Willy Schraen, président de la Fédération Nationale des Chasseurs, a volé au secours du pauvre chasseur à courre Alain Drach (voir mon billet Taïaut, Taïaut, Taïaut ! ), objet de violences verbales, dans une lettre adressée aux principaux personnages de l'État, présentée sur son site sous l'intitulé Les chasseurs de France disent « non » à la violence et au harcèlement dont ils sont victimes.

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J'ai vérifié, entre deux accès de rire, que cette lettre n'était pas un canular du Gorafi.
On sait que la chasse à tir et la chasse à courre partagent les mêmes valeurs, au-delà de la jouissance de tuer :
- le non respect des propriétés privées,
- la mise en danger des passants ou des riverains, puisqu'après avoir poursuivi ce cerf jusqu'aux habitations, Alain Drach a prétendu l'avoir tué parce qu'il pouvait être dangereux.
Nul doute que cette lettre recevra en tout cas un écho favorable de Gérard Larcher, qui déshonore de longue date à la fois sa profession de vétérinaire et son statut de président du Sénat en relayant inlassablement les lobbies de la chasse ou de la tauromachie.
Au terme d'un colloque organisé au Palais du Luxembourg il y a un an et inauguré par Gérard Larcher, l'Observatoire National des Cultures Taurines ne s'était-il pas autorisé à annoncer une «commission d'enquête parlementaire sur les mouvements animalistes» ? 😀
La lettre de Willy prétend « L’équipage de vénerie souhaitait le gracier, ainsi que le code déontologique des veneurs le stipule. ». Or, ni la Charte des veneurs, ni la Charte de la vénerie (baratins élaborés par la Société de Vénerie en 2004) ne font allusion à une éventuelle « grâce » de l'animal.
Willy dénonce avec mesure et discernement les « groupuscules extrémistes, prônant la violence », les « terroristes » qui « se sont rendus célèbres en assassinant ceux qui ne partageaient pas leur opinion. »
Willy en oublie même d'écrire en bon français, ce qui la fout mal quand on s'adresse aux premiers personnages de l'État :
. il justifie « Les insultes raciales et antisémites, les menaces de mort, l’activation de toutes les haines et de toutes les violences, à partir, notamment, des réseaux sociaux, m’oblige (m'obligent) aujourd’hui à vous demander d’intervenir dans les plus brefs délais, pour faire cesser ces graves dérives. »
. et il demande au Président de la République de garantir « l’intégrité physique et morale des chasseurs et des ruraux à qui l’ont (l'on) promet, par des centaines de messages, une mort prochaine, douloureuse et lente. »
Willy ne va quand même pas faire dans la sensiblerie bobo ?...
Et Willy de conclure : « Je vous demande de dissoudre ces réseaux et ces associations, dont font partie ceux qui incident à la haine dans notre pays, dans les plus brefs délais. »
Je ne peux que renvoyer à mon article du 7 oct 2016 : Le terrorisme animaliste: enfin un vrai problème!

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Mais arrêtons-nous sur cette déclaration : « jamais la chasse française n’a voulu imposer ses idées par les menaces ; jamais la chasse française ne s’est octroyée le droit de se prendre pour l’Etat. »
Faut-il rappeler quelques bagatelles commises par les chasseurs, comme le saccage de la permanence électorale d'un député de la Somme en mai 1998, comme le caillassage de ce député, ainsi que des gendarmes venus dégager la voie, en avril 2000, comme la prise en otage de gardes de l'ONF missionnés par le Préfet au col de l'Escrinet en mars 1999, comme les destructions urbaines et les violences envers les forces de l'ordre à l'occasion de manifestations à Rouen en décembre 2005 ou à Valenciennes en mars 2009, ou comme les appels à la désobéissance et à la rebellion et autres blocages de route contre les restrictions de l'usage des « appelants » lors de la crise de la grippe aviaire entre fin 2005 et fin 2007 ?
Et focalisons-nous sur un point : les dates de fermeture de la chasse aux oies et aux canards siffleurs. Elle est fixé au 31 janvier par un arrêté ministériel de 2009, ce qui a toujours contrarié les chasseurs.
Le 4 janvier 2014, les FDC (Fédérations Départementales des Chasseurs) du Nord, du Pas-de-Calais et de la Somme diffusaient un communiqué intitulé Gibier d’eau : nous chasserons en février !
On y lisait notamment : « devant le ras-le-bol de dizaines de milliers de chasseurs qui ne demandent qu’à en découdre, les responsables associatifs, soutenus par les présidents fédéraux, ont décidé que nous chasserons les oies sauvages et le canard siffleur jusqu’au 16 février 2014 à midi. »
Le communiqué concluait : « La coupe est pleine […]. L’heure de la révolte a sonné. »
Il était signé par les présidents des 3 FDC dont… Willy Schraen.
Vous avez bien lu, le président de la Fédération nationale des chasseurs, qui joue les Calimero auprès du président de la République, appelait voici moins de 4 ans à l'illégalité.
Ça se passe de commentaires, non ?

Willy aurait eu tort de s'en priver dans notre belle République : le 16 janvier il était reçu par le ministre de l'Écologie Philippe Martin, et le 30 janvier 2014 celui-ci émettait un arrêté ubuesque autorisant la prolongation de la chasse aux oies jusqu'au 10 février (qui allait être suspendu par le Conseil d'État le 5 février 2014).
Pour plus de détails, voir mon article Chasse : comment appeler à l'illégalité en toute impunité.
Quand Willy parle dans sa lettre de structures « se croyant certaines de pouvoir dorénavant agir en toute impunité », il s'agit de ce qu'on appelle en psychologie une «projection».
Quant aux opposants à la chasse, s'ils peuvent parfois avoir du mal à contenir une certaine violence verbale, il n'y a jamais eu la moindre violence physique de leur part. Les élucubrations victimaires d'Alain Drach ou de Willy Schraen n'ont à cet égard rien à envier à celles des acharnés de la corrida.

