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Billet de blog 1 septembre 2023

Répression des LGBTQ+ en Russie : quand le Kremlin tente de décider de notre identité, nous ripostons

Je m'appelle Masha Budryte. Je suis ingénieure et membre de la communauté LGBTQ+ ; je m'oppose à la guerre en Ukraine, au régime de Poutine et à l'état absolument horrible dans lequel est plongé notre pays, et notamment sa communauté LGBT. En juillet, nous avons commencé la Pride à Londres par une rave queer de protestation devant l'ambassade de Russie. Nous aimons résister par la joie, même dans les moments les plus sombres. Le régime n'aura pas raison de nous.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Je m'appelle Masha Budryte. Je suis ingénieure de software de profession, membre de la communauté LGBTQ+ et responsable des opérations de la Russian Democratic Society (RDS) à Londres. Nous nous opposons à la guerre en Ukraine, au régime de Poutine et à l'état absolument horrible dans lequel est plongé notre pays.  

Je suis la fille de deux journalistes spécialisés en politique et étant exposée à leurs discussions, je me suis forgée des opinions très tôt, en m'identifiant par défaut à l'opposition russe.     

En 2019, j'ai participé à la campagne d'Alexey Navalny l'élection du maire de Moscou. À l'époque, tout était si intense, car le changement semblait possible. Environ 9 000 militants travaillaient sur cette campagne. J'ai déménagé au Royaume-Uni, mais j'ai continué à militer en participant à des manifestations devant l'ambassade de Russie. 

Lorsque l'invasion totale de l'Ukraine a commencé, si quelqu'un m'avait dit que je passerais la plupart de mon temps avec mes compatriotes russes, j'aurais été très surprise, nous avions tous des opinions politiques très différentes et nous ne nous mélangions pas beaucoup auparavant. Mais aujourd'hui, la situation a mobilisé de nombreuses personnes et celles qui s'opposent aux actions du régime sont, pour la plupart, parties à l'étranger...   

Au cours de la première année après l’invasion de l'Ukraine par la Russie, j'ai participé à toutes les manifestations sans exception et j'ai rejoint la Société démocratique russe. Aujourd'hui, je m'efforce surtout d'aider ses militants à faire leur travail de la manière la moins stressante possible. J'applique mes connaissances acquises dans le cadre de mon travail "normal" pour organiser les processus internes, en veillant à ce que nos membres sachent comment ils peuvent aider le plus efficacement possible ou, s'ils veulent lancer un projet, tel qu'une manifestation ou une collecte de fonds, à ce qu'ils sachent où trouver et comment organiser des ressources. Les militants consacrent beaucoup de leur temps libre et de leur argent à la cause et il est facile de s'épuiser, il est donc essentiel qu'ils se sentent soutenus. 

En réfléchissant à ce qui unit les militants de la RDS, nous avons constaté que nous accordons tous une grande importance à la justice sociale. Certains d'entre nous sont des féministes, des LGBTQ+, des minorités ethniques et nous nous sentons profondément concernés par ces questions. En tant qu'activistes, il est essentiel pour nous de soutenir les communautés marginalisées.  

Cette année, le 2 juillet, nous avons commencé la Pride à Londres par une rave queer de protestation devant l'ambassade de Russie, en réponse à la décision du gouvernement de faire passer une loi visant à supprimer tous les droits des personnes transgenres. Ces mesures désastreuses sont plus que graves, mais en même temps, nous sommes des personnes queer et nous aimons résister par la joie, même dans les moments les plus sombres. Nous avons donc décidé de sensibiliser les gens tout en faisant la fête et en montrant au régime qu'il n'aura pas raison de nous.  

La situation des droits des LGBTQ+ en Russie est pourtant épouvantable. La loi sur la "propagande gay" introduite en 2013 interdisait à l'origine toute promotion des "relations non traditionnelles". Cependant, en mars dernier, après le début de la guerre, le gouvernement a durci cette législation et désormais, tout ce qui concerne les groupes LGBTQ+, les médias, les drapeaux de fierté, etc. – tout est criminalisé et doit être complètement effacé de la vue du public. De nombreuses ONG, groupes et centres communautaires ont dû fermer, des activistes fuir le pays. Aujourd'hui, il n'y a pratiquement plus personne en Russie pour aider les personnes queers. 

