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Patrick Castex

Économiste, sociologue et HEC à la retraite (maître de conférence à l’Université Dauphine et membre du Cabinet Syndex, expert-comptable spécialisé dans le conseil aux Comités d'entreprise et aux syndicats de salariés), il s’occupe, depuis une dizaine d’années, de promouvoir l’Indépendance de la Kanaky Nouvelle-Calédonie. Il s’est mis en outre à écrire autre chose que de savants traités...

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Billet de blog 25 octobre 2024

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Économiste, sociologue et HEC à la retraite (maître de conférence à l’Université Dauphine et membre du Cabinet Syndex, expert-comptable spécialisé dans le conseil aux Comités d'entreprise et aux syndicats de salariés), il s’occupe, depuis une dizaine d’années, de promouvoir l’Indépendance de la Kanaky Nouvelle-Calédonie. Il s’est mis en outre à écrire autre chose que de savants traités...

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Buffet quitte le "Caillou" (après son coup d’épée dans l’eau) ; le Plan "S2R" reste…

Ce plan du gouvernement collégial local, donné comme fort sympathique quand il n’était pas connu dans ses détails (Ah ! les « réformes » !) est en fait un hymne à l’économie libérale et à tous ses mythes : trop de dépenses publiques, trop d’impôts, surtout trop de cotisations sociales honnies par le patronat ! Et bien d’autres positions critiquables dont le fameux « Pacte nickel » de Le Maire…

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Économiste, sociologue et HEC à la retraite (maître de conférence à l’Université Dauphine et membre du Cabinet Syndex, expert-comptable spécialisé dans le conseil aux Comités d'entreprise et aux syndicats de salariés), il s’occupe, depuis une dizaine d’années, de promouvoir l’Indépendance de la Kanaky Nouvelle-Calédonie. Il s’est mis en outre à écrire autre chose que de savants traités...

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ce malheureux plan – autant annoncer tout de go la couleur ! – du gouvernement collégial local, ce « Plan de sauvegarde, de refondation et de reconstruction » dit, pour faire à la page, PS2R – je ne supporte pas ces sigles fort à la mode qui fichent des "2" partout ! (j’ai décidemment la pleine forme, ce matin !) – était présenté par ses auteurs (et bien d’autres, dont la plupart des médias locaux) bien habillé de « réformes » anodines apparemment très sympathiques et salutaires pour le Caillou... quand il n’était pas connu dans ses détails, sauf par quelques initiés (dont les syndicats salariés et patronaux, entre autres)… Qui peut être opposé à des « réformes » ! On sait pourtant qu’il y a deux types de réformes : les progressistes et les réactionnaires. Ce plan est en fait un hymne à l’économie libérale, néolibérale ou même ultralibérale et à tous ses mythes : trop de dépenses publiques, trop d’impôts, surtout trop de cotisations sociales, honnies par le patronat ! Et bien d’autres positions critiquables dont le fameux « Pacte nickel » de Macron-Le Maire qui réapparaît discrètement…

Certains critiques (dont surtout le principal syndicat de fonctionnaires du Caillou, La Fédé  La Fédé qui se nommait jusqu’il y a quelques années La Fédé des fonctionnaires) ont cependant cherché quelques poux dans la tête à ce plan ; c’est peut-être La Canaille : eh bien j’en suis ! Tout le monde comprendra qu’il s’agit là d’une référence au chant révolutionnaire de la Commune de Paris ; pour se mettre dans l’ambiance de ce billet on peut l’écouter (si vous le voulez bien) interprété par Francesca Solleville sur :

https://www.youtube.com/watch?v=sxw5SYESCB0

L’insurrection de la jeunesse Kanak commencée à Nouméa, le 13 mai 2024, ne fut pas la Commune de Nouméa, mais ces deux semaines (moins sanglantes qu’à Paris en 1871, quoique, compte tenue de la population) fut néanmoins une quasi-guerre civile, comme celle des années 1980. Je pousse sans doute le bouchon un peu loin en vous faisant écouter (toujours si vous le voulez bien...) une autre chanson, avec la même interprète, mais j’assume…

https://www.youtube.com/watch?v=Zhum-7DDlNk

Certes, on n’en est pas encore là à Nouméa… Mais tout peut encore arriver si le nouveau gouvernement Barnier qui tente de corriger les conneries du précédent au sujet du Caillou, n’y arrive pas.  

Ce billet comporte deux objets ; comme souvent : la mise en relation d’ici et de là-bas.

Quel est le bilan de la visite du ministre des Outre-mer François-Noël Buffet sur le Caillou ? Ce point sera très bref, mais, sans dévoiler ici notre conclusion, il n’est pas étranger au point suivant.

Quel est vraiment ce fameux Plan S2R ? Les poux dans la tête y seront largement développés, en se remémorant des débats anciens sur l’archipel : ceux de 2023.

_____

NB : Ce billet a été commencé le 22 octobre 2024, puis enrichi et complété (en attendant, sans succès, jusqu’au mercredi 23...) les détails de ce fameux Plan. Sa publication sur Le Club de Médiapart est ainsi ultérieure. Ce billet est lourd, même « relou » : nous avons amplement cité, en particulier, des extraits des nombreux articles mentionnés dont la lecture est sans doute peu courante en Métropole.

Nos sources ne sont (plus exactement étaient*) pas toujours officielles : c’est le propre d'un chercheur qui, de temps en temps, grâce à ses amis et à son réseau, trouve...

* Tout a changé quand j’ai découvert, ce matin jeudi 24 octobre à l’aube (heure de Nouméa) qu’enfin les détails du PS2R venaient d’être mis en ligne par le gouvernement du Caillou, sur son site :

https://gouv.nc/

C’est un peu coton à suivre ; il faut d’abord cliquer sur « Retrouver la synthèse », puis, plus bas, « Le PS2R et ses différents modules » et continuer les clics. Les fameux détails de la nouvelle présentation sont, sauf le séquençage et quelques virgules qui ont changé, les mêmes que le précédent document remis aux initiés. Cependant, elles sont très largement développées; en se plongeant dans les détails (où le diable se niche) on en trouve de belles : un seul exemple (je laisse le lecteur regarder) au point Modèle économique, sous point Contribution de la consultation, La compétitivité et l’attractivité...

L’ISEE.nc a en outre actualisé ses deux notes de conjoncture indiquées plus bas dans ce billet ; c’est plus détaillé : il complète  ainsi le document mentionné plus bas) ; voir ce nouveau document :

https://gouv.nc/sites/default/files/atoms/files/v20241017_presentation_conjoncture_eco_ieom-isee.pdf

Malgré cette découverte du matin, nous avons décidé de ne pas changer une virgule au texte de ce billet, terminé la veille (le mardi), qui retrace, presque heure par heure, la quête de ce document.

On peut donc lire ce billet comme un roman à suspense, mais en connaissons donc sa fin !

_____

...

1 – Pas brillants, les résultats de la première visite de François-Noël Buffet en tant que ministre des Outre-mer : un coup d’épée dans  l’eau mais qui agace bien du monde !

En effet, si l’on en croit les réactions négatives de presque tous les bords[1]. Bref, les gros sous demandés n’ont été confirmés qu’en partie et du bout des lèvres ; ce que résume bien le dessin suivant.

Illustration 1

Certains syndicats de salariés étaient là au raout du 17 octobre où le président du gouvernement Louis Mapou présentait (en présence de Buffet) au Centre culturel Tjiabaou, les grandes lignes du Plan S2R (dont le contenu exact n’était pas encore officiellement dévoilé[2] ; cependant, beaucoup de happy few (oxymore) en avaient sans aucun doute connaissance…

Très, très mécontents étaient les quatre syndicats de salariés du Caillou présents : La Fédé – des fonctionnaires – ; l’USOENC (Union des syndicats des ouvriers et employés de Nouvelle-Calédonie ; la COGETRA (la Confédération générale des travailleurs de Nouvelle-Calédonie) et l’USTKE (l’Union syndicale des travailleurs Kanak et des exploités). Tout fut dit avec : « "En tant que syndicats de salariés, nous sommes des partenaires sociaux à part entière. Quand on veut discuter des problèmes du monde économique, on se doit aussi d’entendre les syndicats de salariés ce qui n’est pas le cas aujourd’hui dans le cadre de cette visite", déplore Jean-Pierre Kabar [président de la COGETRA] »[3].

La Fédé (le principal syndicat de fonctionnaires, mais aussi, un peu, du secteur privé) est évidemment très intéressée par le sort de ces principaux membres ; on peut le percevoir sur la page Facebook de ce syndicat[4], en particulier (le 10 octobre) avec le papier PS2R, Plan quinquennal, la Vie Chère, les accords économiques et sociaux, la fiscalité, et surtout la lettre du 7 octobre au Président du gouvernement du Caillou, sans trop de gants de velours.

