Noëlle Tassy (avatar)

Noëlle Tassy

Patiente-experte SEP, membre du Patient Advocacy Committee de l'EBMT et du Community Advisory Board de l'EMSP

Abonné·e de Mediapart

13 Billets

0 Édition

Billet de blog 30 mai 2024

Noëlle Tassy (avatar)

Noëlle Tassy

Patiente-experte SEP, membre du Patient Advocacy Committee de l'EBMT et du Community Advisory Board de l'EMSP

Abonné·e de Mediapart

Sclérose en plaques et autogreffe de moelle osseuse : il est question de guérison

En cette Journée Mondiale de la sclérose en plaques, il est proposé d’examiner les travaux récents de médecins-chercheurs qui présentent les expériences d’ex-patients que l’autogreffe a libéré et continue de libérer de la SEP, très souvent de ses handicaps et de ses traitements de fond, depuis parfois deux décennies. Des éclairages inédits qui interrogent le caractère incurable de cette maladie.

Noëlle Tassy (avatar)

Noëlle Tassy

Patiente-experte SEP, membre du Patient Advocacy Committee de l'EBMT et du Community Advisory Board de l'EMSP

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Recommandation : pour le lecteur non familier de la sclérose en plaques (SEP) ni de ce qu’est l’autogreffe de moelle osseuse, il est recommandé de lire préalablement le billet : Sclérose en plaques et autogreffe de moelle osseuse : une introduction-plaidoyer.

Chaque année, la Journée Mondiale de la sclérose en plaques est l’occasion pour les acteurs impliqués dans la lutte contre cette maladie – patients et aidants, associations de patients, médecins, chercheurs – d’unir leurs voix pour sensibiliser le grand public sur la SEP, sur les handicaps visibles et invisibles qu’elle fait peser sur les malades avec des répercussions dans toutes les sphères de leur vie, et sur l’actualité de la recherche.

Dans ce billet, il est proposé de s’intéresser aux initiatives de scientifiques et cliniciens engagés pour le développement de l’accès à l’autogreffe de moelle osseuse (également appelée autogreffe de cellules souches hématopoïétiques (ACSH, HSCT en anglais) pour le traitement de la sclérose en plaques. Aux États-Unis, en Grande-Bretagne, en Italie ou encore en Scandinavie, ils multiplient les recherches, les publications et les prises de position dans le but d’améliorer la stratégie thérapeutique contre la sclérose en plaques, en particulier la SEP rémittente-récurrente (SEP-RR) agressive qui représente environ 10%[1] des SEP-RR et dont l’évolution est accélérée de 3 à 4 fois. Ce qu’ils veulent pour les patients concernés ? Qu’ils puissent bénéficier d’une ACSH en traitement de première intention.

Dans un article paru en mars 2023 dans la revue en ligne GEN (ici) Gavin Giovannoni, Professeur de neurologie à Barts and the London School of Medicine and Dentistry (Grande-Bretagne) expliquait :

« Actuellement, les patients atteints de sclérose en plaques doivent accumuler un certain nombre de handicaps avant de pouvoir bénéficier des traitements les plus efficaces, ce qui n'est pas normal » (…) « Nous devrions traiter la sclérose en plaques comme un AVC pour lequel le facteur temps est capital. »

Et d’ajouter :

« Une méta-analyse des données de 281 patients ayant reçu un traitement par ACSH (publiée par une équipe dirigée par Paolo A. Muraro, PhD de l'Imperial College London) montre que plus le patient est jeune et moins il a eu recours à d'autres traitements de fond, meilleurs sont ses résultats.»

Pour terminer ainsi :

« Proposer d'abord les traitements les plus efficaces a permis d'améliorer considérablement le traitement d'autres maladies auto-immunes telle que la polyarthrite rhumatoïde, et cela a également permis d'améliorer les résultats dans le cas de certains cancers. Malgré ces améliorations, l'idée d'inverser l'approche thérapeutique n'est pas acceptée dans le cas de la SEP. »

Dans le même article, avec d’autres spécialistes, Joachim Burman, PhD, Maître de conférence en neurologie dans le Département des Sciences Médicales - Neurologie expérimentale de l'Université d'Uppsala (Suède) indique en correction des informations erronées qui circulent sur le risque létal de l’ACSH :

« Le taux de mortalité lié à l'ACSH est faible, de l'ordre de 0,19 %. C'est moins que le taux de mortalité d'une prothèse de hanche qui est actuellement de 0,3 %. »

Il existe donc des équipes de médecins-chercheurs qui s’efforcent de faire évoluer les connaissances, les représentations et les pratiques de la majorité des professionnels spécialistes de la SEP qu’ils qualifient de «sceptiques». Ils fondent leur position sur 30 ans d’accumulation de preuves scientifiques sur la sécurité et l’efficacité de l’ACSH et sur des travaux tels que ceux qui vont être présentés dans ce billet. En provenance des États-Unis et de Suède, ces travaux tout à fait novateurs ne pouvaient être menés qu’à la suite de ceux de précurseurs dans l’usage de l’ACSH pour le traitement de la SEP.

En effet, les deux publications mises à l’honneur en cette Journée Mondiale de la sclérose en plaques ont en commun d’exposer ce que sont devenus les ex-patients que l’autogreffe de moelle osseuse a libéré et continue de libérer de la SEP, très souvent de ses séquelles et de ses traitements de fond (TdF) parfois depuis deux décennies. Ce faisant, elles ouvrent un champ de discussions entre scientifiques, entre patients-SEP, entre scientifiques et patients-SEP, sur la définition de la guérison d’une maladie neurodégénérative réputée incurable et hautement susceptible de laisser des séquelles irréversibles.

