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Billet de blog 22 février 2018

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Projet de loi immigration : et si c'était vraiment grave

La Contrôleure Générale des Lieux de Privation de Liberté s’exprime par rapport au projet de loi sur l’immigration. C’est une condamnation simple, nette, objective, de la part d’une autorité indépendante, qui nous rappelle que quelque chose de grave est en train de se jouer.

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Les lois sur l'immigration, qui se succèdent à rythme soutenu, chacune ôtant des droits et ajoutant de la précarité et de la répression à ce qu'avait déjà ôté et ajouté la précédente, semblaient déclencher une sorte de rituel immuable : les associations protestent, la CNCDH souligne qu'elle n'a pas été saisie et donne son avis, le Défenseur des Droits depuis qu'il existe donne son avis qui est critique, quelques parlementaires de la majorité émettent les bonnes années quelques états d'âme avant de rentrer gentiment dans le rang, la loi est votée. Et rebelote deux à trois ans plus tard, comme s'ils y avait à nouveau urgence à faire encore plus de la même chose.

Mais cette fois-ci les choses ne se passent pas tout-à-fait comme d'habitude. Certaines associations décident que stop, elles arrêtent de faire semblant de croire à la concertation bidon en laquelle personne ne croit. Des collectifs ou des associations locales s'emparent de la question (voir ici).

Et puis les syndicats de salarié-e-s de l'OFPRA et de la CNDA lancent un mot d'ordre de grève illimité (voir ici), il n'y a pas d'enjeu de salaire, d'emploi, d'avantages sociaux, simplement des gens qui disent que là leur travail se vide de son sens, parce que l'asile en France se vide de son sens. Pourtant la situation n'était pas mirobolante, mais là c'est trop.

Et puis il y a ce communiqué de la Contrôleure Générale des Lieux de Provation de Liberté (CGLPL), qui concerne l'aspect qui est de son domaine de compétence, la rétention administrative (voir ici et ). On est dans le monde volontiers critique mais à l'expression généralement retenue des autorités indépendantes - même si la CGLPL a l'habitude de dire les choses de manière assez directe.

Il faut le lire. Et là encore on a le sentiment qu'une limite est en train d'être franchie.

http://www.cglpl.fr/wp-content/uploads/2018/02/20180221_communiqu%C3%A9-projet-de-loi-%C3%A9trangers.pdf

" La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté tient à exprimer ses vives inquiétudes pour les droits fondamentaux des personnes étrangères à l’issue de la présentation en conseil des ministres du « projet de loi pour une immigration maîtrisée et un droit d’asile effectif ».

Alors même que le CGLPL est régulièrement alerté sur une augmentation conséquente du nombre de placements en rétention administrative, notamment de familles avec enfants, ce projet marque un net recul des libertés et va à l’encontre des préconisations du contrôle général, en particulier sur la durée de la rétention et le respect des droits de la défense.

Il n’est jamais anodin d’enfermer des personnes, d’autant plus quand elles n’ont commis aucune infraction. Le Gouvernement ne semble pas en être suffisamment convaincu. Le CGLPL rappelle depuis plusieurs années que la durée de rétention de 45 jours est déjà inutilement longue au vu de l’objectif d’éloignement.

Les constats du CGLPL montrent que la rétention se déroule d’ores et déjà trop souvent dans des conditions attentatoires aux droits fondamentaux des personnes retenues : hygiène déplorable, locaux inadaptés, sécurisation de type carcéral, absence d’intimité, accès limité à l’air libre, prise en charge médicale aléatoire pour le somatique et inexistante pour le psychiatrique, moyens de communication insuffisants, absence quasi-totale d’activités.

L’allongement de la durée de la rétention de 45 à 90, voire 135 jours, ne pourra qu’aggraver ces effets délétères. Le CGLPL maintient au contraire sa recommandation de ramener cette durée à 32 jours.

En outre, ce projet de loi met en péril les droits de la défense, augmentant l’inégalité des moyens entre les personnes étrangères et l’administration. Dans ce domaine l’exercice des recours légaux est complexe : technicité de la matière, obstacle de la langue, brièveté des délais pour agir, précarité, angoisse liée à l’éloignement et à l’enfermement. Les modifications procédurales proposées ne feront qu’accroître ces difficultés.

Dans ce cadre, la généralisation du recours à la visioconférence pour les audiences, sans le consentement des intéressés, est inacceptable. Outre des difficultés techniques souvent constatées, la visioconférence entraîne une déshumanisation des débats et nuit considérablement à la qualité des échanges. Le CGLPL rappelle ses recommandations antérieures, aux termes desquelles l’usage de ce moyen doit rester exceptionnel, et en aucun cas constituer une commodité pour l’administration. Elle doit en tout état de cause être soumise à l’accord de la personne concernée. "

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