Pour ne rien arranger, la loi adoptée anonymement par la Douma en juillet interdit les personnes transgenres en tant que "notion". Les personnes transgenres ne peuvent plus modifier leurs indicateurs de genre sur leurs documents, les personnes qui ont fait une transition ne peuvent pas adopter d'enfants et leurs mariages déjà prononcés sont annulés. Tous les soins de santé visant à affirmer le genre sont également interdits. Même en URSS, les transitions médicales étaient légales et largement pratiquées. Par la suite, malgré les attitudes anti-LGBTQ+, il était même plus faciles d'obtenir des soins nécessaires en Russie que dans de nombreux pays occidentaux. 

Cette législation constitue non seulement un énorme pas en arrière, mais elle représente un réel danger. De nombreuses personnes en Russie avaient déjà entamé le processus de transition et en se voyant sans préavis refuser l'accès aux soins de santé, leur vie est en danger immédiat car elles sont privées de médicaments de traitement en cours ou d'opérations chirurgicales qui leur sont indispensables pour rester en vie en cette période de transition. L'État efface ainsi physiquement les personnes transgenres.   

L'histoire nous a appris qu'en temps de guerre, les États autoritaires s'efforcent encore plus d'écraser la dissidence et de remonter le moral de leurs partisans notamment en prenant pour cible les groupes les plus vulnérables. Les personnes LGBTQ+ en Russie en payent les frais à leur tour. Le régime de Poutine veut décider et imposer à chacun comment vivre sa vie. Ces directifs vont de questions collectives telles que l'identité nationale à des sujets très personnels tels que les relations ou les pronoms à utiliser. Son principal impératif est de contrôler tous les aspects de votre vie en vous disant qui vous devez être, que vous soyez un Ukrainien dans les territoires occupés par la Russie, une voix dissidente à l’intérieur du pays ou une personne LGBTIQ+. Et selon ses dogmes, il faut se caser dans le modèle hétéro-normatif hétéro-cisgenre et patriarcal où il n'y a pas d'espace pour l'expression de soi. 

Il existe de nombreuses façons d'apporter son aide, mais je tiens à saluer tout particulièrement Queer Svit, un groupe qui aide les personnes LGBTQ+ et les personnes racisées touchées par la guerre dans les deux camps. Queer Svit aide à les évacuer en toute sécurité, leur apporte un soutien logistique, leur fournit des soins de santé respectueux et égalitaires, des hébergements d'urgence et bien plus. 

Renseignez-vous sur Google, parlez-en à vos amis, découvrez l'histoire de mouvement queer, ne vous cachez pas de ce qui se passe aujourd'hui. Nous devons faire entendre la voix des LGBTQ+, car en Russie, en Europe de l'Est et en Asie centrale, nous avons subi des discriminations et il est important de montrer aux personnes qui viennent d'endroits moins chanceux en termes de droits LGBTQ+ que nous sommes avec elles, que nous les voyons, que nous les entendons et que nous les soutenons. Partout dans le monde, si vous savez que les droits des LGBTQ+ ne sont pas respectés, voyez comment vous pouvez aider, surtout pendant le mois des fiertés qui est l'occasion non seulement de célébrer le chemin parcouru et de commémorer nos luttes qui nous avons amenés là où nous sommes aujourd’hui, mais aussi de sensibiliser l'opinion publique sur les situations moins avancées.   

Nous devrions nous rappeler que ce que nous appelons la Fierté est une forme de célébration de la protestation, et que personne n'est libre tant que nous ne le sommes pas tous. Nous qui avons la chance d'être dans des pays sûrs, nous devons défendre ceux qui se battent seuls et souvent sous la contrainte, que ce soit en Russie, dans les régions occupées de l'Ukraine ou ailleurs.   

Masha Budryte  

Responsable des opérations 

Russian Democratic Society 

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