Voici d’abord une brève introduction de ces publications sous forme de courts extraits qui en donnent le ton :

  • « Expériences de traitement par autogreffe de cellules souches hématopoïétiques dans la sclérose en plaques agressive : une étude qualitative par entretiens. » (2024) Publication de l’équipe de neurologues de l’Université d’Uppsala (Suède), qui s’achève ainsi :

« L'ACSH a été perçue comme une seconde chance et l'opportunité d'une nouvelle vie. Le traitement est devenu une transition de l'état de maladie à l'état de santé, permettant à une profonde incertitude antérieure de s'estomper et à la normalité d'être rétablie. Dans une perspective plus large, les résultats donnent un premier aperçu de l'expérience de ne plus avoir la SEP après un traitement d'induction très efficace, ouvrant ainsi la voie à un changement de paradigme dans la vision de la SEP comme une maladie chronique sans guérison possible. »

  • « Everyday Miracles – curing multiple sclerosis, scleroderma and autoimmune diseases by Hematopoitic Stem Cell Transplant. » (2023)  Livre du Pr Richard K Burt :

« Comme démontré dans les histoires des patients, plusieurs d’entre eux sont maintenant de 10 à 21 ans post-ACSH, avec des récupérations remarquables de leurs fonctions neurologiques, pas de nécessité d’autre traitement et aucun signe de l’activité de la maladie. Je me retiens encore d’utiliser le terme « guérison » et selon les régimes de conditionnement [le cocktail d’immunosuppresseurs, incluant de la chimiothérapie] environ 23% des patients rechutent, mais peut-être avons-nous finalement trouvé la bonne porte d’entrée pour les patients avec une SEP-RR agressive. Ce fut notamment entrepris dans une démarche académique altruiste sans recherche de récompense financière ou de brevet. »

En voici à présent une présentation plus approfondie. Tous les extraits – parfois longs - de ces publications originairement en langue anglaise, sont traduits en français par nos soins et signalés par des guillemets. Les citations d'ex-patients sont en plus en italique.

« Expériences de traitement par autogreffe de cellules souches hématopoïétiques dans la sclérose en plaques agressive : une étude qualitative par entretiens » [2] (2024) - Andrea Tolf, Helena Gauffin, Joachim Burman, Anne-Marie Landtblom, Gulvii Flensner

Cette publication est capitale par les connaissances inédites qu’elle apporte. En s’intéressant au vécu de personnes près de 20 ans après leur autogreffe de moelle osseuse pour des SEP-RR agressives, elle permet au lecteur d’appréhender d’une part l’impact dramatique de l’irruption de cette malade dans la vie de jeunes adultes et d’enfants, d’autre part de découvrir comment, grâce à l’ACSH, ces mêmes individus ont pu se voir restituer - de leurs propres mots - un état de pleine santé et un véritable avenir.  Voici ce qu’en disent ses auteurs en introduction :

« De nombreux aspects de la vie avec la sclérose en plaques ont été traités de manière méritoire dans la littérature qualitative, y compris divers aspects de l'incertitude, de la menace de changement d'identité et de l'adaptation à la vie avec la SEP. Malgré les recherches médicales approfondies menées pour évaluer l'activité de la maladie après l'ACSH, l'expérience vécue par les patients eux-mêmes en relation avec l'ACSH n'a cependant, à notre connaissance, jamais été décrite auparavant. Dans l'optique d'une prise de décision éclairée et partagée, la connaissance de l'expérience vécue par d'autres patients pourrait fournir des informations précieuses aux neurologues et aux personnes atteintes de SEP, pour lesquelles l'ACSH pourrait être une option lorsqu'ils décident d'une stratégie de traitement individualisée. L'objectif de cette étude était donc d'explorer l'expérience vécue à long terme des participants qui reçoivent une ACSH en tant que traitement de la SEP. »

Dans les années 2000, alors qu’ils se trouvaient dépourvus d’option thérapeutique pour soigner leurs patients atteints de SEP-RR agressives, des médecins-chercheurs suédois leur ont proposé une autogreffe de moelle osseuse. Cette procédure était déjà réalisée en oncohématologie depuis plusieurs décennies, mais elle n’avait alors jamais été utilisée en neurologie ; ils ne disposaient sans doute que de rares données scientifiques parmi lesquelles celles relatives au premier essai  clinique conduit dans ce domaine, en Grèce, en 1995. Et il est certain qu’ils ont été motivés par une grande compassion.

Pour les malades qui souffraient d’une forme de SEP dévorant avec une brutalité et à une vitesse inouïes leurs fonctions neurologiques, l’ACSH, aussi effrayante fut-elle, fut préférée à la sclérose en plaques. Ils étaient âgés de 9 à 31 ans au moment de leur diagnostic, avaient des taux annualisés de poussées allant de 3 à 12 et ils ont été traités entre 2004 et 2006.

Près de 20 ans plus tard, 10 patients-pionniers ont accepté d’être interviewés par les scientifiques qui ont conçu et conduit l’étude qualitative. De l’analyse de ces entretiens, ceux-ci ont dégagé 5 thèmes :

  1. Le diagnostic de SEP - une existence imprévisible
  2. Un nouveau traitement - la possibilité d'une nouvelle vie
  3. L’ACSH – une transition
  4. La reconquête de la vie
  5. Un avenir lumineux accompagné d'insécurité

Ces thèmes sont abordés ci-après.

