En octobre 2021, sept militants comparaissaient devant le tribunal correctionnel de Bobigny pour être entrés par effraction sur le tarmac de Roissy, au cours d'une action sur le site de l'aéroport. Les réquisitions du procureur étaient tellement fallacieuses que le Tribunal relaxait les prévenus au motif que la prétendue entrave à la circulation aérienne n'existait que dans l'imagination du Ministère public.
En décembre 2022 une tribune paraissait dans le journal Le Monde ,signée par plus de deux cents soignants, dont moi-même. Les professionnels de santé dénonçaient l’effet des nuisances sonores aéroportuaires sur la santé publique, notamment en termes de maladies cardio-vasculaires, de diabète, d’obésité, etc. Son écriture était suscitée par un projet de PPBE sur Roissy, marqué surtout par sa vacuité : pas d'étude d'approche équilibrée, pourtant préconisée par les directives européennes et - cherchez l'erreur - objectifs chiffrés de 37% d’augmentation du transport aérien, mais aucun objectif de réduction du bruit. La validation de ce document par le Ministère des Transport confortait le constat qui avait suscité le mouvement du 3 octobre : l'aviation civile est dispensée de l'effort collectif en faveur de l'environnement.
A côté du bruit, il y a toute une littérature médicale qui dénonce les nuisances de l’aérien en termes d’exposition aux particules fines et ultrafines, aux polluants chimiques, sans oublier les conséquences du réchauffement climatique. Il serait trop long d’en exposer ici tous les effets, mais la revue de littérature en pièce jointe reprend les points les plus significatifs, en sachant qu’elle est loin d’être exhaustive : il faudrait tout un catalogue pour citer les nombreuses références médicales traitant du sujet.
Ce qui est important, c'est qu'un grand nombre des données médicales évoquées dans la tribune étaient antérieures ou contemporaines du mouvement du 3 octobre : évaluation de BruitParif qui faisait état de 1,4 millions de franciliens exposés au bruit (2017), aujourd'hui 2,2 millions toujours selon BruitParif ; étude DEBATS (2020), préconisations de l'OMS en matière de bruit (2011, 2017). Et la majorité des références incluses dans la revue de littérature en pièce jointe est antérieure à 2020. Au niveau de responsabilité qui devrait être celui des dirigeants de l'aérien, il y a des données sur les conséquences sanitaires de leur activité qu'ils choisissent quotidiennement d'ignorer. Plutôt que les sept prévenus qui comparaissent pour la deuxième fois ce mois-ci pour avoir dénoncé les nuisances auxquelles étaient soumis les riverains des aéroports, ce sont donc eux qui devraient se retrouver devant les tribunaux pour mise en danger de la vie d'autrui.
Il y a une notion médicale qui semble totalement échapper aux autorités aéroportuaires : l'urgence. C’est aujourd’hui et non dans vingt ans qu’il faut réduire la surmortalité par infarctus du myocarde induite par le bruit des avions, ainsi que l’ensemble des autres nuisances. Ce droit de vie et de mort potentiel sur 2,2 millions de personnes au bénéfice des intérêts économiques d'ADP est insupportable pour tout médecin digne de ce nom.
A toute cette argumentation pourtant raisonnable, ADP n'a su opposer que l'enfumage d'une consultation publique qui a eu lieu cette année. Si, comme c'est le cas ici, toute tentative de dialogue se heurte à un mur de silence ou de mauvaise foi, les mouvements comme celui du 3 octobre deviennent légitimes, à la condition qu'ils se déroulent sans violences, comme cela a été le cas dans l'affaire qui nous occupe. C'est également la position du mouvement "scientific rebellion" dont un des membre figure parmi les accusés. Et c'est au nom d'une jurisprudence qui est en train d'émerger que le jugement de première instance doit être confirmé.
nuisances-aeriennes-et-sante-publique