Jean Vinçot (avatar)

Jean Vinçot

Association Asperansa

Abonné·e de Mediapart

1944 Billets

0 Édition

Billet de blog 29 janvier 2025

Jean Vinçot (avatar)

Jean Vinçot

Association Asperansa

Abonné·e de Mediapart

Comment je suis "devenu" autiste

Pour paraphraser Simone de Beauvoir - et la contredire - "On naît autiste, on ne le devient pas". Après 19 ans d'interrogations, j'ai reçu un diagnostic d'autisme à 70 ans. Comment cela s'est-il passé, qu'est ce que ça me fait ? Comment mon entourage réagit ?

Jean Vinçot (avatar)

Jean Vinçot

Association Asperansa

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Il y a 35 ans, quand la question d'une "prise en charge" par le CMPP (Centre Médico-Psycho Pédagogique) de ma fille aînée, 6 ans, s'est posée, j'ai dit : "Elle est comme moi. Sa vie sera difficile" 1. Pour moi, rien ne pouvait être fait utilement, mais je ne me suis pas opposé à ce qu'elle aille au CMPP. La médecine scolaire avait convoqué sa mère et lui a dit : "Madame, votre fille ne va pas bien : il faut vous soigner". Nous avons quand même amenée notre fille chez un psychiatre à 4 ans, mais nous n'avons pas poursuivi : elle a résisté au psychiatre, et ma compagne n'a rien fait de particulier .. Suivant cette dernière, j'ai freiné cette "prise en charge", mais je ne m'en souviens pas. Très peu sans doute.

Dès ses 2-3 ans, sa bizarrerie était remarquée, au point que mes parents se demandaient entre eux si elle n'était pas autiste ! A cette époque, en 1985... Et après, le courant n'est jamais passé entre mes parents et ma fille.

La conclusion des deux ans de CMPP était qu'elle n'était peut-être pas psychotique parce que l'école l'acceptait. Évidemment, parce qu'elle était la meilleure de la classe2. Elle était assez discrète, pas comme un élève avec hyperactivité.

Il y a 21 ans, suite à un article de "Sciences et Avenir" d'août 2003, qui parlait du zoo de Pont-Scorff, ma compagne cherche un moyen de voir si notre fille était concernée par le syndrome d'Asperger. Coup de pot, après un an de recherche, la responsable de l'association partenaire d'Autisme France dans le Finistère nous oriente vers le CIERA (un des 4 ancêtres des CRA3 - centres de ressources autisme - pour la Bretagne et Pays de Loire) à Brest - à 25 km. Quand le diagnostic a été délivré, il y avait sans aucun doute pour ma famille une origine paternelle. Cela me semblait aussi vraisemblable. Il est probable que le Dr Eric Lemonnier, du CRA, s'en soit vite aperçu.

L'association Asperansa a été créée quelques mois après - à partir d'un des deux groupes de parole animés par le Dr Lemonnier au CRA. Ma fille était l'enfant la plus âgée (21 ans) des familles de l'association. C'était la première fois que nous entendions du bien de notre fille, dont le parcours rendait le moral aux autres parents. A cette époque, en France, on ne diagnostiquait presque pas les adultes. Le CRA de Tours écrivait à une femme d'aller au Québec voir le Dr Laurent Mottron pour un diagnostic !

Je n'ai pas eu de mal à me reconnaître dans le BAP (Broad Autism Phenotype - phénotype élargi de l'autisme), donc avec des traits autistiques. Des traits, des symptômes mais sans atteindre le "niveau pathologique", la cotation dans les échelles ADI-R ou ADOS. Dans la famille, on me disait qu'il y en avait deux les pieds sur terre (ma femme et la petite sœur) et les deux autres chacun dans leur monde (ma fille aînée et moi). Cela avait été toujours le cas pour moi, je disparaissais quand je lisais (au point qu'une battue a été organisée quand j'ai pu lire "Tom et Jerry" , "Pif" - interdits par l'église catholique - dans un hangar, et oublier le repas).

