L'origine grecque du terme Palestine (Παλαιστινη) autorise probablement la création de Palestinophobie ainsi que de antipalestinisme. Dans les références bibliques auxquelles on rattache souvent les palestiniens on écrit philistins pour parler d'un peuple en conflit avec les Israélites. Il n'est pas clair que ce terme ait vraiment donné le nom à la région. C'est probablement plus l'usage grec Παλαιστινη qui pourrait provenir d'un télescopage entre une traduction possible de l'hébreu ישראל (Israël) en grec et du terme philistin. En arabe le "P" n'est pas utilisé, le terme pour Palestine est فلسطين vocalisé فِلَسْطِين et Filasṭīn est la translittération habituelle. Ça laisse beaucoup de variantes possibles par exemple antiphilistinisme ou philistinophobie ou leurs contractions antiphilistisme ou philistophobie et pourquoi pas palestophobie.
Quel que soit le terme il faut clairement en adopter un et vite. Il est clair que ce qui est à l’œuvre dans les biais et les préjugés anti-palestiniens n'est pas simplement de l'arabophobie ni seulement de l'islamophobie même si celles-ci font partie du mélange toxique. Rappelons que les palestiniens ne sont pas tous musulmans : 6% des palestiniens sont chrétiens d'autres sont druzes et Naplouse abrite même une des dernières communautés samaritaines. Il y a aussi le fait que le peuple palestinien est perçu comme un ennemi de l'occident puisqu'il serait un ennemi d'Israël dont il est acquis que c'est un membre incontesté de l'alliance politique occidentale. L'antiphilistisme est tout à la fois, est une combinaison détonante de d'opposition politique pavlovienne, de xénophobie dirigée particulièrement contre les palestiniens, d'islamophobie qui s'étend à tous les arabes de Palestine et de révisionnisme historique ("une terre sans peuple") et culturel (réduction à l'arabité générique des palestiniens qui peuvent donc être expulsés vers n'importe quel pays arabe puisqu'ils n'auraient pas de culture propre). Une possible identification aux juifs israéliens (plutôt imaginés comme ashkénazes) et à un Israël idéalisé dans la psyché occidentale, pourrait être parmi les origines de l'opposition politique pavlovienne aux palestiniens, digne du sentiment anti-russe pendant la guerre froide. La lutte nécessaire contre l'antisémitisme, a peut-être, par amalgame chez certains, entraîné un soutien inconditionnel à toute action du gouvernement israélien ; ce soutien aveugle s'est éventuellement mué en palestophobie. Le soutien au colonialisme français a peut-être survécu et favorise peut-être le soutien à la politique colonisatrice israélienne. Toujours est-il que l'opposition politique aux droits internationalement reconnus des palestiniens est sans commune mesure avec celle relative à tout autre peuple.
De plus, ce peuple en lutte contre son envahisseur ne condamne pas toujours les actes de terrorisme pratiqués par quelques uns des siens et le terrorisme est le plus sûr moyen de s'aliéner l'occident. À tout le moins, l'accusation de terrorisme est rédhibitoire lorsque employée par un dirigeant occidental. On remarquera à ce propos que les actions ukrainiennes en territoire russe contre des cibles non militaires ne sont jamais qualifiées de terrorisme par les leaders du monde libre, même quand elles ne tuent que des civils. Aucune action de résistance violente n'est tolérée de la part de palestiniens. Même lorsqu'ils protestent pacifiquement comme ce fut le cas à Gaza lors de la marche du retour, qu'ils sont victimes de tirs israéliens, peu s'offusquent et on est prompt en occident à adopter les éléments de langages de l'armée Israélienne qui se dédouane systématiquement. Les moyens de lutte non violents ne changent donc ni les biais anti-palestiniens, ni l'écrasement subi par ce peuple.