1/ Le diagnostic de sclérose en plaques - une existence imprévisible

« La SEP-RR peut provoquer une grande variété de symptômes neurologiques et les premières manifestations de la maladie peuvent aisément être négligées ou mal comprises, comme l'ont rapporté les participants de l’étude. Un sentiment étrange d'anormalité corporelle a été ressenti (…).  Des difficultés inexplicables ont également été rencontrées lors d'activités ordinaires (…) le corps ne réagissant pas comme prévu. Survenant avant le diagnostic proprement dit, ces expériences pourraient être décrites comme une "incertitude corporelle" et un sentiment d'être un "corps différent" (…), représentant les premières expériences d'aliénation dues à la sclérose en plaques. (…) »

« Tous les participants ont développé une maladie extraordinairement agressive, avec une fréquence élevée de poussées souvent gravement invalidantes. Malgré le traitement de fond disponible à l'époque, de nouvelles poussées sont apparues et la détérioration neurologique s'est poursuivie. Certains ont connu des rémissions des symptômes entre les poussées, d'autres non. (…) »

« La vie a fondamentalement changé, dans toutes ses dimensions, à cause de la maladie. Des déficiences physiques et cognitives soudaines ont réduit la capacité des participants à accomplir de manière spontanée des tâches quotidiennes simples et, plus encore, leur capacité à exercer une activité professionnelle. La mobilité réduite a entravé et limité la liberté de mouvement et d'action. » (…)

« Pendant un certain temps, on peut se dire que les personnes confinées dans un fauteuil roulant, par exemple, peuvent probablement s'en sortir. Mais une fois qu'on y est, une nouvelle chose survient. "Eh bien, une partie de ma vue a disparu". Et "maintenant mon ouïe est affaiblie", "maintenant personne ne peut entendre ce que je dis". Vous savez, il y avait tellement de choses que je n'ai jamais eu le temps de vraiment comprendre ce qu’il se passait, ni d'accepter que mon état s'aggrave. En fin de compte, j'ai senti que la seule chose qui fonctionnait était mon cerveau et mes mains, en quelque sorte. - Jennifer »

« Mon Dieu, ce que ma famille a dû endurer ! A un moment, j'avais presque décidé : "Je pense que je vais mourir maintenant. Je n'en pouvais plus." Alors je les ai appelés [sa famille] la nuit, en disant : "Je vais mourir ce soir." Je pensais que si je décidais d'arrêter de respirer, je mourrais. Mais au bout de cinq minutes, quelqu'un était là, assis à mes côtés. Mais pour moi, c'était juste : "Non, c'est la meilleure chose qui puisse arriver [que je meure].”(Interviewer: ‘Pourquoi vouliez-vous cela ?’) ‘Parce que j’étais un fardeau pour tout le monde. – Lisa »

2/ Un nouveau traitement - la possibilité d'une nouvelle vie

« Lorsque l'ACSH a été proposée aux participants de cette étude, elle a été considérée comme l’ultime option à un moment où les autres options de traitement disponibles avaient été épuisées. Le choix était alors entre subir une procédure expérimentale (pour la SEP) et potentiellement dangereuse pour une maladie chronique, ou continuer le traitement de fond en cours avec un risque imminent d'aggravation de la détérioration neurologique et même de décès. (…). Les participants de cette étude, ou les parents des trois participants qui étaient enfants à l'époque, ont estimé que le risque valait la peine d'être pris. » (…)

« De nombreuses personnes atteintes de SEP semblent être prêtes à prendre un risque étonnamment élevé lorsqu'elles suivent un traitement contre la SEP. Dans une étude par questionnaire menée par Chacińska et al.[3] auprès d'une cohorte polonaise de personnes atteintes de SEP, 81% d'entre elles accepteraient une mortalité liée au traitement >1% s’il s’agissait d’un traitement potentiellement curatif ; les personnes dont l'évolution de la maladie est agressive toléreraient un risque encore plus élevé. » (…)

« En fait, le médecin m'a dit : "Vous risquez d'en mourir." J'allais donc mourir à nouveau ! [D'abord de la sclérose en plaques, puis du traitement] "Qu'est-ce que c'est que ce bordel !" Alors j’y suis allée... ou ils m'ont emmenée dans ma chambre [d'hôpital], et je suis restée là à pleurer. Une infirmière est venue et [m'a demandé] : "Mais pourquoi pleurez-vous ?" J'ai répondu : "Maintenant, je vais mourir de nouveau." Et elle m'a dit : "C'est ce que le médecin vous a dit ?" J’ai dit : "Non... mais en fait... ..." [L'infirmière] : "Mais qu'a-t-il vraiment dit ?" Et j'ai dit : "Non, mais [l’ACSH] c’est dangereux !". Et elle a dit : "Mmm ... mais comment est votre vie actuellement ?" Et moi : "Pas très bien" [...] Alors j'ai [pensé] : "Bon, cette vie n'est guère une option." Alors j’ai sonné. "Oui, appelez [le médecin] et dites-lui que je veux le faire. - Mélissa »

« Donc, je n'ai pas eu peur quand il a commencé à parler des dangers, mais je n'ai pas eu peur : ... "Je vais le faire, puisque je n'ai rien à perdre. Puisque c'était de pire en pire". – Lisa »

3/ L’ACSH – une transition

« Bien que l'ACSH ne soit pas un traitement standard pour la sclérose en plaques, il s'agit d'une procédure courante pour de nombreuses autres maladies. En acceptant ce traitement, le participant a temporairement remis la responsabilité de sa vie aux soignants : un acte basé sur la confiance. La confiance du patient dans le système de santé en général, sa conviction qu'il recevrait les meilleurs soins possibles et sa confiance personnelle dans le médecin étaient profondes. »

« Lorsque je suis arrivée à l'hôpital, [le personnel m'a dit] : "Pour nous, ce n'est qu'un lundi comme les autres. Pour nous, cela ne sort pas de l'ordinaire". C'était rassurant. Cela m'a permis de me calmer" (Intervieweur : "Vous vous êtes donc sentie en sécurité. ... pendant le traitement ?") "Oui, exactement, absolument. Oui, tout à fait. Et aussi avec [mon médecin], qui est aussi un merveilleux médecin. J'ai appris à lui faire confiance. Et cela m'a permis de me sentir en sécurité, pour moi. – Amy »