Il a fallu que je me débarrasse de ma culpabilité en tant que père. La première conférence que j'ai suivie sur l'autisme, il y avait Bernard Golse, psychanalyste, qui glosait sur "Ainsi font, font les petites marionnettes", comptine universelle dont n'auraient pas pu bénéficier les bébés qui allaient en conséquence devenir autistes. J'étais d'autant plus culpabilisé que c'était moi qui avait pris un congé parental4. Ma compagne m'a taquiné à la maison, en me faisant passer des enregistrements audios qui prouvaient le contraire.

Illustration 1
Dispute avec äne lacanien


Dois-je faire la démarche ?

Au fur et à mesure que je me documentais sur l'autisme et que j'en faisais mon principal intérêt spécifique  (après avoir été le syndicalisme et les prestations familiales), je me demandais à quel 'niveau' je me situais. Mais au CRA de Bretagne, il y avait de nombreuses années d'attente (jusqu'à 5 ans) pour le diagnostic des adultes. Je ne voulais prendre la place de personne. Et je ne croyais pas en avoir de besoin existentiel.

Au bout de 19 ans d'interrogation intime, j'ai voulu en avoir le cœur net. Je me suis renseigné, et on m'a conseillé soit le CRA, soit un cabinet privé spécialisé.. J'ai écarté le CRA parce qu'il y a, entre autres, des échanges militants qui pouvaient perturber le processus (en tant qu'association, nous ne sommes pas toujours en accord avec la pratique diagnostique du CRA et nous le disons). J'ai donc choisi le cabinet privé, plus rapide, mais plus loin.

Compte tenu de mon âge (et du décès de mes parents), c'est ma sœur aînée et ma femme qui ont répondu aux questionnaires. Elles étaient d'accord à plus de 99%. Je sais que ma mère a dès 2004 été persuadée que j'étais autiste, elle disait que j'étais comme ma fille, bien qu'elle n'avait pas de compétences particulières sur le sujet. Elle n'était cependant pas la seule de mon entourage familial à me dire que j'étais très certainement autiste moi aussi. Cela a aussi été le cas dans mon entourage associatif de me "diagnostiquer". Je me rappelle d'un couple qui nous avait connu tous les deux (ma fille et moi) dans l'entreprise, et à qui j'ai dit dans l'hypermarché Leclerc que ma fille était autiste : ils se sont regardés comme pour dire : "Cela explique comment Jean fonctionne".


La conclusion du processus, il y a 18 mois, était que j'étais une personne TSA, de l'ancien "type Asperger". Je ne pouvais pas m'empêcher d'avoir un doute. Les professionnels m'ont assuré que j'étais en plein dedans.


Qu'est ce que çà change ?

Je comprends mieux mon fonctionnement. Le diagnostic de ma fille m'avait déjà interrogé : je comprenais que je fonctionnais  de la même manière à certaines occasions.
Je revisite par exemple plusieurs dizaines d'années comme délégué syndical. Je n'ignore pas mes points forts. Ma fille aimait répéter : "La différence entre papa et le code du travail, c'est qu'avec le code du travail, on peut tourner la page." Par contre, je n'ai pas su encourager les autres délégués, discuter assez avec les gens (sauf de mon service de prestations familiales et le contentieux). J'ai rédigé des centaines d'argumentaires écrits. Quand cela a été possible, j'ai utilisé surtout les mails. Procédé catastrophique quand il y avait des conflits au sein de l'équipe. Parce qu'il ne suffisait pas d'avoir le plus d'argumentation écrite. Il fallait des interactions... sociales.
Cela était pareil dans les négociations avec la direction. Je montais à la charge (j'avais raison, je pense), mais je ne savais pas reconnaître une avancée explicitement, ne serait-ce que pour une raison diplomatique - cela n'empêchait pas de conclure un accord collectif, quand même. Un jour, j'ai dit lors d'un Comité d'Entreprise, "c'est pas mal", et la directrice a eu une moue contrariée : je lui ai répondu (pour la consoler) que quand je disais que c'était pas mal, cela voulait dire que c'était très bien. Je lui ai dit ensuite lors de la conclusion d'une négociation très importante, devant tout un aréopage : "Arrêtez de faire semblant d'avoir l'air idiote"  Et pour essayer de me raccrocher aux branches, après m'être rendu compte de l'impair social " ... plus idiote que d'habitude". Vraiment pas malin de ne pas comprendre spontanément l'injure que ça représentait. Je ne me suis même pas excusé, mais quand la direction l'a exigé, j'ai donné sans problème 4 versions d'une lettre d'excuses5.

