L’examen des recommandations et commentaires émis sur les 90 billets postés sur ce blog entre août 2015 et juin 2016 fait apparaître incontestablement des sujets qui suscitent réactions et recommandations et d’autres qui en suscitent moins, ou pas du tout. Il faut certes tenir compte sans doute de la qualité inégale des billets et des choix faits par Médiapart d’en inscrire certains à la une du club. Mais ce dernier choix est également révélateur de l’intérêt médiatique attribué à leur objet. A travers les deux extrêmes, billets qui suscitent le plus de commentaires et de recommandations et ceux qui en suscitent le moins, peuvent se dessiner les questions chaudes dont on parle et les questions qu’on néglige.
Dans le trio de tête se dégagent nettement le billet Ecole, valeurs laïcité : une question d’abord sociale ?[1] qui a suscité 22 recommandations et 44 commentaires et le billet Redoublement : le changement à bas bruit ?[2] accompagné de 9 recommandations et 94 commentaires. Ils sont suivis par le billet Elèves à résultats faibles : qu’en est-il en France ?[3] avec 6 recommandations et 35 commentaires. Notons en complément le billet L’Histoire, pourquoi l’enseigner ?[4] et ses 6 recommandations et 26 commentaires.
Dans le peloton des billets qui n’ont suscité ni commentaire ni recommandation, figurent trois billets traitant de la vie collégienne et lycéenne, trois du collège, deux du bien-être des élèves.
Ces constats peuvent-ils être mis en relation avec la culture scolaire française ? Se préoccuper du bien être des élèves, ne serait-ce pas, aujourd’hui encore, se détourner de l’essentiel, qui est la transmission des connaissances, et faire place à l’enfant ou l’adolescent, alors que l’école ne devrait connaître que des élèves qui y viennent exclusivement pour accéder aux savoirs ? Dans le même esprit, se mobiliser sur la vie collégienne ou lycéenne, ne serait-ce pas se détourner de la mission première de transmission des connaissances et tout à la fois perdre un temps précieux à l’instruction et remettre dangereusement en question la relation d’inégalité existant entre les élèves et leurs maîtres ? Quant au collège, n’a-t-il toujours pas acquis d’identité forte, tiraillé qu’il est entre l’ordre primaire incarné par les écoles et l’ordre secondaire illustré par les lycées, généraux et technologique bien entendu – un billet sur la formation professionnelle figure également parmi les billets sans recommandation ni commentaire ?
En revanche, questionner le redoublement, c’est interroger une des manifestations les plus représentatives d’une culture de l’éducation consistant à classer et sélectionner les meilleurs en écartant de la voie royale tous les autres. L’enseignement de l’Histoire est également un élément clé de notre patrimoine scolaire, et y toucher suscite toujours méfiance et résistance. Quant à la transmission des valeurs républicaines, elle fait partie des missions premières de l’école depuis longtemps et a été remise au premier plan après les attentats terroristes de 2015 à Paris ; elle est donc une priorité de l’actualité éducative française.
Ces quelques observations peuvent être complétées par les résultats d’une recherche sur le site de Médiapart. La recherche « enseignement de l’Histoire » obtient 1929 résultats, la recherche « enseignement professionnel » 867. La recherche « laïcité » obtient 1911 résultats, la recherche « bien être des élèves » 190. Si la recherche « redoublement » n’obtient que 51 résultats, c’est sans doute qu’il y a là un allant de soi un peu honteux dont on parle peu sauf quand il est remis en question directement, mais c’est tout de même plus que la recherche « vie lycéenne et collégienne » avec seulement 34 résultats. On interprètera les résultats respectifs des recherche « collège » et « lycée » (1079 résultats contre 1300) en tenant compte du fait que la réforme du collège a mobilisé fortement tout au long de cette année scolaire le débat éducatif, et notamment suscité l’expression de tous ceux qui voient en elle une remise en question d’un modèle politique d’éducation intangible.
Ainsi, l’écho très variable suscité par une année de billets consacrés à l’éducation ne permettrait-il pas de percevoir quelques lignes de force d’une culture éducative implicitement partagée ?
C’est sur cette question que je souhaite aux abonnés et lecteurs occasionnels de ce blog un très bel été.
[1] https://blogs.mediapart.fr/jean-pierre-veran/blog/120116/ecole-valeurs-republicaines-et-laicite-une-question-d-abord-sociale
[2] https://blogs.mediapart.fr/jean-pierre-veran/blog/170116/redoublement-le-changement-bas-bruit
[3] https://blogs.mediapart.fr/jean-pierre-veran/blog/110216/eleves-resultats-faibles-qu-en-est-il-en-france
[4]https://blogs.mediapart.fr/jean-pierre-veran/blog/031015/l-histoire-pour-quoi-l-enseigner