Les réactions de certains politiques furent également très vives et négatives : surtout de la part des loyalistes et des Wallisiens-Futuniens du parti Éveil Océaniens[5] ; les réactions des autres tendances politiques ne sont pas données dans cet article. À noter en particulier, les précisions de L’Éveil océanien sur sa page Facebook, du18 octobre, intitulée Diviser pour mieux régner, qui sont particulièrement intéressantes[6] : « Indissociables » (le Plan S2R du gouvernement du Caillou proposant des « réformes » et le Plan quinquennal du Congrès calédonien) affirme le papier, certes ; mais j’attends la réaction de ce parti aux contre-réformes qui risquent d’arriver, non encore détaillées[7] lors de son intervention, répétons-le, du PS2R s’opposant en particulier sur la Sécu calédonienne, à la réforme progressiste qu’il avait proposée pour sauver le RUAMM…

On a peu lu et entendu les indépendantistes sur la presse écrite, parlée et en vidéo, on peut pourtant en  trouver quelques-unes[8] ; Calédonie ensemble met en particulier les points sur les i… les autres élus sont plus calmes.

Les indépendantistes de l’UNI-Palika (qui rappellent : « Nous portons le projet d’indépendance en partenariat avec la France ») ne semblent pas mettre en avant le non-dit sur les gros sous. Ceux de l’UC-FLNKS et Nationalistes ont salué « Une rencontre qui nous satisfait » et ont rappelé malicieusement au ministre « Une grande majorité de Calédoniens se sont prononcés aux dernières législatives pour la représentation du Oui, c’est ça qu’on est venu dire » ; ils ne semblent pas non plus avoir parler de sous.

Le groupe loyaliste Le Rassemblement, indique l’article, « Sans surprise, les élus calédoniens sont sortis satisfaits de cette rencontre ». Il parle un peu de sous, discrètement (« Il y a une responsabilité d’État, matérielle, morale, financière, ainsi qu’une une responsabilité politique des élus de la Nouvelle-Calédonie… ») mais insiste sur la recherche d’un accord politique avec tout le monde. En revanche, l’Intergroupe Loyalistes souligne : « Il faut que l’État avance beaucoup plus vite » en matière de sous…

2 – Bingo ! Un Plan S2R très libéral, au sens économique s’entend ; avec tous les ingrédients habituels…

On attend toujours les détails du PS2R... Mais, première bonne nouvelle, le 22 octobre à 14 h (heure du Caillou) les premières fuites apparaissaient sur le quotidien en ligne LNC, Plan S2R : un futur modèle institutionnel basé sur la performance, la baisse des dépenses publiques et la société civile. On comprend mal le titre de cet article (modèle institutionnel ; société civile ; ??) ; mais cet article confirme notre analyse qui suit en la précisant et la complétant même. On va déjà tout vous dire sur ces premières fuites.

Voir :

https://www.lnc.nc/article/nouvelle-caledonie/economie/societe/politique/plan-s2r-un-futur-modele-institutionnel-base-sur-la-performance-la-baisse-des-depenses-publiques-et-la-societe-civile

Tout l’article est intéressant.

« Une masse salariale "trop importante" et un système administratif  "complexe et coûteux" freinent l’action publique, juge l’exécutif calédonien. Le plan de sauvegarde, de reconstruction et de refondation, dont les conclusions seront rendues ce mardi après trois jours de conférence, liste une série de mesures pour la rendre plus "performante". Zoom sur la réforme envisagée du modèle institutionnel calédonien dans le dernier volet de notre série consacrée aux grandes orientations du plan S2R (3/3) ».

« Dans l’immédiat, un jour de carence devrait être introduit dans la fonction publique. À plus long terme, l’exécutif compte engager un plan d’évolution de l’administration " afin de réduire les coûts de fonctionnement" en recherchant une "plus grande efficience, des gains de productivité, des mutualisations". Le nombre de directions et d’établissements publics devrait également être réduit. […] Pour s’assurer d’une baisse effective de toutes ces dépenses, le gouvernement veut mettre en place une "cellule de contrôle de gestion" qui réfléchira à leur rationalisation, à la simplification des procédures et à la recherche d’une efficacité de l’action publique. Forcément, cette ambition passera aussi par une importante réduction de la masse salariale. Un plan a été établi sur trois ans, en se basant sur des systèmes salariaux jugés plus efficaces à l’étranger. Ainsi, il est envisagé de réviser les grilles de la fonction publique "en s’appuyant sur des critères de métiers plutôt que statutaires", de ne pas remplacer un agent public sur deux qui part en retraite, revoir les primes et les indemnités mais aussi de baisser l’indexation, actuellement fixée à 1,94, [pour le Grand Nouméa et la Province sud, PC] à 1,73 [pour les deux Provinces Nord et des Îles, PC] ».

Ils doivent être ravis, les fonctionnaires ; mais, évidemment, ils sont au courant !

L’article continue : « À ces baisses des dépenses s’ajoute une volonté du 17e gouvernement de "rendre l’action publique plus performante". Des critères de productivité et de performance devraient ainsi être intégrés aux différents régimes de la fonction publique. Les démarches administratives, jugées indigestes par de nombreux acteurs économiques et politiques, seront également simplifiées. [Ah ! La paperasserie ! PC] Le principe du "silence de l’administration vaut accord" pourra être élargi afin de faciliter la vie de l’usager. Par ailleurs, le plan S2R fixe à 2027 l’objectif d’une administration débarrassée entièrement du papier en menant "un plan volontariste de numérisation" ».

La réforme de la provincialisation (qui avait fait le buzz après la sortie de Sonia Backès le 14 juillet...) est évoquée, même si ce n’est pas dit comme ça ; on préfère « meilleure répartition des compétences ».

« En Nouvelle-Calédonie, le mille-feuille administratif est aussi la conséquence d’une répartition brouillonne des compétences, parfois exercées de façon redondante par les différentes collectivités. Une "superposition" qui nuit au développement du pays, juge l’exécutif, qui entend acter "l’exercice d’une compétence par une collectivité" et "assurer une répartition claire des compétences de développement et de gestion entre les provinces et les communes". Ces dernières pourraient par ailleurs se voir transférer une partie de la compétence fiscale dont elles sont privées aujourd’hui, celle-ci étant entièrement exercée par la Nouvelle-Calédonie, qui leur répartit ensuite les sommes collectées pour composer leurs budgets ».

Elles en sont effectivement "privées" ; mais l’article se garde bien de traduire (revendication des loyalistes radicaux) : les habitants des Provinces les plus pauvres vont payer plus d'impôt, par cette suppression de la discrimination positive fiscale ! (Voir encore Backès...).

L’article poursuit : « Le 17e gouvernement propose aussi, dans son plan, d’étudier la possibilité d’introduire "d’autres formes d’intercommunalités" en Nouvelle-Calédonie. Il faudrait également en préciser les financements dédiés ».

Enfin, « Favoriser l’expression de la société civile » est expliqué, mais assez mal : « Dernier objectif stratégique du volet institutionnel abordé par le plan S2R, la meilleure prise en compte de la société civile doit aboutir au développement d’une "démocratie participative" calédonienne. Pour y parvenir, le plan prévoit de fusionner les instances représentatives de la société civile afin de "favoriser une meilleure prise en considération des travaux et recommandations". Un moyen, aussi, de mutualiser leurs moyens et donc de les rendre davantage productives ». (Voir toujours Backès).

« Des outils numériques de concertation seront également développés pour garantir une meilleure participation de la société civile, à travers par exemple des sondages ou des assemblées en ligne. Les conventions et conférences citoyennes devraient également se multiplier ».

Toujours rien sur le détail du PS2R mercredi matin 23 octobre, sauf  un article (bien court) publié par LNC le mardi soir (mais, sauf erreur, mis en ligne le mercredi matin, heure de Nouméa) intitulé « Plan S2R : devant le monde économique et syndical, le gouvernement acte "le début d’une reconquête" ». (Voir :

https://www.lnc.nc/article/nouvelle-caledonie/economie/politique/social/plan-s2r-devant-le-monde-economique-et-syndical-le-gouvernement-acte-le-debut-d-une-reconquete)

Toujours pas de détails donc ; peut-être que certains furent remis à la conférence du 22 octobre après-midi tenue au Centre culturel Tjibaou, mais seulement aux happy few invités. L’article note (sous la photo de cette conférence) : « De nombreux représentants économiques, syndicaux et issus de la société civile ont participé pendant trois jours à la conférence économique consacrée au plan S2R du gouvernement. Ils ont contribué à l’ajout d’un certain nombre de mesures [je souligne, PC] ».

On apprend donc seulement qu’ « Une trajectoire de trois ans est désormais tracée pour transformer le modèle économique et social calédonien dans ce qui semble relever d’un élan collectif. […] Ce programme porté par le gouvernement depuis juillet pour réformer en profondeur le modèle économique et social calédonien a franchi une nouvelle étape, ce mardi 22 octobre, avec la restitution du travail mené dans le cadre de la conférence économique organisée au centre culturel Tjibaou. L’évènement avait été ouvert jeudi 17 octobre en présence du ministre des Outre-mer, François-Noël Buffet. Cinq jours plus tard, le train de réformes envisagé par le 17e gouvernement a été enrichi par les suggestions des représentants économiques, syndicaux et issus de la société civile présents. [je souligne encore PC] Chacun des quatre modèles (économique, santé-social, institutionnel et sociétal) a été passé en revue et débattu avant de faire l’objet de recommandations des participants ».

