmentation du budget. D Roman (Cfdt) estime qu'il "n'y a pas suffisamment de moyens" et demande un programme pluri annuel. JR Girard (Snalc) rappelle que les enseignants sont payés 1000 € de moins chaque mois que les autres cadres de la fonction publique. M. Valegeas (Sud) a cette belle formule :"ce n'est pas le niveau qui baisse. Ce sont les inégalités qui se creusent".
N'empêche. Alors que l'Assemblée va très prochainement entrer dans l'examen du budget 2026, il est clair qu'une majorité se dessine pour effectuer de nouveaux prélèvements sur le budget de l'éducation nationale. L'extrême droite et la droite le veulent. Le bloc centriste estime avoir déjà beaucoup fait et ne semble pas prêt à défendre le budget de l'éducation nationale. Sur cette question se confirme une majorité nouvelle qui partage aussi une même vision de l'Ecole.
L'école inclusive en panne
D'autres questions ont été débattues. D'abord celle de l'école inclusive. Selon le Se-Unsa, le déploiement des PAS est "chaotique" : les postes de coordonnateurs sont vacants, on maque de personnels médico-sociaux. "Ce n'est pas en lançant des expérimentations sans réelle concertation qu'on pourra aller de l'avant". Pour Sud, "le défi de l'inclusion scolaire ne pourra être relevé si on manque de personnel... Ce n'est pas qu'in ne veut pas de ces enfants mais c'est compliqué quand on n'a pas les moyens de les accueillir. Ca devient maltraitant", estime C. Cohen (Sud).
Quel bilan de la loi Rilhac ?
Le devenir des directeurs d'école intéresse aussi la Commission de l'Assemblée qui annonce une mission d'information sur la loi Rilhac. Rappelons que cette loi, sans accorder un statut particulier aux directeurs d'école, leur a donné une autorité sur les enseignants et confié de nouvelles missions. "Le problème c'est que nous n'avons pas les moyens pour remplir toutes nos missions", déclare J Cornou (Se Unsa). "Chaque année on nous ajoute de nouvelles missions". Elle cite le plan filles maths où les directeurs doivent former les enseignants avant la mi septembre. Ou le plan empathie. "Il faut bien plus qu'un powerpoint et un pdf pour apprendre aux élèves l'empathie". La Cfdt rappelle qu'elle veut un statut d'établissement pour les écoles. Dans un récent rapport la Cour des Comptes a demandé leur regroupement pour créer des établissements ayant un vrai chef d'établissement à leur tête.
Des programmes irréalistes
Les syndicats ont attiré l'attention des députés sur les nouveaux programmes. Dans le primaire, "ils sont conçus pour un élève idéal qui n'existe pas", estime A Gagnier (Snuipp). "Ils délaissent les matières autres que le français et les maths". C Cohen (Sud) estime qu'ils "ne correspondent à aucune demande" et juge leur mise en oeuvre "irréaliste". Dans le second degré, J Fournier (Se Unsa) rappelle que la décision de créer une épreuve de maths au lycée a été prise sans aménager les programmes pour dégager du temps de préparation à l'épreuve. C Lalande (FO) rappelle que la mise en place des groupes de niveau et la réforme du lycée ont mis en cause la classe comme structure ce qui a des résultats désastreux. S Dumas (Cfdt) rappelle de son coté qu'un récent rapport de l'Inspection a donné "un verdict sans appel" contre les groupes de niveau. Ils sont toujours en place.
Parmi les nouveaux programmes, l'EVARS est rejeté par le RN. Les syndicats soutiennent ce nouvel enseignement mais craignent d'être lâchés par l'institution. "Les enseignants sont victimes de cabales de parents et l'institution les suspend ou les laisse seuls", estime S Dumas (Cfdt). "Les collègues sont lachés aux chiens" déclare le Snalc. Sa mise en place se fait sans formation, rappelle J Fournier (Se Unsa) ce qui met en difficulté les enseignants quand il s'agit d'affronter des parents.
L'école de la confiance
Le parcours en Y de la terminale professionnelle est aussi critiqué. Les syndicats rappellent qu'ils avaient prévenu qu'il créerait un fort absentéisme. Légèrement raccourci , il est maintenu malgré tout.
Finalement reparait un mot qu'on n'a plus entendu depuis 2022 : confiance. "Le manque de confiance, voilà où est le problème", juge S Dumas (Cfdt). "On réforme sans nous écouter. Il n'y a pas de confiance", estime S Vénétitay (Snes Fsu). "On n'a aucune confiance dans notre capacité à évaluer nos élèves", dit JR Girard (Snalc), "puisque la note de service de la rentrée, même pas discutée avec nos organisations, nous dit comment faire". L'école de la confiance était un slogan de JM Blanquer. Comme la revalorisation, les enseignants l'attendent encore. Cela s'explique : une majorité des parlementaires ne font pas confiance aux enseignants. C'est mal parti pour le budget 2026.
François Jarraud