« La première partie du traitement a été principalement décrite en termes positifs ; le partage d'expériences avec d'autres patients a été particulièrement précieux. Les effets indésirables aigus et transitoires de l'ACSH ont été plus évidents dans la dernière partie de la procédure, comme prévu, et comprenaient des douleurs abdominales, des difficultés à manger, des nausées, des vomissements, des douleurs, des attaques de panique, des septicémies et de la fatigue. »

« Le traitement épuisant les forces des patients, la vie a dû être temporairement mise entre parenthèses. (...) Cette pause extraordinaire dans une vie est devenue le symbole d'une transformation, d'un tournant, annonçant un nouveau chapitre de vie, plus lumineux. »

 « C'était comme si on s'était endormi malade, que tout était en suspens et qu'on se réveillait - je ne dirais pas bien, parce que je ne le savais pas à l'époque - mais je savais qu'il y avait une grande chance pour que tout se passe très bien. - Daniel »

4/ La reconquête de la vie

 « La période suivant l'ACSH a été décrite comme un "retour" d'un état de maladie et d'aliénation caractérisé par le handicap et l'incertitude, à un état de santé, de stabilité et de guérison.» (…) « Pour beaucoup, les fonctions précédemment perdues sont revenues, à un degré variable et à une vitesse variable. (…). En particulier pour les personnes dont la mobilité était très limitée au moment du traitement, chaque petite amélioration a fait une différence significative.

 « J'ai donc eu "le progrès du jour", en gros. Chaque jour, il y avait des progrès [...] Des choses simples se sont produites, comme pouvoir changer de position dans le lit et, finalement, recommencer à marcher. – Brandon »

Les aides techniques, comme les béquilles et les fauteuils roulants, qui étaient auparavant nécessaires pour la déambulation, ont pu être progressivement abandonnées.

 « J'étais en fauteuil roulant au début [après le traitement]. Alors, c'était comme. ... de pouvoir m'en lever, de ne plus en avoir besoin. - Melissa »

  « L'amélioration a parfois été décrite de manière sommaire, en évoquant comment des déficiences neurologiques résultant de la sclérose en plaques ont très rapidement régressé. Un sentiment intuitif de guérison est apparu. »

 « Et puis je suis devenue vraiment en bonne santé. Ou... ça a disparu. Quel grand soulagement ! Je n'avais plus de vertiges, ils avaient disparu ! ça a vraiment été génial ! - Tiffany »

« Même les symptômes qui existaient depuis longtemps avant le traitement pouvaient régresser, ce que personne n'avait osé espérer. »

 « En ce sens, il [le traitement] a dépassé [les attentes], puisque j'avais en fait les symptômes depuis très longtemps et qu'ils ont régressé. – Daniel »

 « Au fur et à mesure que les fonctions neurologiques s'amélioraient, les personnes concernées ont pu retrouver des compétences et des aptitudes perdues auparavant et qui leur manquaient cruellement. Alors qu'elles étaient limitées à se déplacer avec l'aide d'un fauteuil roulant, d'un cadre de marche ou d'une attelle, leur capacité à marcher seules, voire à courir, a constitué non seulement une étape importante de la réadaptation, mais aussi une récupération émotionnelle forte d’indépendance et d’autonomie. » (…)

 « J'aimais le sport et cela m'avait manqué. La première chose que j'ai faite a donc été de recommencer à faire du sport, et je me souviens [rires] de la première fois que j'ai couru sur la piste de jogging. ... [commence à pleurer]. Regardez, je pleure parce que c'est un beau souvenir ! Bon, mais j'ai couru ! Alors j'ai mis de la musique [dans les écouteurs] et j'ai écouté "Born to Run" de Bruce Springsteen. Et c'était magnifique, en quelque sorte. ... [rire] (...). C'était comme au cinéma, en quelque sorte. Comme : "Me voici !" C'était comme un retour.' -Sarah »

 «  Au fur et à mesure que les domaines de la vie précédemment perdus pouvaient être récupérés et reconquis, tels que la vie professionnelle et la scolarité, un sentiment de normalité réapparaissait progressivement. Non seulement les fonctions corporelles ont été rétablies à des degrés divers, mais l'identité même des participants a été restaurée. La participante Jennifer a résumé ce phénomène de manière frappante : "Je suis redevenue Jennifer". » (…)

« Le virage vers un nouveau paysage mental après la fin du traitement n'était pas exigeant seulement pour les participants, il l’était pour leurs proches. Au fur et à mesure que les fonctions neurologiques des participants s'amélioraient et que les conditions changeaient, il pouvait s'avérer difficile pour les proches d’accompagner le rétablissement d'une part, et de laisser de la place à l'autonomie accrue des participants d'autre part. Les relations ont été mises à l'épreuve.

« J'avais un petit ami à l'époque, pendant mon [traitement]. Lorsque j'ai commencé à me rétablir, pour lui j'étais toujours malade. Et je n'arrivais pas à le supporter, parce qu'il me disait en quelque sorte : "Maintenant, tu as besoin de te reposer, maintenant tu as besoin de te reposer, maintenant tu dois te reposer, maintenant tu dois…" et ainsi de suite. Et j'ai dit : "Non ! Maintenant je me lève !" - Lisa »

« Il est aussi possible d'être déçu par le résultat du traitement en termes de niveau et d'étendue de la régression des symptômes, en particulier par rapport à d'autres patients dont la récupération a été plus rapide ou plus complète. Des critiques ont pu être formulées concernant le moment choisi pour le traitement ; une réalisation plus précoce de l’ACSH aurait-elle pu permettre une issue plus favorable ? Même si le résultat du traitement n'a pas toujours conduit à l'amélioration attendue, aucun des participants n'a regretté d'avoir reçu une ACSH. »