J'ai énormément de mal à reconnaître les gens, à les situer dans leur environnement social, et je suis donc maladroit avec eux. Au début, tous les matins, je relisais sur les compteurs (loupiotes pour pointer à l'entrée du bureau) la liste des 10 personnes du bureau, pour pouvoir leur dire bonjour.

En tant que délégué syndical, j'étais le plus mauvais collecteur de timbres de mon syndicat : il fallait s'adresser aux syndiqués pour leur faire payer la cotisation tous les mois ou trimestres. On donnait en échange un petit bout de papier en format timbre (avec les bords dentelés et un verso collant pour les coller sur leur carnet) - je dis ça pour les jeunes qui ont l'habitude du prélèvement automatique. Il y avait 200 syndiqués sur moins de 400 salariés, j'étais incapable de les reconnaître, de discuter du temps - pluvieux, des loisirs, des vacances ou des enfants : seulement de la convention collective, des réclamations en délégués du personnel, des revendications. Quand quelqu'un venait me parler de son problème, je me mettais de côté pour ne pas le regarder dans les yeux, ne pas être perturbé par ses émotions et me concentrer sur le problème technique à résoudre. Et je ne me rendais pas compte que les gens aiment qu'on s'intéresse à leur vie.

Mon syndicat exigeait que je ne donne des renseignements qu'aux syndiqués, alors que j'étais incapable de les identifier (d'ailleurs, je n'étais pas vraiment d'accord, parce que je pensais que le syndicat n'était pas un organisme de services individuels - c'est ce que je pense toujours dans le milieu associatif, en ne me limitant pas aux personnes autistes sans trouble du développement intellectuel). Quand je distribuais le bulletin interne du syndicat au service vieillesse, il me fallait revenir consulter 4 ou 5 fois les plans nominatifs pour éviter de trop me tromper.

Je ne vais pas vous raconter les horreurs que j'ai pu dire à ma femme : suffisamment pour qu'elle puisse m'en ressortir certaines 40 ans après. Ni mes comportements dans ma vie privée. Ce que ma fille non autiste en a dit.

J'apprends encore tous les jours
J'ai pris pendant plusieurs années du Burinex, bumétanide, expérimenté dans l'autisme (avant que j'aie un diagnostic - mes médecins le subodoraient quand même). Mon entourage a dit que j'avais changé dans les interactions - même les personnes qui ne savaient pas que j'en prenais (mais ce n'est pas incompatible avec l'effet placebo). J'ai arrêté peu après que la fin de l'expérimentation de type 3 se soit arrêtée. De récentes recherches plaident en faveur d’un effet bénéfique. Et parce qu'il y avait des effets diurétiques parfois gênants (j'ai pissé sur les murs du Ministère de la Santé avant une réunion) et des crampes liées au défaut de magnésium. J'estimais aussi que j'étais devenu plus à l'aise dans les interactions sociales.
Je pense apprendre tous les jours à combiner handicap et points forts - points forts qui sont la conséquence de mon autisme -, et à m'adapter à mon environnement sans que çà me coûte trop. Quand je fais connaître mon diagnostic, c'est plus facile à mon environnement de me comprendre et de s'adapter. Je fais un peu plus attention lors de mes relations sociales, j'y trouve un certain intérêt et je suis encouragé ensuite par mon entourage. Mais ce n'est pas naturel, il me faut que ce soit explicite, volontaire, du "travail conversationnel".