Pas encore vraiment terminé ce PS2R : « De nouvelles mesures sont ainsi venues s’ajouter à celles déjà formulées par le gouvernement. Un caractère participatif du plan S2R défendu par l’exécutif depuis son lancement, en juillet. "C’est un travail qui doit rester ouvert", a insisté le président du gouvernement, Louis Mapou, au terme de la restitution. Qu’importent les divergences politiques, "ce plan représente un socle commun". "Notre responsabilité était de permettre à tout le monde de se retrouver. Ce qu’on vient de vous présenter est le début d’une reconquête", a poursuivi le chef de l’exécutif calédonien, évoquant l’importance de permettre aux populations "d’appréhender les défis à venir" ».

Louis Mapou, le président indépendantiste du gouvernement collégial local, a conclu la conférence, continue l’article : « "On rompt des équilibres existants", a admis Louis Mapou. Mais ce plan "n’est ni plus ni moins qu’une tentative de créer un nouveau modèle de société". Des perspectives, à court terme, ont déjà été tracées. Un livret détaillé des mesures envisagées par le plan S2R sera très prochainement édité. [toujours souligné par moi, PC] Viendra ensuite le débat d’orientations budgétaires, courant novembre, où seront présentés différents scénarios prospectifs sur trois ans. Au terme de cette période, les comptes publics de la Nouvelle-Calédonie devront avoir retrouvé l’équilibre. En parallèle, le gouvernement va "entrer en discussion avec l’État", a indiqué Louis Mapou. "L’ambition ici c’est qu’on puisse aboutir à un partenariat" pour que le gouvernement français finance la transition vers le nouveau modèle ». Seulement "entrer en discussion avec l’État", ou plutôt les continuer...

Mapou, astucieusement, lie ainsi le PS2R du gouvernement et le Plan quinquennal du Congrès (beaucoup y voit des oppositions entre ces deux institutions du Caillou...) le second se contentant de demander beaucoup de sous à l’État ; ce dernier qui réclame assez discrètement) en effet des « réformes » (mais lesquelles exactement ?) semble ainsi s’informer du contenu du PS2R ; au moins s’informer...

Je me réjouis de l’intervention d’un syndicaliste (de La Fédé) rapportée par LNC qui écrit : « L’unité affichée derrière le plan S2R, ce mardi, n’a pas empêché quelques accusations venues de la salle, notamment sur le caractère jugé très libéral du programme de réformes. "Juste à côté, il y a un très beau golf, [Le Golf de Tina, qui jouxte en effet le Centre culturel Tjibaou, PC] mais quand on suit la route et qu’on regarde à travers les mimosas, on voit la misère des squats. Le défaut de votre plan, c’est de ne pas avoir suffisamment regardé à travers les mimosas, a regretté Joao d’Almeida, président [La Fédé n’a jamais eu de président ! PC] de la Fédération des fonctionnaires [elle se nomme donc, depuis quelques années, La Fédé tout court, PC ; il avait cependant été longtemps son Secrétaire général]. Je ne suis pas pour appauvrir les riches, mais il y a forcément quelque chose à faire pour mieux répartir la richesse de ce pays." (continuait d’Almeida) et entrer en discussion avec l’État". "Pour la partager, encore faut-il la créer", lui a répondu David Guyenne, président de la CCI, soulignant le besoin de soutenir une activité économique au ralenti ».

Il y a donc bien deux écoles économiques : l’interventionniste (représentée ici par Joao d’Almeida) et la libérale (défendue ici par David Guyenne) ; on va bien sûr y revenir…

Bref, je ne vais pas attendre plus pour donner au lecteur mon point de vue sur ce PS2R ; mais l’analyse de ce PS2R qui suit est de ma seule responsabilité !

Il est évident que ce plan est très fortement marqué par l’idéologie dominante de ladite « science économique » (qui n’est évidemment pas une science…) : le   libéralisme  et même   l’ultralibéralisme  de  l’ « Économie de l’offre »  qui  s’oppose à  celle, plus  interventionniste, de l’ « Économie de la demande ». Ces deux gros mots renvoient, tout le monde le sait, à des oppositions politiques et tout simplement à des intérêts économiques et sociaux divergents :  la première est défendue plutôt par les patrons et « les riches » ; la seconde plutôt par les salariés et « les pauvres ». C’est peut-être un peu caricatural en général, mais tellement évident en Calédonie où les inégalités sociales sont considérablement plus élevées (comme dans tout l’Outre-mer) qu’en Métropole. 

Osons un autre gros mot : les luttes de classes, ça existe...

21 – Trop de dépenses publiques, trop de fonctionnaires, et trop bien payés ! Voilà tout...

Les grands classiques, donc ; on comprend mieux les réactions des syndicats de salariés du secteur public (singulièrement de La Fédé…).

22 – La lutte pour les réformes progressistes de la Sécu du Caillou : probablement une seconde fois à la poubelle !

L’augmentation des cotisations sociales payées par les catégories sociales aisées (dont les cadres salariés) ira une seconde fois à la poubelle. Pourquoi une seconde fois ? C’est cela qui est le plus piquant dans le PS2R ; on a l’impression d’un mauvais remake d’un film déjà vu : cette réforme progressiste (on va voir pourquoi) s’était déjà heurtée en 2023 à celle du patronat, bien aidé (et très explicitement) par le Conseiller de tous les gouvernements depuis plus d’une décennie (un certain Olivier Sudrie).

C’est pourquoi l’on va ici insister sur ce point particulier du néolibéralisme en reprenant nos vieilles analyses[9].

La réforme progressiste était donc menée, il y a plus d’un an, par le président (Milakulo Tukumuli) du parti communautaire (mais pas communautariste) wallisien-futunien l’Éveil océanien (L’ÉO) soutenu par les syndicats de salariés. Il proposait une réforme de la CAFAT (la Caisse de Compensation des Prestations Familiales, des Accidents du Travail et de Prévoyance des travailleurs de Nouvelle-Calédonie, la Sécu du Caillou ; son principal régime étant le RUAMM (Régime Unifié d'Assurance Maladie et Maternité réformée en premier lieu) : la baisse de deux points[10] du taux de cotisation sociale (CS) globale du RUAMM, passant de 15,5 % à 13,5 %, mais surtout la fin du plafonnement de ces CS qui permettait – et permet toujours aujourd’hui – aux salariés les plus aisés de beaucoup moins cotiser en part de leur salaire brut (et les entreprises, de même) ; en outre seraient rabotées les dégrèvements de CS patronales pour les bas salaires. Hurlements du patronat !

À l’inverse, Sudrie, le principal soutien de ce patronat, ne voyait qu’une seule solution : la baisse de toutes les CS, remplacées par l’impôt direct[11]. Ce n’était pas sa seule réponse à l’économie à bout de souffle, mais c’était sa préférée : agir sur les coûts par la "réfaction" (pour ne pas dire diminution ou suppression...) des CS, car ces dernières alourdissent le coût du travail....

Nous avions analysé à l’époque cette lutte homérique, une véritable Guerre de Troie, dans de nombreux papiers et avec présentations à quelques organisations syndicales de salariés, quand le gouvernement présidé par l’indépendantiste Louis Mapou semblait[12] approuver les positions de Sudrie ; il est vrai qu’en Calédonie, les décisions du gouvernement sont prises de façon collégiale et qu’en son sein, les deux écoles citées plus haut s’y affrontent ; aujourd’hui, remake et avec le même gouvernement, avec sans doute une préférence pour la première école, même pour certains indépendantistes… Cette Guerre de Troie n’a pas eu lieu : malgré les efforts du Congrès mené par Rock Wamytan et quelques indépendantistes, les loyalistes dont Calédonie ensemble ont joué la montre (belle procrastination) et le projet progressiste a fini à la poubelle...

Le PS2R  trouvé dans la presse ne détaillait pas comme en 2023 la réfaction de Sudrie, mais le cœur y est[13].

23 – Retour sur le faible niveau des prélèvements obligatoires ramené au PIB (les "PO", impôts et CS et le taux de PO) équilibré par les transferts de fric (les transferts métro selon Sudrie) de la Métropole qui joue ainsi le rôle de bouche-trou

Ce point est évidemment lié au précédent ; il n’est pas abordé explicitement par le PS2R de 2024 mais renvoie aux analyses de Sudrie de 2023. Les développements qui suivent, malgré l’apparence, ne sont pas du tout hors sujet : c'est le point central de la situation de la Sécu calédonienne, et singulièrement de sa branche santé !

Sudrie essayait de montrer, en 2023, que le dynamisme de l’économie calédonienne ne reposait que sur les transferts de fric (les « transferts métro ») le « moteur principal » accompagnant les dépenses gouvernementales dopant la croissance économique du Caillou. Là, il s’agissait d’une belle escroquerie ! Sa parfaite corrélation (et c’est vrai, elle est parfaite, mais corrélation n’est pas raison !) entre le montant des transferts bruts[14] et le PIB (ci-dessous graphique de gauche) cache la forte dégringolade (de 25 % en 2000 à moins de 15 % à la fin de la décennie des années 2010), surtout jusqu’en 2014, de ces transferts dans le PIB calédonien (graphique de droite élaboré par mes soins[15]).

Illustration 2

En outre, tout montre que les prélèvements obligatoires, lesdits PO, ramenés au PIB, sont largement inférieurs sur le Caillou à ceux de la Métropole : pour les impôts (d’ailleurs plus injustes) et les cotisations sociales, les CS. Il suffit de regarder mes graphiques suivants, un peu plus récents.