« Mais cela ne s'est pas produit. Je ne me suis pas rétabli aussi rapidement que la plupart des autres. Je suis probablement celui qui a [le plus de symptômes résiduels après le traitement] car je me déplace encore en fauteuil roulant. Mais j'ai fait la greffe de cellules souches un peu tard. Il ne faut pas attendre trop longtemps sinon les cicatrices deviennent permanentes. - Christopher »

5/ Un avenir lumineux accompagné d'insécurité

« Bien qu'une amélioration considérable, voire une régression totale, des symptômes neurologiques puisse se produire après le traitement par ACSH, d'autres symptômes peuvent subsister à divers degrés, notamment des difficultés de concentration et de mémoire, un dysfonctionnement de la vessie, de la fatigue, des nausées et des troubles de la marche. (…) »

« J'ai l'impression de m'être rétabli et d'être en pleine santé, mais dans un sens, je suis handicapé, par exemple pour marcher. Cela peut être difficile si vous devez faire vos courses en une demi-heure, ou quelque chose comme ça. (Interviewer : "Quand vous dites en pleine santé... Pouvez-vous m'en dire plus ?") Oui, je me sens incroyablement fort et en bonne santé à d'autres égards. Je peux penser clairement. J'ai donc l'impression d'être en bonne santé, ce qui rend un peu frustrant le fait que mes jambes ne... [que je ne puisse pas marcher.]- Christopher »

« Lorsque les symptômes résiduels ne se sont pas aggravés et qu'aucun nouveau symptôme n'est apparu, il est devenu plus facile pour les participants d'accepter et de trouver des stratégies pour surmonter les fonctions altérées. Cette stabilité a été très appréciée et a constitué un contraste avec l'évolution imprévisible de la maladie qui l'a précédée. Malgré les déficiences qui subsistent - dont certaines sont relativement invalidantes, comme les troubles de la marche - les participants ont tout de même l'impression d'être guéris, d'être en pleine santé. La maladie n'est plus une menace. »

« L'arrêt soudain de la progression agressive de la maladie après le traitement par ACSH a suscité le sentiment d'avoir échappé à une profonde souffrance qui aurait été autrement inévitable, peut-être même d'avoir échappé à la mort. Lorsqu'ils ont envisagé les conséquences d'une absence de traitement par ACSH s'ils avaient vécu dans une région où cette option thérapeutique n'était pas connue, par exemple, les participants ont ressenti à la fois de la peur et de la gratitude. Il était important de pouvoir partager leur expérience. » (…)

« Immédiatement après le traitement, l'idée d'une réapparition de l'activité de la maladie était une source d'inquiétude considérable. Le sentiment d'une existence incertaine et imprévisible persistait. Les visites de suivi clinique et l'imagerie par résonance magnétique étaient des événements où cette incertitude pouvait devenir plus concrète, tout en procurant un sentiment de sécurité. La crainte de nouvelles poussées pouvait se traduire par une vigilance accrue, conduisant à une mauvaise ou à un surinterprétation de symptômes corporels non significatifs. » (…)

« Au fil du temps, la crainte d'une réapparition de la maladie a diminué, et le temps lui-même a été considéré comme un facteur déterminant pour l'atténuation des inquiétudes.»

« Je suis donc totalement convaincue qu'il n'y aura pas de changement. Et une fois que tout ce temps aura passé. Comme je l’ai dit, cela fait dix ans. Et pendant cette période de dix ans, il ne s'est rien passé. - Amy »

« Pour trois des dix participants, la crainte d'une reprise de l'activité de la maladie s'est concrétisée : deux ont connu des poussées et un autre a présenté une nouvelle lésion à l'IRM, sans symptôme. Le traitement immunomodulateur a été repris. Ne s'attendant pas à être protégés contre la maladie, les participants s'étaient préparés mentalement à cette situation, ce qui leur a permis d'y faire face plus facilement. Le fait que les poussées aient été légères et passagères, et que la reprise du traitement immunomodulateur ait suffi à stabiliser leur maladie à ce stade, a atténué le revers. »

« (Interviewer : "Comment vous êtes-vous senti lorsque cet examen a montré qu'il s'agissait d'une poussée, la première après le traitement ?") "[Pause] C’est vraiment plus difficile de répondre que vous ne le pensez, car… je n'avais pas vraiment cette attente [d'être guéri par l’ACSH], mais je l’espérais. Et bien sûr, j'ai ressenti quelque chose, mais je n'ai pas réussi à mettre le doigt dessus. Bien sûr, ça a été un peu une douche froide. "Bon, même l'IRM a montré un changement, une nouvelle [lésion]" ; ce n'était pas seulement une sensation qui ne pouvait pas être confirmée" - Daniel »

« L'attitude des participants à l'égard du diagnostic de SEP après le traitement différait. Certains participants, sans activité de la maladie après l'ACSH, ont clairement exprimé qu'ils n'avaient plus la maladie, ou qu'ils se considéraient en pleine santé. »

« (Intervieweur : "J'ai remarqué que vous disiez constamment "quand je suis redevenue en bonne santé") "Mmm". (Interviewer : "Voulez-vous développer un peu ?") Sarah : "Je suis redevenue en bonne santé ! Oui !" (Interviewer : Si quelqu'un vous demandait si vous avez la sclérose en plaques, vous diriez... ?") "Non, je me considère complètement guérie. Et c'est arrivé, boum, du jour au lendemain, de malade à en bonne santé - Sarah »

« D'autres se sont exprimés avec davantage de prudence en disant qu'ils avaient une "SEP dormante" ou qu'ils "n'avaient plus de maladie active". Même si la maladie n'est plus une menace, elle reste présente. Les handicaps qui subsistent peuvent être le signe de la maladie, tout comme les visites de contrôle et l'IRM. Tous avaient une approche consciente du diagnostic de sclérose en plaques et continuaient à réfléchir à leur attitude vis-à-vis du diagnostic, souvent par des monologues intérieurs et avec de l'ambivalence. »