Actuellement, j'accompagne de temps en temps des jeunes bûcherons dans le bois derrière chez moi. Je conduis le tracteur. J'apprécie leurs encouragements, et je vois que je n'ai jamais pu faire çà.  Parce que ce qui est bien était selon moi naturel, je ne pensais donc pas à encourager les gens. Ces jeunes bûcherons savent que je suis autiste et m'acceptent comme je suis. Ils m'aident à nouer des relations amicales avec eux et s'adaptent à mes particularités. Par exemple, quand je n'arrive pas à faire d'efforts "relationnels", ce sont eux qui viennent vers moi.  
Je ne peux pas m'empêcher de m'intéresser - frénétiquement - à l'autisme et au handicap (les prestations surtout). D'ailleurs, je ne vois pas pourquoi il faudrait que je ne le fasse pas. Cela me fait plaisir, quand je rédige ici des posts ou ailleurs des documents. Cela devient plus compliqué quand je reçois des demandes d'information ou de conseil :  je me débrouille mieux sur les questions techniques ou législatives.. Certaines situations peuvent être difficilement solubles. Il est difficile de se limiter, de ne pas rendre un service à tous. Mais je suis beaucoup plus envahi et stressé quand il faut manifester de l'empathie, me charger de problèmes émotionnellement difficiles : je viens d'apprendre cependant à terminer la conversation par "bon courage". Difficile quand il faut un contact téléphonique, par exemple. J'ai du mal à gérer ces interactions. Et je suis incompétent pour donner des conseils pour la vie quotidienne.
J'ai des retours de personnes qui me rencontrent dans l'activité associative qui me confirment ce que j'ai décrit sur mon activité syndicale. : "Tu as développé une expertise (...) avec un sens du détail et une précision absolue. Dans le même temps, tu n'exprimes pas d'affect dans la façon dont tu traites les sujets. Ce qui est une force car tu ne te laisses pas perturber par des ressentis, des émotions. Tu traites les sujets d'un point de vue "technique", "légal"...  Le fait de ne pas laisser de place à l'affect te donne une force supplémentaire. Et c'est parce que tu es autiste que tu es aussi bon."
Je me rappelle cependant que j'avais été secoué par le groupe de paroles du CRA. J'entendais toutes les difficultés rencontrées par les parents. J'en étais affecté, et je relativisais les problèmes d'échelons, de chaises adaptées, de modalités de temps partiel dans ma boîte. Aussi de déclaration d'emploi de travailleurs handicapés. Par rapport aux informations préoccupantes ou signalements pour l'ASE (aide sociale à l'enfance) : lors d'un groupe de paroles, cela représentait 20% du groupe. Les discussions sur l'inclusion à l'école, la communication, le sommeil etc. m'intéressaient beaucoup, mais ce n'était pas vraiment dans mes compétences d'y intervenir - je connais par contre bien les conditions de non remboursement de la mélatonine (seulement du Slenyto jusqu'à 18 ans). Ce qui ne m'a pas empêché de participer à des ESS (équipes de suivi de la scolarisation). J'ai été plus à l'aise sur les questions d'emploi.

"Tu as une manière atypique d'interagir (ou typiquement autistique si je puis dire). Tu communiques sur les points qui t'intéressent ou sur les points qui concernent l'objet de la rencontre, toujours de manière très factuelle. Tu me diras que c'est logique. Oui mais les neurotypiques parlent de tout un tas d'autres choses (que les autistes qualifient, sans doute à raison, de futiles, mais qui plaisent aux neurotypiques)"

"D'autres choses encore qui m'ont fait percevoir ton autisme, c'est cette honnêteté à toute épreuve. Tu me donnes l'impression de toujours dire exactement ce que tu penses, sans jamais mentir ni camoufler comme le.font les neurotypiques. Également, tu prends les gens exactement comme ils sont, sans jamais les juger, sans jamais attendre quoi que ce soit d'eux" Bon, je peux camoufler la réalité quand même, mais il faut que ce soit absolument nécessaire, et surtout ... que je l'ai prévu.