Illustration 3
Illustration 4
Illustration 5
Illustration 6

Les transferts métros (bruts) jouent donc, bien évidemment, le rôle de bouche-trou pour compenser ce que les classes sociales aisées calédoniennes ne paient pas ! Avec ces transferts ajoutés aux PO, la Calédonie apparait en fait surfinancée ! Les transferts métros ne sont qu’en partie un moteur de la croissance, mais en acceptant que la demande (et non pas l’offre) explique le dynamisme économique (la retombé de ces transferts se retrouve dans les dépense publiques, ce qu’admettait sans sourciller Sudrie en 2023...).

En outre, le rabotage des impôts est aussi évident dans les propositions actuelles du gouvernement, même s’il paraît moins caricatural, et que les cotisations sociales seraient remplacées par des impôts. Mais la plupart des membres du gouvernement du Caillou hurle au « matraquage fiscal »… Bref, si rien ne change (ce qui est fort probable à court ou moyen terme) les PO, les prélèvements obligatoires feront encore du Caillou un Eldorado… Ça tombe bien, car, pour le moment (avant mais surtout après le 13 mai) c’est, en partie, la fuite des chercheurs d’or !

Il est également piquant de voir que le jeu consiste aussi à raboter les dépenses, essentiellement de santé ; autre retour du fameux Sudrie (qui reste aujourd’hui absent de la scène, mais est peut-être dans l’ombre) et du Plan Do Kamo où le gel des dépenses remplaçait la hausse des cotisations sociales : baisse des prestations sociales, donc des revenus, pour les plus démunis.

Mais le raisonnement néolibéral est cependant astucieux : bâton  de la rigueur pour les salariés du secteur public ; carotte de l’augmentation du pouvoir d’achat des salariés par la baisse des cotisations sociales (part salariale). Les politiques de rigueur ou d’austérité touchent donc avant tout les salariés du secteur public (dont le nombre est toujours considéré comme pléthorique par l’école de l’offre) et les "pauvres" (par la baisse des prestations sociales). Et le gain de pouvoir d’achat des autres salariés comme conséquence de la baisse des cotisations sociales prélevées sur les salaires bruts, sera en partie absorbé, pour les pas trop pauvres ou les classes moyennes, par la hausse de la CCS ; mais il restera en effet quelques miettes. Cependant, la Sécu du Caillou sera en miettes... ; qu’importe : l’avenir des assureurs privés ou mutualistes semble radieux, d’où l’augmentation à terme des prélèvements « pas obligatoires» (comme dans les pays où ils y sont très inférieurs à ceux de la France, mais avec ces prélèvements « pas obligatoire », ils s’en rapprochent).

Quant aux retraites, la capitalisation n’est plus un interdit ! ...

24 – La métallurgie du nickel « pas rentable » : un autre petit mensonge en régime de croisière, mais malheureusement vrai pour la période particulière de grave récession 2019-2021 et pour 2023-2024

Pas un mot sur ce sujet dans les fuites officielles du PS2R ; mais je ne serai pas étonné que l’on va le retrouver quand il sera détaillé... Je ne pense pas encore être hors sujet.

Sudrie (toujours le même…) considérait en 2023 que le nickel n’avait pas autant d’importance pour le Caillou que ce tout le monde prétendait[16], et qu’il fallait ainsi diversifier l’économie ; le PS2R reprend plus discrètement cette position.

Quant à théorie de la non-rentabilité des trois usines, Sudrie n’y est pour rien. Il s’agit au départ d’un Rapport de fin juillet 2023 de l’IGF (l’Inspection générale des finances) Avenir de la filière du nickel en Nouvelle-Calédonie, publié opportunément juste avant le voyage de Macron sur le Caillou. Ce Rapport est à mon avis (je l’ai montré dans les billets cités plus haut) pour le moins opportuniste, sinon lamentable (pour des inspecteurs des finances…) : il ne tient la route que pour la période très particulière 2019-2021 ; donc il ne tient pas la route ! Une critique politique que je viens de découvrir donne d’ailleurs un nouvel éclairage[17].

C’est pourtant explicitement ce que l’on trouve encore dans le PS2R (cependant plus discrètement…) ; comme au milieu de 2023 et début 2024 lors d’une autre polémique : celle du « Pacte nickel ».

Jusqu’en 2012, la SLN se goinfrait de profits et les distribuait en dividendes ; bien sûr, la période de vaches grasses, c’est fini ! Mais la métallurgie du nickel rapporte en général bien plus que l’exportation de minerais si l’on prend en compte tous les paramètres ; et le fameux « Pacte nickel » n’était qu’un chantage de Macron-Le Maire qui proposait d’augmenter les exportations de minerais pour casser la « doctrine nickel » des indépendantistes (soutenue par Calédonie ensemble) préférant la métallurgie et voulant limiter les exportations de minerais. Ce Pacte nickel, s’appuyant bien sûr sur le Rapport de l’IGF censé démontrer que les usines n'étaient pas rentables (ce qui est malheureusement vrai ; mais on va voir pourquoi... suspense torride) proposait le développement des exportations de minerais... contre des sous pour subventionner le coût prohibitif de l’électricité : le principal handicap du Caillou face à la concurrence de l’Indonésie, collé à la Chine.

Répétons-le, il y a en effet un désastre de la rentabilité des deux nouvelles usines, surtout de 2019 à 2021 (mais avec une embellie malheureusement éphémère en 2022) et, bien sûr, en 2023, sans parler de 2024 ; mais pourquoi[18] ?

Tout simplement car les capacités théoriques n’ont jamais été atteintes, en particulier à KNS, mais aussi à la SLN et à ce qui est devenu Prony Resources.

Il suffit de regarder les graphiques ci-dessous, tirés de mes billets ; le premier est de loin le plus important !

Illustration 7
Illustration 8
Illustration 9
Illustration 10

24 – Autres joyeusetés spécifiques au Caillou

N’oublions pas, dans ce PS2R : les références aux réformes du foncier des terres coutumières ; la volonté de réduire les protections pour faire baisser les prix (ce qui enflamme les industriels locaux...) ; les références à la difficulté du vivre ensemble qui peut faire penser aux élucubrations de Sonia Backès (et d’autres) sur le poids des Provinces assumant la fiscalité (sans parler d’ « Apartheid »).

Tout le reste du Plan S2R n’est surtout que littérature et vœux pieux…

...

Conclusion…

Je ne trouve qu’une seule éventuelle vertu (mais l’inventaire complet est encore à faire; et le continue à me tâter) au PS2R sur laquelle nous avons peu insisté : son libéralisme critique les protections du marché facteurs de prix élevés. Voir l’intéressant article du 24 octobre (que de nouvelles importante, ce jour, un mois après le 24 septembre…) Rempart à une économie de comptoir ou machine à monopole ? Comment fonctionnent les protections de marché en Nouvelle-Calédonie :

https://la1ere.francetvinfo.fr/nouvellecaledonie/rempart-a-une-economie-de-comptoir-ou-machine-a-monopole-comment-fonctionnent-les-protections-de-marche-en-nouvelle-caledonie-1530199.html

Je ne suis encore pas hors sujet, mais pratique l’art de la contradiction : je soutiens plutôt - je vais devenir politicard... -  ce type de libéralisme. La levée partielle des protections du marché intérieur (libérale, évidemment) est sans doute l’une des mesures plutôt positives  (cf. "bilan globalement positif" ) du PS2R. Ce protectionnisme arrange bien les marges (et donc, en partie, les prix élevés de « la vie chère ») d’une classe sociale qui n’a, en Calédonie, rien de vraiment progressiste. Cette position peut apparaître, pour un zélé marxiste, une hérésie ; en effet (autres gros mots) : la fameuse « alliance du prolétariat, de la paysannerie et de ladite "bourgeoisie nationale"  contre l’impérialise associé à la "bourgeoisie compradore" » de la théorie maoïste (appliquée en Chine et au Vietnam) n’a, en Calédonie, ni queue ni tête, ou presque. Une « bourgeoisie nationale » (nationaliste peut-être, mais surtout amoureuse… de sa protection) opposée à la « bourgeoisie compradore » (les importateurs de l’ « économie de comptoir », évidemment dominante sur le Caillou) et plutôt Calédonie française, nous semble (au moins jusqu’à preuve du contraire), un leurre. 

Je ne crois pas un instant que cette classe regroupée à la FINC (Fédération des industries de Nouvelle-Calédonie) qui vient de devenir FEINC (en ajoutant le E d’entreprises) - je n’ai toujours pas compris de quoi il s’agit exactement… - devienne en masse indépendantiste, malgré les efforts (bien anciens) du Parti de libération kanak, le Palika de Paul Néaoutyine, avec peu de succès ; même si certains soient tentés par l’indépendance. Cette FEINC estime aujourd’hui , l’article cité plus haut le rapporte, que l’ACNC (l’Autorité de la concurrence NC) souhaite « détruire la production calédonienne… Ou ce qu’il en reste » et demande carrément la dissolution de cette Autorité.  

Bien sûr, tout n’est pas si simple : un certain protectionnisme baignait une partie des loyalistes (les centristes, cependant socialement et économiquement progressistes, du parti Calédonie ensemble qui avait, comme par hasard ,placé Philipe Germain (un chef d’Enterprise et président de la FINC) à la tête du gouvernement sur la période 2014-2019.

Mais, là, je suis hors sujet et, pour le moins, hésitant. On y reviendra dans un autre billet.