« J'avais l'habitude de dire que j'avais une sclérose en plaques dormante. Mais personne n'y croit. "Vous y croyez !?" "Oui. Et c'est ce que je veux, qu'on ne puisse pas le savoir. Je l'appelle Märta-Stina [nom suédois démodé], parce qu'elle a l'air d'un masque plutôt inoffensif. Oui, c'est ma compagne, puisque je ne peux pas nier qu'elle a existé, bien sûr. – Lisa »

« Même les participants qui se considéraient comme guéris ne se disaient pas "guéris" de la sclérose en plaques. Il y avait une demande pour une telle classification, mais l'initiative était laissée aux professionnels de santé. »

« Si [mon médecin] par exemple, disait... en gardant à l'esprit qu'il y a beaucoup d'espoir, mais quand même, s'il disait : "Mais maintenant [tape sa main sur la table]... je considère que vous êtes guérie !" Alors je le croirais probablement" - Jennifer »

Voici achevée la présentation des principaux résultats de l’étude qualitative. Sont maintenant mis à la disposition du lecteur quelques éléments de la discussion qui clôture la publication. Les éléments sélectionnés portent sur la notion de guérison.

« Le mot suédois "frisk", fréquemment utilisé par les participants, n'est pas facile à traduire en anglais [l’étude a d’abord été rédigée en suédois, puis traduite en anglais]. Il s'agit d'un antonyme de "sjuk", qui signifie "malade" en anglais, mais qui correspond également au processus de la guérison, à la fois "se remettre d'une maladie" et "être guéri d'une maladie", ou, en d'autres termes, le passage de l'état de maladie à l'état de santé.

La bataille pour un "remède" à la SEP a été peu discutée dans la littérature scientifique, voire évitée, à quelques exceptions près. Par exemple, en 2009, Weiner a proposé trois définitions différentes de la guérison de la SEP : arrêter la progression de la maladie, inverser les déficits neurologiques et prévenir la SEP. En 2013, à la lumière des résultats obtenus après l'introduction de l'alemtuzumab pour le traitement de la SEP, l'Editorial of Multiple Sclerosis and Related Disorders a proposé une nouvelle définition de la guérison : NEDA-3 ("aucun signe d'activité de la maladie"), défini comme l'absence de nouvelles poussées, absence de nouvelles lésions à l'IRM et absence d'aggravation du handicap  pendant 15 ans et sans traitement de fond, ce qui correspond à la première définition de la guérison proposée par Weiner.

Les résultats de la présente étude permettent d’ajouter deux aspects à cette discussion. Tout d'abord, ils confortent la compréhension de la guérison (décrite en termes de "être en bonne santé", "être en pleine santé", "ne plus avoir de SEP", etc.) comme l’absence de nouveaux symptômes, l’absence de détérioration neurologique et, en fin de compte, la dissipation de l’incertitude. Deuxièmement, les personnes atteintes de SEP attendent des professionnels de santé qu'ils établissent des critères pour définir la "guérison", ou une terminologie compréhensible similaire pour décrire l'état d'absence durable d'activité de la maladie, dans lequel il n’est plus question de reprise de l'activité de la SEP. »

«Everyday Miracles  - curing multiple sclerosis, scleroderma and autoimmune diseases by Hematopoietic Stem Celle Transplant » [5] - Pr Richard K. Burt. 2023

Le Pr Richard K. Burt est un éminent hématologue américain qui a dédié sa vie au soin des personnes souffrant de graves maladies auto-immunes (MAI) grâce à des protocoles spécifiques d’autogreffe de moelle osseuse. Pas seulement les malades de la sclérose en plaques : ceux atteints de neuromyélite optique (NMO), de polyneuropathie inflammatoire démyélinisante chronique (PIDC), de sclérodermie systémique (SS) et de maladie de Crohn également.

Selon le Pr Burt, l’autogreffe de moelle osseuse permet, en une seule fois, de transformer les MAI chroniques – donc incurables - en maladies réversibles ; ce faisant elle libère les malades du processus pathologique, de leurs symptômes – à des degrés divers – et de la prise de traitements à vie. S’il affirme hésiter à manier la notion jusqu’ici tabou de « guérison », elle figure pourtant dans le titre de son ouvrage, largement salué par sa communauté scientifique.

1. Un parcours académique hors normes

Son livre s’adresse d’abord aux personnes souffrant de maladies auto-immunes, à leurs familles et amis et plus largement au grand public. Il y relate comment, dès ses premières années d’étudiant en médecine - à la fois à l’Université John Hopkins (Baltimore) et au Centre de cancérologie Fred Hutchinson (Seattle) - il s’est passionné pour l’ACSH et l’idée lui est venue de l’appliquer aux MAI. Il s’est d’abord vu opposer le scepticisme de chercheurs aguerris de sa discipline car les MAI ne figuraient pas parmi les objets de l’hématologie que sont le sang et l’oncologie : la SEP, la NMO et la PIDC relevaient de la neurologie, la SS de la rhumatologie et la maladie de Crohn de la gastroentérologie.

Malgré de nombreux obstacles et après avoir gagné des soutiens dans sa discipline, il a multiplié la mise au point de protocoles de soins, procédé à leur raffinage pour un meilleur rapport efficacité / toxicité et conduit, avec et pour des patients volontaires, quantités d’essais cliniques pour chaque MAI en marge, précise-t-il, de ceux traditionnellement mis en œuvre par les laboratoires pharmaceutiques. Par la suite, il s’est de nouveau heurté aux frontières entre disciplines, cette fois-ci en sens inverse : même adaptée à chaque maladie auto-immune, l’ACSH en tant que procédure hématologique n’était pas bien reçue au sein de la neurologie, de la rhumatologie et de la gastroentérologie. (voir à ce sujet le billet : Une procédure hématologique sur le pas de porte de la neurologie).

