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Le festival « théâtre en mai » à Dijon a la vie dure. Créé naguère, au siècle denier (1989), par François Le Pillouer, il a été maintenu par les directeurs qui se sont succédé à la tête du CDN de Dijon-Bourgogne. Son actuelle directrice, la metteure en scène Maëlle Poésy -subtile alliance de douceur et de pugnacité- a su et a pu maintenir, vaille que vaille, le cap, les bailleurs de fond (ville, région, état) ayant grosso modo maintenu leur soutien. Tous les festivals, et toutes les compagnies ne peuvent pas en dire autant, tant la saignée des subventions est considérable à tous les échelons, tant la culture est devenue pour beaucoup d’élus pas seulement de droite, une sorte de poids dont le sujet de la pièce de Ionesco Amédée ou Comment s’en débarrasser constitue une bonne métaphore : le cadavre est dans la pièce d’à côté mais comment s’en débarrasser ?
A la fin de chaque représentation du festival, vindicatif rituel, les artistes viennent devant le public et, dans une déclaration commune, disent leur inquiétude face aux réductions budgétaires à tous les niveaux, de la communauté de communes jusqu’à la rue de Valois où la ministre en titre, n’a d’yeux que pour la conquête de la mairie de Paris .
Le festival Théâtre en mai s’est ouvert avec le formidable Velvet de la compagnie Nathalie Béasse, doux comme le velours et vif comment le vent, vu lors de sa création au Théâtre du Maillon (lire ici). Il accueillera le fabuleux Face à la mère de Jean-René Lemoine interprété par l’auteur sous la direction de Guy Cassiers (vu à la MC93, lire ici), autre merveille. Vu récemment au Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis, on pourra également voir le très attachant et premier spectacle de Vanessa Amaral Pratique de la ceinture, ô ventre (vu au TGP, lire ici).
Avec une fébrile curiosité on attendait la nouvelle création de la marionnettiste norvégienne formée à l’école de Charleville Mézières Yngvild Aspeli aujourd’hui artiste associée au CDN Dijon-Bourgogne tout en restant directrice artistique du Figurteatret i Nordland (Nordland Visual Theatre) de Stansund, en Norvège. On l’avait quittée au Théâtre du Rond Point avec sa version hallucinée de la pièce d’Ibsen Maison de poupée (lire ici) qui poussait très loin les ressorts de l’art de la marionnette en explorait des territoires oubliés ou négligés voire insoupçonnés.
Son nouveau spectacle Trust me for a while, a volontairement moins d’ampleur scénique car il est destiné à être joué dans des classes ou des gymnases de la région Bourgogne (et ailleurs), ce qui impose une scénographie légère : trois petits rideaux, une valise. Le spectacle est interprété par des élèves tout justes sortis de l’ENSAM de Charleville Mézières (Pédro Hermelin Vélez, Mélody Shanty Mahe) où Yngvild Aspeli avait été elle-même élève, les marionnettes ayant été réalisées par Polina Borisova.
Yngvild Aspeli dit avoir toujours été fascinée par la ventriloquie. « Il y a quelque chose d’assez terrifiant, et en même temps d’irrésistible, avec la marionnette ventriloque », humaine et non réaliste, elle est « l’incarnation de notre peur la plus grand et la plus fondamentale ; celle de l’innocence cachant l’horreur ». Et elle le prouve avec une sorte d’humour terrifiant. Yngvild Aspeli nous emmène au pays où les marionnettes ventriloques font régner la stupeur et la terreur, agitent les grelots de la peur et sèment le doute à tout va. Et si la marionnette se révoltait contre celui ou celle qui la manipule ? Et si c’était l’humain qui, à la fin, rentrait dans sa boite pour ne pus en sortir ? C’est tout cela , avec une malice, une douceur et une agilité extrêmes, qu’ explore et met en scène Yngvild Aspeli et ses complices à travers un décor constitué de trois rideaux mouvants gardés par un chat agile et malin et comme un singe, d’une valise à double fond dans tous les sens on ne peu plus retors et, invisible, une bonne dose de poudre de perlimpinpin magique,l’artiste avec effroi et sagacité, nous fait prendre des vessies pour des lanternes. Apparitions et disparition rythment l’histoire et le mouvement du spectacle où la tendresse et la terreur font bon ménage. On en redemande.
Reprise au Festival Mondial des Théâtres de Marionnettes de Charleville-Mézières du 19 au 21 sept