Reste la grave question suivante : la situation économique de la Calédonie est-elle si « apocalyptique » que le patronat et les médias la décrivent ? Au risque de choquer (et sans nier les graves conséquences de plus de deux semaines de quasi-guerre civile valant bien les années 1980) peut-être pas… La récente analyse de l’ISEE.nc de la situation économique du Caillou fin août 2024, après le 13 mai, permet de le penser : la situation s’était déjà bien dégradée fin 2023 et début 2024 ; tout n’est donc pas ainsi la seule conséquence de l’insurrection[19]

Enfin, Calédonie ensemble nous permet de justifier les deux volets de ce billet ; on va voir pourquoi.

Ce parti met en effet en relation le PS2R et les exigences de l’État de "réformer" la Calédonie,  sur sa page Facebook (publication en fin de matinée du 22 octobre ; fuseau horaire du Caillou), Bilan de la visite ministérielle : Vers une Nouvelle-Calédonie surendettée, soutenue par l’État à la petite semaine, en contrepartie de réformes mortifères [le gras est de mon fait, PC] ; ce parti a tout compris !

« L’État a toujours bénéficié de l’appui de supplétifs en Nouvelle-Calédonie, de part et d’autre de l’échiquier politique, en fonction des époques et des sujets. Le ministre des Outre-mer après sa visite calédonienne a clairement identifié le sien. Dans une tribune publiée dans le journal du dimanche le 20 octobre 2024, il affirme "la Nouvelle-Calédonie doit maintenant engager des réformes structurelles indispensables. Le plan de Sauvegarde, refondation et Reconstruction (PS2R) présenté par le gouvernement néo-calédonien et travaillé avec l’État [je souligne, PC ; c'est dit avec élégance...] offre une opportunité unique de redéfinir ensemble un modèle économique en crise (…)". Le Ministre - ou plutôt Bercy - a choisi son camp : celui du gouvernement et de son PS2R plutôt que celui du Congrès et du plan quinquennal. Pourquoi ? Tout simplement parce que le PS2R vise le porte-monnaie des Calédoniens alors que le plan quinquennal sollicite des financements massifs de l’État susceptibles de constituer une réponse viable au cataclysme économique et social que vit notre pays ».

Parenthèse : cette position du parti de Philippe Gomès est bien éclairée, mais en mieux : le 21 octobre (LNC) Calédonie ensemble faisait des propositions (conférence de presse de Philippe Dunoyer) quant à la fiscalité du Caillou, le titre de l’article, Calédonie ensemble propose quatre mesures pour alléger la fiscalité des entreprises touchées par la crise [20] cache le meilleur… Il n’arrive qu’à la fin, mis en exergue par l’article : « Vers une hausse de l’impôt sur le revenu ? ».

En effet, « À la fin de cette conférence de presse, Philippe Dunoyer a laissé entendre que les impôts sur le revenu pourraient être revus à la hausse, selon les préconisations du gouvernement national. "Lors de la prochaine décision modificative du budget, il n’est pas impossible que l’État préconise d’augmenter l’impôt sur le revenu, comme il le demande pour la hausse de la TGC et la CCS car en échange d’aides de sa part, l’État demande une hausse de la fiscalité." ». Voilà une dernière bonne nouvelle qui va peut-être s’ajouter au PS2R qui ne semble pas beaucoup aimer la hausse des impôts sur le revenu, CCS mise à part pour se substituer (radotons...) aux cotisations sociales ! 

Le reste du papier précédent développait… Mais Calédonie ensemble semblait bien se garder de parler de lutte de classes : c’était toute la Calédonie, ensemble, qui était convoquée ! Dunoyer va plus loin, comme Barnier en France : un autre scoop !.

En outre, le 23 octobre est publié sur le site du gouvernement de Nouvelle-Calédonie, Sauvegarder, refonder et reconstruire la Nouvelle-Calédonie (voir :

https://gouv.nc/actualites/23-10-2024/sauvegarder-refonder-et-reconstruire-la-nouvelle-caledonie)

« La conférence dédiée au PS2R s’est déroulée au centre culturel Tjibaou. Elle s’est tenue sur trois jours. Le gouvernement a organisé les 17, 21 et 22 octobre au centre culturel Tjibaou, une grande conférence consacrée au plan de sauvegarde, de refondation et de reconstruction (PS2R) porté par la collectivité. Trois jours au cours desquels le gouvernement a pu présenter sa vision et ses mesures et échanger avec les acteurs présents ».

Au sujet « Des constats sur le modèle actuel » qui s’appuient sur des « valeurs fondamentales », on reste toujours sur sa faim : encore de belles parles, mais pas de détails. Les « quatre piliers » en sont les suivants.

« Le premier pilier concerne le concept du "vivre ensemble" qui doit être l’ambition première, centrale et collective de la Nouvelle-Calédonie. Il repose sur un socle commun : l’appartenance à ce pays et la volonté de lui donner une identité propre et singulière ». Émouvant ! Tout est dans le « singulière » ; qu’en pense Sonia Backès, avec sa fameuse image "de l’eau et de l’huile qui ne se mélangent pas" ?

 « Le second pilier concerne notre modèle économique et la volonté de le rendre compétitif et attractif en mettant en avant les richesses de la Nouvelle-Calédonie. […] Le troisième pilier est le pilier social qui nécessite aujourd’hui d’être repensé afin de pérenniser les systèmes de santé et de protection sociale, pour qu’ils puissent répondre aux besoins des générations actuelles et futures […]. Le quatrième pilier se concentre sur la question de la gouvernance avec l’ambition de rendre les institutions plus réactives, plus efficaces et plus proche des Calédoniens ».

Mais encore ? Nous espérons avoir été plus clair dans notre billet : aucune référence ici au modèle réactionnaire économique et social de l’économie néolibérale de l’offre ! Relire le Calédonien centriste José-Louis Barbançon et son "Pays du non-dit"... 

Quant aux « Objectifs stratégiques clairs (OS) » ; ils sont pour la première fois énoncés explicitement ; mais la faim demeure. On les énumère, comme Prévert :  « Modèle économique, OS1 - Préserver un pouvoir d’achat décent, OS2 - Restaurer l’attractivité du territoire et la compétitivité de l’économie, OS3 - Libérer le financement de l’économie, OS4 - Adapter l’aménagement du territoire et les infrastructures aux besoins de la population, OS5 - Redéfinir le modèle de la filière nickel, OS6 - Grands travaux d’infrastructure ; Modèle santé et social, OS7 – Viabiliser le système de santé calédonien et le rendre efficient, OS8 - Maîtriser les dépenses de protection sociale, OS9 - Renforcer la politique de la famille ; Modèle institutionnel, OS10 – Rendre l’action publique plus performante, OS11 - Optimiser la répartition des compétences, OS12 - Promouvoir l’expression et la représentation de la société civile ; Modèle sociétal, OS13 - Construire une identité basée sur des valeurs et des pratiques communes et partagées et renforcée par un sentiment d’appartenance à la Nouvelle-Calédonie, OS14 - Adapter l’éducation, la formation et l’insertion au contexte contemporain, OS15 - Protéger et mettre en valeur les ressources naturelles, OS16 - Prévenir et s’adapter au changement climatique ».

Pour la première fois (sauf erreur) est mentionné le secteur du nickel « à redéfinir » ; c’est-à-dire ? (voir plus haut dans notre billet ; mais il a peut-être d’autres solutions…).

« Au lendemain de la conférence dédiée au plan, continue l’article, le gouvernement entend éditer un livret intégrant toutes les observations relevées lors de cet événement fédérateur. Il prévoit aussi de se déplacer dans les trois provinces afin de présenter le plan à la population, qui "doit absolument se l’approprier", comme a insisté le président Louis Mapou. Il est également envisagé d’annexer le PS2R au débat d’orientation budgétaire pour l’année 2025, ce qui permettra notamment d’élaborer une série de scénarios prospectifs pour les trois années à venir. Par ailleurs, le gouvernement envisage d’entamer des discussions afin de mettre sur pied une convention de soutien de l’État, [je souligne encore, PC ; voir plus haut la position du parti Calédonie ensemble...] sur la base du PS2R, afin de s’assurer de pouvoir effectivement mettre en place les mesures nécessaires ».

Ce n’est pas encore fini ! La Fédé remet encore les points sur les i concernant le PLAN S2R sur sa page Facebook (très récente, mais non datée, probablement du 22 octobre) : c’est une belle réponse à ce que vient de raconter le gouvernement. En outre, elle n’est pas tendre avec les autres syndicats de salariés (sauf la Cogetra) ; on peut la comprendre. (Voir :

https://www.facebook.com/p/La-F%C3%A9d%C3%A9-100064773393932/?locale=fr_FR)

Les détails de son papier ne sont pas inintéressants (comme d’habitude…) ; on le reproduit ici presque in extenso : « La Fédé félicite les agents du gouvernement et le président pour le travail réalisé durant ce séminaire et l’initiative de la démarche. La Fédé a, au préalable, dénoncé la méthode. En effet, l’absence de transparence [je souligne, PC] sur la réalisation des constats issus de la consultation en ligne, laisse planer un doute sur la sincérité de la retranscription des résultats. De surcroît, cette consultation en ligne sélectionne d’office une partie de la population occultant la fracture numérique pourtant existante dans notre pays. Par ailleurs, le gouvernement nous informe que l’ensemble des consultés étaient tous bacheliers minimums ou plus... Il est donc évident qu’une partie de la population n’a pas répondu à ce questionnaire rendant ainsi l’analyse des résultats insuffisante à l’établissement d’un constat sincère et fiable pour l'établissement d’un diagnostic potentiel.