2. Un bâtisseur de preuves scientifiques

Il faut aussi rappeler que le Pr Burt est à l’origine du premier essai clinique randomisé destiné à comparer les profils d’efficacité et de sécurité de l’ACSH vs Tdf existants. C’est ainsi que l’essai clinique MIST[5] (2006-2019), mis en œuvre à l’Hôpital Northwestern (Chicago), a conclu que l’ACSH est un traitement sûr (aucun décès) et à l’efficacité supérieure à celles des TdF d’efficacité faible, modérée à haute [interferons (Avonex, Betaferon), acétate de glatiramère (Copaxone), teriflunomide (Aubagio), dimethyl fumarate (Tecfidera), fingolimod (Gilenya), natalizumab (Tysabri) et Rituximab]. En effet, à l’issue des 5 ans de suivi, sur les 110 patients atteints de SEP rémittente-récurrente (SEP-RR) enrôlés, la maladie avait progressé chez 3 des 55 patients ayant reçu une ACSH, contre 35 des 55 patients ayant reçu des traitements standards. La preuve irréfutable a donc été rapportée et en 2019 le Pr Burt a été récompensé pour sa percée thérapeutique majeure dans le traitement de la SEP-RR par la communauté scientifique des hématologues lors du Congrès annuel de l’European society for Blood and Bone Marrow Transplantation (EBMT).

De nouveaux traitements de fond classés « hautement efficaces » ayant été développés et mis sur le marché pendant la durée de MIST, il est devenu nécessaire de mettre en place de nouveaux essais cliniques randomisés pour y comparer l’ACSH [Alemtuzumab (Lemtrada), Ocrelizumab (Ocrevus), Ofatunumab (Kesimpta) et Cladribine (Mavenclad)]. Quatre essais ont donc démarré en Allemagne, aux États-Unis, en Grande-Bretagne et en Scandinavie. Il faudra plusieurs années pour en obtenir les résultats, prévisibles (voir à ce sujet les billets Dissensions autour de la balance bénéfices – risques et Des études contre l’intérêt des patients).

3. Portraits d’ex-patients… guéris ?

Dans le livre « Everyday Miracles : curing multiple sclerosis, etc. », le Pr Burt rapporte aussi les parcours d’anciens patients qu’il a été amené à traiter avec des protocoles encore expérimentaux. Ces personnes, en essayant de s’extraire de l’enfer de leur maladie, ont aussi contribué à l’élaboration de la connaissance médicale dans le domaine.

Voici les histoires de 5 de ses patients atteints de SEP-RR agressive :

  • James a débuté dans le monde de la restauration à l’âge de 15 ans et s’est élevé au rang de second de cuisine. Il était marié depuis 9 ans et père de deux enfants en bas âge. Du fait de sa sclérose en plaques, son organisme s’est mis à ne plus supporter la chaleur des fours. Licencié de ce fait, sans revenu et contraint d’acheter des traitements inefficaces sur sa pathologie, son couple a explosé. Avant que James soit traité par le Dr Burt, il avait supporté 1 poussée par mois, perdu sa mémoire à court terme et le contrôle de ses jambes. Après l’autogreffe, sa vie a été transformée : sa SEP a été stoppée, ses symptômes ont disparu. Un mois après, il se sentait normal, était de retour à la salle de sport ; quelques mois plus tard, il reprenait le travail. Puis il s’est remarié. 21 ans post-ACSH, James est grand-père et n’a plus eu aucun signe de la maladie ni aucun traitement.
  • Barry avait la SEP depuis 8 ans. Il souffrait de diplopie (vision double) aux deux yeux, ce qui signifie qu’il ne pouvait pas voir avec les deux yeux ouverts qui floutaient sa vision. Pour conduire, lire et travailler, il était obligé de couvrir l’un de ses yeux avec un patch. Il pouvait marcher mais ses jambes étaient engourdies. Il souffrait de fatigue intense qui rendait l’exercice de son métier très difficile. 20 ans après l’ACSH, Barry n’avait plus aucun symptôme et n’avait jamais eu besoin de traitement contre la SEP. Il avait pu poursuivre son activité professionnelle, reprendre son activité bénévole de coach de hockey et pratiquait régulièrement des sports nautiques avec son épouse.
  • La SEP de Andy s’est déclarée à l’âge de 29 ans ; il était alors programmeur informatique, venait d’être promu dans son entreprise et s’était fiancé. En l’espace de 18 mois, Andy est devenu lourdement handicapé par des vertiges qui le mettaient au risque de chutes, le poussant à limiter ses déambulations. Ses difficultés de concentration et de mémorisation lui rendant difficiles les discussions du quotidien, il s’est peu à peu isolé. Il a perdu son travail, sa fiancée et il est tombé dans la dépression. La prise d’antidépresseurs a ajouté à ses sentiments d’isolement et d’aliénation. 15 ans après son ACSH, les fonctions cognitives d’Andy se sont améliorées, il n’a plus eu de signe de la maladie, n’a pas repris de Tdf ni d’antidépresseur. Il est marié et père de 3 enfants.
  • Roxane avait 14 ans quand elle a été diagnostiquée au printemps 2007. Auparavant, elle étudiait, jouait du piano, pratiquait le basket et le tennis et nageait régulièrement et intensivement. Sa SEP a provoqué d’insupportables migraines, des troubles de l’équilibre et de la marche, l’éloignant de ses activités sportives ; l’atteinte de ses mains a déformé son écriture et ses tremblements l’empêchaient de porter une fourchette ou un verre à la bouche. Constatant la sévérité de ses symptômes, un médecin alerta ses parents : d’ici 2 ou 3 ans, Roxane serait condamnée à vivre alitée. 10 ans après son ACSH sa vie a retrouvé son cours normal ; ses symptômes ont pratiquement tous disparu, à l’exception de la motricité fine de ses mains. Elle n’a plus eu de signe de la maladie ni de traitement.
  • 10 ans après son diagnostic, Shree avait reçu 4 traitements différents – Rebif, Tecfidera, Gilenya et Tysabri. Lorsqu’il prescrivait ces traitements, le but de son neurologue était d’éviter de nouvelles lésions visibles à l’IRM, ce qui n’était pas la priorité de Shree. Ce qu’elle voulait, elle, c’était être soulagée de sa fatigue chronique, de la cane dont elle avait besoin pour marcher et de la sensation de vivre avec une épée de Damoclès au-dessus de sa tête. 13 ans après son diagnostic, Shree a pris les choses en main et s’est tournée vers l’ACSH. 6 mois après le traitement, elle marchait sans cane et s’entrainait pour un semi-marathon. 1 an après, elle travaillait à plein temps., et 4 ans plus tard elle n’avait toujours pas besoin de TdF