Je demeure maladroit dans certains contextes sociaux. Pour donner un exemple, un breton m'a rappelé récemment une anecdote qui s'est produite lors de l'une de nos rencontres à Paris pour le salon de l'autisme. Il était content de me voir et s'est trouvé décontenancé lorsqu'au bout de 5 minutes, je me suis tiré après lui avoir dit : "je ne suis pas venu ici pour voir les gens que je peux voir en Bretagne, je préfère parler avec les autres". En toute honnêteté, je ne me suis même pas rendu compte que j'aurais pu le froisser. C'est maintenant qu'il me le dit et que je réalise 8 ans après.

Dans un autre registre, je me souviens m'être empiffré avec les petits fours lors de l'inauguration du nouveau CRA au lieu d'aller converser avec les personnes présentes parce que la vue de toute cette bouffe qui risquait s'être gaspillée m'angoissait. J'avais donc envie de tout manger et je l'ai dit - je l'ai fait. Je viens d'apprendre aujourd'hui que cette attitude n'est pas adaptée à ce type de contexte, mais à ma décharge, nous venions d'obtenir que le CRA échappe à la pédopsychiatrie universitaire (nous n'avions pas eu de ...bol, psychanalyste à donf, pendant quelques années). Il fallait bien fêter ça !

De l'utilité du diagnostic

Chacun décide de l'utilité pour lui de faire vérifier une possibilité d'autisme. En l'absence de marqueur biologique, le diagnostic dépend de l'expérience des professionnels qui l'assurent, des conceptions qu'ils en ont. Il n'y a donc pas de méthode pour obtenir un diagnostic fiable à 100%. Mais la demande d'un diagnostic n'est pas innocente : il y a un vrai problème que le demandeur cherche à identifier. J'espère que les professionnels, quel que soit le diagnostic qu'ils délivrent, sont en mesure de conseiller et d'orienter vers un accompagnement adapté à leur diagnostic. Suivant les statistiques des CRA, la moitié des adultes qui s'adressent à eux ne seraient pas autistes. Admettons : mais qu'est ce qui est proposé alors ? Allez-voir au CMP ? J'ai essayé, je n'ai pas été convaincu, l'environnement psychanalytique (psychothérapie institutionnelle dans ce cas) était trop prégnant, et le CMP n'était même pas capable de respecter les horaires de rendez-vous.

Évidemment, je ne suis pas "devenu" autiste en 2023. Je l'étais dès la sortie de l'utérus de ma mère. Ma particularité s'est signalée très vite. Je pouvais réciter les prières au bas de l'autel - en latin - avant le CP, et je pouvais donc quitter la classe pour servir en tant qu'enfant de chœur aux enterrements - et manier l'encens devant le cercueil ! Avantage du point fort autistique...

Personnellement, si je n'ai pas échappé aux curés6, je ne crois pas avoir eu vraiment à souffrir des psychanalystes. Le psychologue de ma fille était lacanien7, nous l'avons retrouvé 15 ans après. Il nous a dit qu'il n'avait jamais eu à suivre au CMPP des enfants autistes - alors que nous en connaissions plusieurs ! Il nous a ressorti ses notes : la révélation pour lui provenait du fait que j'ai dit à ma fille, quand il venait la chercher dans la salle d'attente du CMPP : "(Jeu de mot sur le prénom)"7... On en a rigolé rétrospectivement.

PS: des fondateurs d'Asperansa il y a 20 ans, je suis le seul aujourd'hui avec un diagnostic d'autisme. Mais depuis quelques années, président, co-présidents, vice-président d'Asperansa sont autistes. Actuellement, la majorité du Conseil d'Administration a un diagnostic d'autisme (surtout des parents d'enfants autistes). La reconnaissance de l'autisme - même sans trouble du développement intellectuel - à l'âge adulte a beaucoup progressé. Les associations de familles de personnes autistes avec un TSA sévère se sont aussi ouvertes aux autres personnes ayant un autre type d'autisme. C'est une raison pour me sentir un peu plus légitime dans la représentation des familles et des personnes autistes. Mais la légitimité provient d'abord des personnes qui se regroupent pour se défendre.