Elle s’étonne être la seule, avec la Cogetra, [c’est vrai : on a peu entendu les autres grands syndicats de salariés du Caillou : l’USOENC et l’USTKE, PC] à dénoncer l’emprise de NC ECO [regroupement du patronat officiel, de la CCI et autres, très en verve en 2023 ; voir ce billet, PC ] sur ce plan ultra libéral [ je souligne encore, PC] tendant vers un nouveau système de société visant à rendre les riches encore plus riches et les pauvres encore plus pauvres. [idem…] En effet, malgré la nécessité de relancer le système économique, nous constatons l’absence d’esprit de solidarité et de volonté réelles de réduire les inégalités tant en matière fiscales, sociales et économiques. L’amer constat que la Fédé peut aussi faire, c’est que la fonction publique de NC devient le principal levier du patronat et du gouvernement pour faire face aux réformes exigées de l’État. [idem] La Fédé ne s’inscrit donc pas dans le contenu de ce plan mais participera activement aux prochaines réunions de travail pour tenter de faire évoluer les lignes.

Quelques mots clés inaudibles pour la Fédé... augmentation du rendement de la TGC, [la TVA calédonienne, PC] création d’une nouvelle taxe, baisse des rémunérations, assistanat, diminution du point d’indice, masse salariale trop élevée, système de soin trop généreux....

La Fédé s'est fortement investie dans ce séminaire et tient à remercier M. Joao d’Almeida pour sa participation active.

Nous n'hésiterons pas dès demain à partager ce plan afin de recueillir vos avis...

Même seul, nous ne lâcherons rien...

Solidaires et Déterminés

La Fédé ».

Je ne suis pas affilié à ce syndicat que jai aidé avant ma retraite (comme beaucoup d’autres syndicats de salariés) dans mon boulot sur le Caillou ; mais je n’ai pas une virgule à changer à cette déclaration. Là, c’est mon dernier mot !

Notes

[1] Voir le résumé de la visite de Buffet par NC 1ère, Visite ministérielle « Retrouvez ici l’ensemble des articles liés à la visite ministérielle, ainsi que les sujets qui représentent de réels enjeux pour les Calédoniens : avenir institutionnel, dégel du corps électoral, crise du secteur du nickel, construction de la nouvelle prison » :

https://la1ere.francetvinfo.fr/politique/gouvernement/visite-ministerielle?r=nouvellecaledonie

Voir aussi l’article des Nouvelles calédoniennes (LNC) du 19 octobre, Chômage partiel, aides financières, avenir institutionnel… Quel bilan le ministre des Outre-mer tire-t-il de sa visite ? :

https://www.lnc.nc/article/nouvelle-caledonie/politique/chomage-partiel-aides-financieres-avenir-institutionnel-quel-bilan-le-ministre-des-outre-mers-tire-t-il-de-sa-visite

« Le premier déplacement, indique cet article, de François-Noël Buffet en dehors de l’Hexagone s’achève ce samedi, après quatre jours en Nouvelle-Calédonie. Au terme de cette visite, le ministre des Outre-mer a notamment annoncé un prolongement de deux mois du chômage partiel et rappelé un engagement "extrêmement fort" de l’État de plus de 120 milliards de francs pour la période 2024-2025, somme dédiée aux collectivités et aux entreprises. Un soutien et une reconstruction qui ne pourront pas aboutir, sans une poursuite active des discussions politiques autour de l’avenir institutionnel, de nouveau enclenchées au cours de séjour ». Encore un petit chantage ?

L’article continue : « Si François-Noël Buffet, qui a rencontré l’ensemble des groupes politiques au Congrès ce vendredi, ne "révèlera publiquement" rien de la teneur de ces échanges, il assure que "tout s’est très bien passé". "Dans un climat de transparence, de vérité, chacun a pu s’exprimer librement de façon extrêmement courtoise, parfois même très sympathique, et c’était un point très important. Je suis ravi de la façon dont les choses se sont passées. Maintenant, il faut continuer", glisse le ministre, sans en dévoiler davantage, notamment sur un éventuel calendrier fixé pour ces discussions. Car, "l’urgence du moment, c’est à la fois (de rétablir) la stabilité en termes de sécurité pour l’ensemble des Calédoniens et de réinjecter de l’argent dans la structure économique pour relancer l’emploi" ».

Enfin, l’article note que le volet économique, où il était particulièrement attendu, est jugé par certains « en la matière insuffisantes ».

Voir également le JT de NC 1ére du 20 octobre, Dans une Nouvelle-Calédonie toujours en crise, la semaine a été marquée par la visite officielle de François-Noël Buffet, le ministre des Outre-mer. Après ses annonces et déclarations concernant l’aide prodiguée par l’État, les acteurs économiques expriment une déception. L’argent arrive peu et trop tard, a estimé samedi soir Stéphane Yoteau. Le vice-président de la CCI, la Chambre de commerce et d’industrie, était l’invité du journal télévisé. :

https://la1ere.francetvinfo.fr/nouvellecaledonie/interview-nous-sommes-inquiets-et-on-n-a-pas-ete-rassures-resume-stephane-yoteau-vice-president-de-la-cci-apres-la-visite-ministerielle-de-francois-noel-buffet-1530013.html

« On est franchement déçus. Les annonces sans l’argent, malheureusement, ça restera des annonces ».

Idem pour le quotidien La Voix du Caillou n° 386 du 21 octobre titré Visite du ministre. Quelques promesses, peu d’engagements ; voir :

La Voix du Caillou

[2] Voir, entre mille publications tout aussi peu précises : Qu’est-ce que le plan S2R ? (YouTube, CALEDONIA, 3 oct. 2024 ; une présentation fort pédagogique, mais où le contenu n’est pas donné…) :
https://www.google.com/search?client=firefox-b-d&q=Plan+S2R#fpstate=ive&vld=cid:3e83feb0,vid:VVGl4TWMH9A,st:0
Voir aussi, le gouvernement de Nouvelle-Calédonie (8 octobre 2024) Le plan S2R suscite une forte adhésion de la population et des acteurs consultés ; on adhère donc, mais à quoi exactement… :
https://gouv.nc/actualites/08-10-2024/le-plan-s2r-suscite-une-forte-adhesion-de-la-population-et-des-acteurs

[3] Voir la réaction de quelques syndicats de salariés du Caillou sur NC 1ère du 17 octobre, REACTIONS. "Nous sommes des partenaires sociaux à part entière" rappellent les syndicats après le discours du ministre des Outre-mer :

REACTIONS. "Nous sommes des partenaires sociaux à part entière" rappellent les syndicats après le discours du ministre des Outre-mer

« Steeve Teriitehau, secrétaire général de la Fédé, et Jean-Pierre Kabar, président de la Cogetra, réagissent au discours de François-Noël Buffet, ce jeudi 17 octobre au Centre culturel Tjibaou en ouverture du plan S2R. Non-invités au dîner des représentants du monde économique prévu avec le ministre à 19 h 30, après avoir exprimé leur mécontentement, les syndicats auront droit à une réunion avec un membre de son cabinet aujourd'hui à 18 heures ».

L’article continue : « "Aujourd’hui, on parle de 20 000 salariés au chômage partiel qui demain risquent de se retrouver sans pouvoir d’achat, sans revenus. Il y a des émeutes de la faim qui se profilent", alerte Steeve Teriitehau. Le syndicat critique le plan S2R qui "prévoit des réductions drastiques sur le pouvoir d’achat des agents publics. […] Cela va tendre à une paupérisation de la population. Avec tous ces phénomènes réunis, on a bien peur que la crise politique que l’on a connu avec les émeutes du mois de mai se reproduise sous l’aspect d’une crise sociale dans les jours qui viennent" ».

« Quant au dîner entre le ministre des Outre-mer avec les représentants du monde économique à 19 h 30, le président de la Cogetra [Jean-Pierre Kabar] regrette le fait de recevoir "le monde économique au sens patronal" sans "les syndicats de salariés qui ont aussi leurs choses à dire dans tous ces domaines-là". Pourtant, la Fédération des fonctionnaires, l’USOENC, la COGETRA et l’USTKE avaient formulé une demande d’audience en amont de la visite. Le ministre n'y avait pas répondu. C’est seulement à la suite de la colère des syndicats que la réunion avec un membre du cabinet a été organisée à 18 heures ».  (L’article ne relève pas les dires des deux autres syndicats).

En fait, tout c’est arrangé ! Les quatre syndicats ont pu rencontrer Buffet un peu plus tard ; La Fédé note (sur Facebook) : « Nous avons dénoncé la composition du PS2R construit sur une base ultra libérale oubliant ainsi les fondamentaux d’une société équilibrée ». Où vont-ils chercher tout ça ! Voir sur le Facebook de la Fédé :

https://www.facebook.com/p/La-F%C3%A9d%C3%A9-100064773393932/?locale=fr_FR

[4] Voir :

https://www.facebook.com/story.php?story_fbid=944152431087195&id=100064773393932&_rdr

En tapant successivement sur les trois parties de la lettre, elles apparaissent en plus clair ; mais il faut recommencer sur chaque page...

