Féminicides et confinement

L’étude du ministère de l’intérieur publiée avant hier montre que le nombre de féminicides en 2019 s’établit officiellement à 146, soit une hausse de 21 % sur l’année précédente. Les associations féministes annonçaient depuis janvier un chiffre proche : 152. Au total, les victimes de violences entre conjoints ou ex-conjoints sont au nombre de 173 (27 victimes masculines). Ce sont des chiffres élevés malgré la mobilisation autour de cette question : trop de plaintes de femmes menacées ne sont sans doute pas prises en compte (25 % des femmes victimes avaient au préalable signalé aux forces de l’ordre les violences qu’elles subissaient). Par ailleurs, 25 enfants ont été victimes de ces actes meurtriers : 3 en même temps que le parent victime, 22 tués dans le cadre de violences conjugales sans que l’autre parent ne soit tué.

Au 15 août dernier, l’association NousToutes recensait 61 cas de féminicides (contre 91 à la même date l'an dernier). On ignore ce que sera le chiffre officiel, mais si on extrapole sur l’année, on arrive à une estimation de 98 victimes en 2020, ce qui serait un chiffre dans tous les cas élevé mais le plus bas jamais connu depuis de nombreuses années. Evidemment, il faut éviter ce genre d’extrapolation car on ignore ce que sera la statistique au cours des mois prochains : les comparaisons se font année terminée. Il n’empêche : l’an dernier, régulièrement, mois après mois, il était dit que le nombre de victimes était croissant, bien supérieur à l’année précédente (ce qui finalement a été vérifié). Cette année, alors qu’il était proclamé de toutes parts que le confinement était une circonstance aggravante, qui allait considérablement augmenter les violences intra-familiales, selon NousToutes qui tient à jour et annonce régulièrement les nouvelles victimes (les chiffres officiels ne seront connus que l’an prochain), au 18 mai, peu après la levée du confinement [qui a eu lieu le 11 mai], on totalisait 33 femmes victimes de leur conjoint ou d’un ex-conjoint, alors qu’au 18 mai 2019, on en totalisait 53 (le 20 juin : 43 décès contre 66 à la même date un an auparavant).

 Cela signifie nullement qu’il y aurait eu moins de violence, mais en tout cas, sur un indicateur infaillible qu’est le meurtre ou l’assassinat, la différence est notable. Il importe de le préciser car si l’année devait se terminer avec une centaine de décès, cela serait évidemment encore énorme mais indiquerait peut-être que les campagnes d’information et le débat et le combat menés à ce sujet par les associations féministes ne sont pas sans effet. Et que, comme Laurent Puech l’a montré dans une étude, depuis 2006, on assiste à une baisse tendancielle du nombre de victimes. En espérant que les mauvais signes donnés par le pouvoir, en promouvant des ministres dont les propos ou les comportements envers les femmes sont condamnables, n’aient pas d’effet néfaste sur les actions militantes engagées.

. Étude sur les morts violentes au sein du couple 2019, Ministère de l’intérieur, 17 août 2020.

. Sur le site de protections-critiques.org tenu par Laurent Puech, voir son texte commentant cette étude : Étude sur les morts violentes au sein du couple 2019 : premiers enseignements.

. Article du Monde de ce jour : ici.

. Voir également l’étude que Laurent Puech a publiée sur le site du sociologue Laurent Mucchieli : Morts violentes au sein du couple : derrière les discours alarmistes, une baisse de 25% depuis 2006 et mon article sur ce blog (7 mars 2019) : Meurtres conjugaux : en hausse ou en baisse ?

. Voir le compte Facebook de NousToutes : ici.

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