1 J'ai cependant bénéficié d'un environnement de famille nombreuse plus stimulant. Je suis jumeau dizygote. Mon jumeau et moi avions élaboré un langage particulier dans le bac à sable. Et dans une famille nombreuse (7), il y a des interactions sociales nombreuses. Comme dans 7 ans d'internat. Cela n'a pas toujours été facile. Mais il y a eu plus d'interactions que pour ma fille : celle-ci n'avait que sa jeune sœur qui la "persécutait" (la stimulait).

2 Après le diagnostic, les instits nous ont dit comment elle avait été spéciale, difficile, bizarre dès la maternelle. C'était encore plus bizarre qu'un instit l’appelle "la sorcière", qu'elle pouvait être mise dans une poubelle sans que les instits interviennent. Le harcèlement a continué y compris jusqu'à la fac (crevaison systématique des pneus du vélo par exemple). Les profs du secondaire n'osaient rien dire, parce sa mère faisait aussi partie des enseignants.

3 L'accompagnement des personnes autistes était désastreux, dominé par les théories psychanalytiques. L'autisme n'était pas reconnu : on parlait de psychose infantile ou de dysharmonie évolutive. En 1999, le gouvernement a créé 4 centres expérimentaux, dont le CIERA - qui avait la caractéristique iconoclaste d'être conjointement organisé par l'hôpital et l'association de parents Sesame Autisme. En 2004, le 1er plan autisme décide de généraliser les CRA, un par région.

4 J'avais pris un congé parental (pour la première comme pour la deuxième), puis un temps partiel (sur une période de 10 ans), car je craignais de ne pas être capable de m'en occuper sérieusement autrement. C'est sans doute vrai. Mais...ce furent de très belles années. Un père de notre association arbore fièrement un tee-shirt : "CMPP, Culpabiliser les Mères et Peut-être les Pères". Il était sous-marinier dans un SLNE - un miel pour les psychanalystes : mais statistiquement fréquent à Brest.

5 J'entamais ce jour-là une psychothérapie, c'était important pour moi après des années de militantisme frénétiques.J'ai donc fait des versions de plus en plus plates de la lettre d'excuses, pour le cas où la première ne suffirait pas. Mais s'il avait fallu lui cirer les chaussures, je l'aurais fait sans barguigner.Il y avait l'embauche de 23 personnes en jeu. Et les modalités de la réduction du temps de travail à 35H. Mais la directrice avait aussi envie d'un accord, elle a pris la première lettre en la regardant à peine.

6 A 10 ans, mon directeur de conscience au petit séminaire m'avait mis en garde contre les amitiés. J'ai obéi. Et jusqu'à mes 50 ans, j'ai cru que mes difficultés dans les interactions sociales étaient dues à ce sermon !

7  La revue de la tendance psychanalytique française - dominante en pédopsychiatrie et dans les formations de psychologues - se réclamant de Jacques Lacan s'appelait "L'Âne". Ce qui explique la photo démontrant que je la conteste. Jacques Lacan était réputé pour jouer sur les mots : ma phrase était donc révélatrice du fonctionnement psychique problématique de ma fille, qui avait des parents gros lecteurs (dont la mère documentaliste, moi me chargeant de la bibliothèque du Comité d'Entreprise). Les parents avaient donc choisi le prénom du fait de leur inconscient. D'où les conséquences pathologiques sur la progéniture... Mais c'est bien sûr ! Ma fille n'était pas en reste de jeu de mots avec son psy M...aise. : comme elle renâclait, pour essayer de l'insulter, elle lui disait : "Clé anglaise, M....aise!!".


Article d'Ouest-France 

  • Mercredi 21 mai 2025

    Témoignage

    À 70 ans, Jean est enfin diagnostiqué autiste : « Ça a été un soulagement, une libération ! »


Articles de mon blog sur le bumétanide

Blog de Yehezkel Ben-Ari

Et si l’IA aidait à développer un traitement de l’autisme ?

Le projet Pelargos: Utiliser l’IA pour obtenir un pronostic précoce de l’autisme

Détection et traitement précoces de l’autisme : un podcast

Pronostiquer tôt les troubles du spectre autistique : Un défi ?

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.