[5] Voir :

https://la1ere.francetvinfo.fr/nouvellecaledonie/humiliation-insuffisant-ces-reactions-politiques-ameres-aux-aides-de-l-etat-apres-la-visite-du-ministre-des-outre-mer-en-nouvelle-caledonie-1529866.html

[6] Voir :

https://www.facebook.com/p/L%C3%89veil-Oc%C3%A9anien-100076341076613/

Y est écrit, pour illustrer le titre de cette critique : « L’État nous renvoie dos à dos une fois de plus en ignorant le Plan Quinquennal au profit du PS2R au lieu de les considérer comme ce qu’ils sont : indissociables ».

[7] Ce parti était évidemment au courant, comme tous les syndicats de salariés et patronaux, malgré les semaines de non-dits… Mon petit doigt me disait que la « réforme » du RUAMM (la Sécu maladie et divers du Caillou) pencherait plus vers les propositions ultralibérales du Conseiller de tous les gouvernements depuis plus de 10 ans (Olivier Sudrie) que vers celle, progressiste, présentée en 2023 par l’Éveil océanien et soutenue par les syndicats de salariés, s’opposant à ce libéralisme de Sudrie et du patronat, apparemment soutenu, dans un premier temps, par le président du gouvernement : l’indépendantiste Louis Mapou.

Voir mon billet du 19 octobre 2023, Les indépendantistes calédoniens sont-ils bernés par un conseiller du gouvernement ? sous-titré Ou plutôt journée des dupes ? La Nouvelle-Calédonie est maintenant dirigée par un gouvernement dont le président est lui-même indépendantiste. Sa politique économique semblait très influencée, en juin 2023, par un économiste très libéral qui avait déjà joué les conseillers des différents gouvernements précédents dirigés par les loyalistes. Une autre politique est pourtant possible…

https://blogs.mediapart.fr/patrick-castex/blog/191023/les-independantistes-caledoniens-sont-ils-bernes-par-un-conseiller-du-gouvernement

[8] Voir, le 18 octobre, quelques autres réactions, notamment des indépendantistes, [Direct] Calédonie ensemble pointe une visite ministérielle où "il n’y a strictement aucune annonce".

https://www.lnc.nc/article/nouvelle-caledonie/politique/direct-caledonie-ensemble-pointe-une-visite-ministerielle-ou-il-n-y-a-strictement-aucune-annonce

« Après une heure et quart d’entretien, le groupe Calédonie ensemble, qui s’était déjà fendu d’un communiqué pour déplorer l’absence d’annonces fortes de la part du ministre des Outre-mer, campe sur ses positions : "Ce n’est pas du tout suffisant puisqu’en réalité, ce qui est prévu, c’est de nous prêter de l’argent pour rembourser ce que l’État nous a avancé l’année dernière. Ce n’est pas sérieux. Si on ne rectifie pas ce budget pour nous permettre, sur le plan économique et social de garder la tête hors de l’eau, à partir de ce moment-là, le dialogue politique qu’on espère tous ne pourra même pas s’ouvrir. Nous sauver économiquement et socialement, c’est nous sauver aussi politiquement", martèle Philippe Gomès, qui le répète : "Il n’y a strictement aucune annonce, pas même sur le chômage partiel et sa prolongation. Je ne parle pas de la prolongation dans les deux prochains mois. Il faut ouvrir un horizon aux gens. Il y a 25 000 familles calédoniennes dans le secteur privé, c’est-à-dire un tiers de ces salariés qui ne savent pas si dans deux mois, elles vont manger. Qui peut vivre ça ? Qui veut vivre ça ? C’est profondément inhumain. C’est pour ça qu’on avait proposé le plan quinquennal. Ce n’est pas un horizon au mois prochain dont ont besoin les familles, les entreprises et les collectivités. C’est un horizon dégagé pour les cinq prochaines années et des garanties de financement au moins en totalité pour l’année prochaine et l’année d’après" ».

L’article continue avec l’intervention de Calédonie ensemble : « En dépit de la situation budgétaire plus que tendue au niveau national, le parti non indépendantiste, estime que l’État ne peut pas se défausser de sa responsabilité. "On tombe dans un contexte politique national pourri, foutrac, où tout le monde se fait la guerre, où il n’y a pas de majorité, et dans un contexte budgétaire dramatique. 60 milliards d’euros d’économies, [plus exactement  40 milliards d'économie et 20 milliards de recettes nouvelles, PC] on arrive au mauvais moment au guichet, c’est clair. Peu importe, l’État est responsable de ce qui s’est passé ici. [ je souligne, PC] Il a fossoyé le dialogue politique, pour la première fois depuis 34 ans. Il a été incapable de maintenir l’ordre. Donc la responsabilité de l’État est patente, elle est engagée", poursuit Philippe Gomès. "Alors certes, ce n’est pas le même gouvernement central qu’au moment des événements, mais il y a ce qu’on appelle la continuité de l’État. Indépendamment du gouvernement, l’État doit assumer sa responsabilité. On demande ce qu’il s’est passé pour Saint-Martin et Saint-Barthélemy lorsqu’ils ont eu le cyclone Irma et qu’ils ont eu un plan quinquennal" ».

Mais Gomès, bien élevé, reconnait en conclusion les qualités de Buffet : « J’ai trouvé quelqu’un de très à l’écoute, conscient du mur économique, social et politique qu’il doit affronter. … ».

[9] Il est possible sinon certain que le lecteur actuel ne sait rien de mes vieilles analyses de 2023 ; pour les autres, une piqûre de rappel. On se permet donc de renvoyer à mon billet sur Le Club de Médiapart du 19 octobre 2023) :

https://blogs.mediapart.fr/patrick-castex/blog/191023/les-independantistes-caledoniens-sont-ils-bernes-par-un-conseiller-du-gouvernement

[10] Je militai plutôt pour leur hausse, compte tenu de la faible part des CS dans le PIB calédonien ; on va y revenir. Cette position est évidemment peut vendeuse aux syndicats de salariés…

[11] Remplacer les CS (part salariale et part employeurs) en tout ou partie, par des impôts (par exemple la CCS–CSG française*) est typique (c’est le cas en France) des avantages donnés aux entreprises dont les charges baissent pour « développer leur compétitivité » (mais surtout leurs profits…).

* La Contribution Calédonienne de Solidarité (CCS) crée en 2015, est une copie de la Contribution sociale généralisée (CSG) française.

[12] On n’a jamais su s’il s’agissait d’un réel soutien de Mapou ou d’une tactique : attendait-il son heure en faisant le gros dos ? D’un côté, Mapou ouvrait le forum de juin 2023 à Nouméa (Perspectives : pour un nouveau modèle calédonien financièrement soutenable, socialement juste et économiquement performant) par Notre modèle est « à bout de souffle » : mot pour mot et analyses pour analyses, les conseils d’Olivier Sudrie. D’un autre côté, la réforme de l’ÉO semblait bien partie, soutenue par nombre d’indépendantistes et le Congrès calédonien dirigé alors par Rock Wamytan.

[13] Sudrie a varié dans le temps ses analyses de la Sécu du Caillou ; il avait participé en 2016 au plan Do Kamo (L’Être épanoui ; plus exactement L’homme en son authenticité) de réforme des dépenses de santé ; il affirmait déjà que le modèle était au bord de l’asphyxie ; plus qu’à bout de souffle donc. Ses propositions étaient pourtant assez différentes de celles de 2023 : il proposait surtout une réduction des prestations sociales de santé (tickets modérateurs) et la réduction des CS devait être remplacées par des assurance privées (et non des impôts) et, pour les retraites, un fort allongement de la période d’activité. Il dut faire face en 2017, après remise de ses rapports, à une levée de bouclier des personnels de santé ; il avait cependant l’oreille du gouvernement et son plan avait été adopté par le Congrès en mars 2016. En outre, ce plan Do Kamo avait remis en 2018 un rapport reprenant surtout certaines pistes de Sudrie, mais, surprise, proposait également une augmentation des taux de CS, cependant seulement pour les tranches plafonnées, et des abattements de cotisations pour les bas salaires qui furent mises en œuvre : la RBS (Réduction sur les Bas Salaires).

Un article sur LNC (le 22 octobre à 5 h, heure locale, Entre maîtrise des dépenses et "rationalisation", comment le plan S2R prévoit de réformer le système de santé, précise et complète nos analyses ; voir :

https://www.lnc.nc/article/nouvelle-caledonie/sante/economie/entre-maitrise-des-depenses-et-rationalisation-comment-le-plan-s2r-prevoit-de-reformer-le-systeme-de-sante

Pendant qu’on y est, on donne presque tout !

« La maîtrise des dépenses et la "viabilisation" du système de santé calédonien font partie des grands objectifs stratégiques du plan S2R développé par le gouvernement. […] Menacé, le système de santé et de protection sociale calédonien est une des priorités du plan de sauvegarde, de reconstruction et de refondation porté par le gouvernement. Gel des dépenses, taux unique de cotisations, partenariat public-privé… […] Les premières mesures listées dans le plan de sauvegarde, de reconstruction et de refondation (S2R) laissent peu de place au doute : une cure d’austérité attend le système de santé calédonien [je souligne, PC] dans les années à venir. Cette réduction de dépenses prendra effet rapidement, avec une fixation du taux de l’Objectif calédonien d’évolution des dépenses d’assurance maladie (Oceam) bloqué à 0 % jusqu’en 2026. Le gouvernement propose également de favoriser le partenariat public-privé, en organisant des ponts entre la clinique et le Médipôle. [...] Autre mesure envisagée : la numérisation de la santé. Feuille de soins électronique, dossier pharmaceutique, développement des outils numériques sont autant de pistes évoquées dans le plan S2R. Enfin, un ticket modérateur (la partie des dépenses prise en charge par le malade) de 10 % sur le "petit risque" devrait également être instauré ».