La philistophobie n'est pas l'irsaélophilie. Être antiphilistin n'est pas être pro-israélien. En quoi est-ce pro-Israël de soutenir les meurtres de masse de civils gazaouis ? Est-ce que c'est soutenir Israël que de demander le nettoyage ethnique des territoires occupés ? Est-ce que ça améliore la position d'Israël dans le monde ? Est-ce que ça profite au pays ? Je ne le pense pas (or here). Je pense que les actes odieux et indéfendables de l'armée Israélienne sont néfastes pour Israël et les Israéliens. Ils sont, au sens propre, anti-israéliens. Et ils sont évidemment anti-palestiniens. Malgré les circonstances et une époque où l’extrême droite à le vent en poupe, il reste des israéliens qui ne sont pas philistophobes, qui comprennent et font preuve d'empathie envers les palestiniens. Ceux qui militaient dans l'ancien camp de la paix n'ont pas totalement disparu. Cela ne fait pas d'eux des anti-israéliens, ils ne s'identifient pas en général comme anti-sionistes. On ne peut donc diviser le monde entre anti-israéliens et anti-palestiniens, ou, pour être plus positif, entre pro-israélien et pro-palestinien. Soutenir les palestiniens n'équivaut pas à être anti-israélien. Soutenir les israéliens n'équivaut pas à être anti-palestinien. De la même façon qu'il n'était pas anti-français de soutenir l'indépendance algérienne. Ou, pour enfoncer le clou, le contraire de pro-palestinien n'est pas pro-israélien, c'est antiphilistin, philistophobe ou antipalestinien. Et c'est une raison importante pour avoir un terme spécifique.
Car ce qui est à l'œuvre dans les injustices subies par les palestiniens et plus gravement encore par les gazaouis en ce moment, ce n'est pas le pro-iraélisme des leaders occidentaux, c'est bien justement l'antiphilistisme dont il font spontanément preuve. Ce n'est pas parce-qu'ils sont pro-Israéliens qu'ils laissent mourir sans que ça les émeuve les enfants gazaouis, c'est parce-qu'il sont bouffis de philistophobie. Ce n'est pas parce qu'ils sont pro-Israéliens qu'il continuent à vendre des armes pour que Tsahal continue ses crimes contre l'humanité à Gaza c'est parce-qu'ils sont pétris de palestinophobie. Ils ne sont pas pro-irsraéliens, ils sont complices de crimes contre l'humanité parce-qu'ils sont tellement palestophobes que peut-être l'évidence de la gravité de leurs actions ne leur apparaît pas clairement (dans le meilleurs des cas, les autres assument simplement leur racisme, sadisme ou cynisme).
Un des préjugés importants est que les palestiniens ne sont pas des sources fiables. C'est un biais bien établi, qui veut par exemple qu'on n'invite pas un palestinien à parler seul à la radio sans diffuser le point de vue d'un Israélien ou d'un "spécialiste" occidental lors de la même séquence. C'est ce qui permet à une ministre allemande de dire qu'elle n'applaudit que le coréalisateur Israélien d'un documentaire primé pas le palestinien. Aucun documentariste israélien n'aura besoin de s'allier avec un palestinien pour voir ses œuvres diffusées, primées et applaudies. Aucun palestinien ne sera jamais invité pour contrebalancer le discours médiatique d'un israélien. légère asymétrie...
Il y a des journalistes à Gaza, mais ils ont un gros défaut, ils sont palestiniens. Ils ne sont donc pas jugés crédibles par la presse occidentale dont les journalistes minorent même parfois le nombre de journalistes tués à Gaza... Il est frappant de voir qu'à l'inverse les communiqués de l'armée et du gouvernement israéliens niant des actions anti-palestiniennes sont considérés crédibles et souvent pris pour argent comptant. Il est pourtant établi que quand il y a des meurtres de civils palestiniens, les premiers communiqués des autorités israéliennes ont tendance à être mensongers. Il suffit de plonger dans les archives. On se souvient de l’exemple emblématique de l'assassinat de la journaliste Shireen Abu Akleh.
Les palestiniens subissent le poids d'une islamophobie bien ancrée, d'une arabophobie qui n'a jamais totalement quitté l'hexagone, d'une diabolisation politique digne du McCarthysme et d'un effacement volontaire de leur histoire et leur culture.
Mélange de xénophobie, d'opposition politique irraisonnée et de révisionnisme historique et culturel, l'anti-palestinisme mérite un nom ; philistophobie ?
Les vagues qui agitent le monde occidental, répercussions des massacres commis à Gaza et de la famine organisée par l'armée et le gouvernement israéliens, ne sont pas un affrontement entre pro-israéliens et pro-palestiniens. Elles sont une opposition entre philistophobes et, principalement, humanistes. L'antisémitisme (compris comme haine des juifs, le mot est mal formé) de sinistre mémoire et qui a survécu chez certains doit être combattu, toujours dénoncé, absolument rejeté. La philistophobie n'a pas la même histoire mais elle est importante à identifier. Et elle aussi devrait être dénoncée et rejetée.