Toutes ces personnes ont vu leur vie bouleversée à deux reprises : pour le pire au moment du déclenchement de la maladie, pour le meilleur après l’ACSH. Celle-ci a représenté un tournant salvateur dans l’existence d’adolescents et de jeunes adultes que la sclérose en plaques aurait continué à écarter de toutes les sphères de la vie.

Le Dr Burt précise :

« Alors que les traitements pharmaceutiques sont approuvés parce qu’il ralentissent l’aggravation du handicap, le traitement unique par ACSH permet de le faire régresser. Après la transplantation, les patients se sont améliorés. La majorité n’a jamais eu de poussée, ni enregistré de progression de la maladie, ni eu de nouvelle activité à l’IRM et, comme je l’ai découvert en écrivant ce livre, certains d’entre eux ont mené une vie libérée de la maladie et de traitements depuis deux décennies. »

Remarques finales

Ce que nous apprennent les publications qui viennent d’être longuement présentées, c’est que la sclérose en plaques semble bel et bien avoir été stoppée chez un certain nombre de malades qui, en Suède et aux États-Unis, ont été soignés par ACSH. Il s’agit donc d’un remède sûr, aux effets suffisamment efficaces et durables pour que des ex-patients et des chercheurs s’aventurent à parler de « guérison ».

Tous les ex-patients dont il a été question dans ce billet ont connu, après l’autogreffe, un arrêt de l’activité de la maladie, un arrêt de la prise de traitement de fond et la majorité a bénéficié d’une régression  totale de ses handicaps.

Du point de vue du Pr Burt, une ACSH véritablement réussie permet de stopper la progression de la SEP et d’inverser les déficits neurologiques. C’est à ces conditions qu’il est possible de se prononcer sur une « guérison », c’est dans ce but qu’il sélectionne les meilleurs candidats au traitement, à savoir ceux qui souffrent d’une forme de la maladie très inflammatoire, dite « agressive ». Le critère de SEP hautement inflammatoire est retenu, aussi, dans les Recommandations et Guidelines américaines et européennes qui fixent les conditions d’accès à l’ACSH.

Dans l’étude suédoise, les scientifiques ont donné la parole à des ex-patients. De ces paroles imprégnées des vécus subjectifs de la pathologie émerge une vision différente de la « guérison » dans laquelle arrêt de la progression et recul des handicaps ne sont pas situés au même niveau. Ainsi, l’arrêt de l’aggravation rapide et imprévisible apparait déterminant pour la survie même des malades et pour dissiper les profonds sentiments de peur et d’incertitude ; l’inversion des déficits neurologiques est accueillie avec émerveillement, joie, si ce n’est euphorie, a fortiori quand elle est totale. Mais même lorsqu’il subsiste des séquelles, même invalidantes, elles ne font pas obstacle, avec le temps, à la disparition de la peur et de l’incertitude, ni à la sensation d’être passé d’un état de maladie à un état de pleine santé.

Cette vision est très proche de celle qui prédomine chez les patients traités aujourd’hui, souvent à leur propre initiative pour des formes très, peu ou pas inflammatoires : leur objectif est de « stopper le monstre », toute récupération étant « un bonus ».

Enfin les auteurs américain et suédois ont en commun de voir dans l’arrêt de la prise de traitements de fond un marqueur fort de la sortie de la chronicité de la maladie.

[1] Selon des sources différentes, les taux sont de 4% ou de 14%. Le taux « moyen » de 10% est souvent retenu par commodité.

[2] Tolf A, Gauffin H, Burman J, Landtblom AM, Flensner G. (2024) Experiences of being treated with autologous haematopoietic stem cell transplantation for aggressive multiple sclerosis: A qualitative interview study. PLOS ONE 19(2): e0297573. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0297573 February 7,2024 6/2

[3] Chacińska W, Brzostowska M,  Nojszewska M, Podlecka-Piętowska A, Jędrzejczak WW, Snarski E. “Cure” for multiple sclerosis (MS)—Evolving views of therapy goals in patients on different stages of the disease: A pilot study in a cohort of Polish MS patients. Brain Behav. 2017;7:e00701. https://doi.org/10.1002/brb3.701

[4] Burt RK. Everyday Miracles: Curing Multiple Sclerosis, Scleroderma, and Autoimmune Diseases by Hematopoietic Stem Cell Transplant. Forefront Books. 2022;SBN-13: 978-1637631256

[5] Burt RK, Balabanov R, Burman J, et al. Effect of Nonmyeloablative Hematopoietic Stem Cell Transplantation vs Continued Disease-Modifying Therapy on Disease Progression in Patients With Relapsing-Remitting Multiple Sclerosis: A Randomized Clinical Trial. JAMA. 2019;321(2):165–174. doi:10.1001/jama.2018.18743

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.