L’article continue et en arrive au centre de notre analyse : « Outre la réduction des dépenses, le plan S2R vise à un meilleur financement du système de santé, et particulièrement du Ruamm, très déficitaire. Ainsi, il est prévu le passage à un taux unique de cotisations sociales, ce qui devrait permettre de les diminuer pour les plus faibles revenus, au profit de la Contribution calédonienne de solidarité (CCS), qui elle sera augmentée avec une assiette plus large. "L’équilibre de cette mesure réside dans le fait de diminuer le coût du travail, d’apporter du pouvoir d’achat aux salariés, [je souligne, PC] tout en augmentant à courte échéance les recettes du Ruamm", justifie le gouvernement ». Par ailleurs, le plan a pour ambition de créer une "couverture sanitaire universelle" réunissant le Ruamm et les trois aides médicales actuelles pour appliquer "une uniformité dans la prise en charge" des patients calédoniens, ainsi qu’une unité "de la gestion de la facturation" et une "mutualisation des moyens" ».

L’article continue : « Un mot revient régulièrement dans le volet "santé" du plan S2R : "efficience". Les mesures identifiées doivent notamment permettre, à terme, de garantir un rendement. Cela passera, selon l’exécutif, par une révision du mode de gouvernance. La création d’une "Autorité de régulation de la santé" est ainsi suggérée. Elle exercera des "missions de régulation pour mettre en adéquation la politique de santé avec son financement et l’offre de soins". Autre entité imaginée : un "Observatoire de la santé", afin de permettre un "pilotage de la santé à partir des données et indicateurs de performance" et identifier des "problématiques de santé émergentes" ».

[14] Il existe des contre-transferts (essentiellement les cotisations complémentaires de retraite qui sont gérées en Métropole, largement supérieures, pour le moment, aux retraites versées…  Ces transferts nets tournent autour de 12 % du PIB calédonien.

[15] Ces graphiques sont bien anciens, mais rien n’a fondamentalement changé pour les transferts métros (qui ont été en fait boostés, en pourcentage du PIB, par le ralentissement puis la récession économique de trois ans commencée en 2019 ; ce qui est évidemment contraire aux élucubrations de Sudrie).

[16] Selon lui, « Au final, l’économie calédonienne ne bat pas au rythme du nickel ». Il exagère sans doute un peu… Et a-t-il compris le rôle fondamental du nickel dans la récession de 2019 à 2021 ?

[17] Voir ce document non daté et dont on ne sait pas ce que représente l’auteur :

https://www.lindependant-knc.com/medias/files/doctrine-nickel-rapport-igf-analyse-croissant-4-09-23.pdf

La fin, avec « La solution : un retour vers la bonne vieille doctrine coloniale ? » et  « Doctrine coloniale ou doctrine nickel, il faut choisir » ne donne que des idées : il ne sont pas franchement macronistes...

[18] Je la ramène encore… Voir les trois billets du 1er février 2024 sur ce sujet :

Premier billet, Le Ministre des Finances en Calédonie : contre la "doctrine nickel". Pipeau ! (Thèse) sous-titré Thèse, exporter toujours plus de minerai, activité estimée rentable alors que la métallurgie ne le serait pas : "préalable minier à l’envers" contre les indépendantistes qui préfèrent la seconde créant plus de valeur ajoutée. Antithèse, la thèse n’est étayée que sur une période fort particulière. Et, "pot aux roses", oublie surtout la cause fondamentale de la non-rentabilité des usines ; suspense… Voir :

https://blogs.mediapart.fr/patrick-castex/blog/010224/le-ministre-des-finances-en-caledonie-contre-la-doctrine-nickel-pipeau-these

Deuxième billet, Le Maire en Calédonie : contre la "doctrine nickel". Très gros pipeau ! (Antithèse) sous-titré  Antithèse : la thèse n’est étayée que sur une période fort particulière, et oublie surtout la cause fondamentale de la non-rentabilité des usines. Mais ça, on ne le saura qu’avec le troisième "billet" : suspense… Voir :

https://blogs.mediapart.fr/patrick-castex/blog/010224/le-maire-en-caledonie-contre-la-doctrine-nickel-tres-gros-pipeau-antithese

Ainsi que le troisième billet, Le Maire en Calédonie : contre la "doctrine nickel". La "Découverte du pot aux roses" sous-titré La "découverte du pot aux roses" met fin au suspense… Pourquoi les 3 usines métallurgiques ne furent jamais rentables (sauf pour la SLN lors des prix élevés du nickel) ? Tout simplement car les capacités théoriques ne furent jamais atteintes, et de très loin ! Et pourquoi donc ? Les actionnaires de ces usines sont responsables et coupables ; mais gardons encore un peu de suspense…Voir :

https://blogs.mediapart.fr/patrick-castex/blog/010224/le-maire-en-caledonie-contre-la-doctrine-nickel-la-decouverte-du-pot-aux-roses

[19] Voir notre billet du 10 octobre 2024, Quel est l’état de l’économie calédonienne après les émeutes ? « Apocalypse now » ? sous-titré Très dépressif certes, et déjà depuis quelques années ; mais on essaie ici de relativiser les descriptions, apocalyptiques donc, avec les images d’incendies, de destruction et de pillage passés en boucle par les médias. Et une sorte de « Plan Marshall » financé par la France – mais ce n’est pas gagné ! – permettra sans doute la reconstruction. Avec ou sans indépendance-association ? Tout est là… :

https://blogs.mediapart.fr/patrick-castex/blog/101024/quel-est-l-etat-de-l-economie-caledonienne-apres-les-emeutes-apocalypse-now

Voir aussi la nouvelle mise au point de l’ISEE.nc, publiée le 9 et 10 octobre :

https://la1ere.francetvinfo.fr/nouvellecaledonie/infographies-emplois-detruits-chomage-total-radiation-de-patentes-visualisez-les-chiffres-alarmants-de-l-emploi-depuis-le-debut-de-la-crise-1524101.html

Les points sur les i sont ainsi mis : la baisse de l’emploi a précédé les émeutes du 13 mai (mais ce n’est évidemment pas leur explication !) :      « Le nombre d’emplois salariés du secteur privé a diminué avant même que les évènements de mai n’éclatent. L’Isee a constaté, en début d’année, une anomalie dans la "saisonnalité de lemploi"[…] "Un certain nombre de contrats prennent fin en décembre puis les gens sont réembauchés en début d'année. C’est un cycle classique que l’on observe depuis des années. Et là, en mars, l’emploi n’a pas réaugmenté. Cétait déjà un premier signal", explique Véronique Ujicas, cheffe du service conjoncture et diffusion de l’Isee ». Et l’article ajoute « Annoncer un taux de chômage est "abusif". […] Si le nombre de chômeurs du secteur privé est connu, l’Isee insiste sur un point. Le taux de chômage est, à ce jour, incalculable. Pour cela une enquête approfondie sur les forces de travail doit être menée et seul l’Isee en a les compétences. Pour 2024, la collecte est en cours. […] "Le taux de chômage actuel ne pourra être connu qu’en milieu d’année prochaine, lorsque l’enquête aura été terminée et les résultats traités et analysés", précise la responsable ».

Et de conclure : « "On ne peut pas dire aujourd'hui : 30 000 personnes ont perdu leur emploi. On ne peut pas additionner tous ces chiffres-là » précise Véronique Ujicas, cheffe du service conjoncture et diffusion de l’Isee ». « Annoncer, en cette période de crise, un taux de chômage de 30, 40 voire 50 % "est abusif", abonde la directrice de l’Isee, Élise Desmazures. "La population active occupée, ce ne sont pas que des salariés. Ce sont des salariés du privé, du public et des entrepreneurs individuels". D’autant que les pourcentages qui circulent semblent intégrer le nombre de personnes inscrites au chômage partiel. Or, le taux de chômage ne tient compte que des chômeurs totalement privés de travail. […] "On ne peut pas additionner les chômeurs qui bénéficient du chômage et ceux qui bénéficient du chômage partiel puisque les uns sont privés d’emplois, les autres ne le sont pas", formule Véronique Ujicas. "Ceux qui bénéficient du chômage partiel ne sont pas des chômeurs, ce sont toujours des salariés." ».

[20] Voir, Pouvoir d’achat, nickel, transports… Quelles sont les grandes orientations économiques du plan S2R ? :

https://www.lnc.nc/article/nouvelle-caledonie/economie/politique/sante/pouvoir-d-achat-nickel-transports-quelles-sont-les-grandes-orientations-economiques-du-plan-s2r

[21] Voir :

https://www.lnc.nc/article/nouvelle-caledonie/politique/caledonie-ensemble-propose-quatre-mesures-pour-alleger-la-fiscalite-des-entreprises-touchees-par-la-crise

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