C'est une histoire qui me tourne dans la tête depuis que j'ai vu que même les médias français connaissent leur printemps (sic) et qu'enfin on commence à prendre en compte le point de vue de syriens vivant sur place, même s'ils ne sont point engagés dans le conflit et même si (ô horreur) , "toutes confessions confondues" nous précise le journaliste qui n'en revient pas lui-même, ils se disent nationalistes (c'est à dire pour l'horrible bourreau). Je parle ici d'un reportage diffusé il y a deux jours sur France Télévisions
On se dit que le type de France 2 a dû être drogué, et n'a pas pu exprimer la vraie vérité, ou que les gens interviewés sont des faux jetons (toutes confessions confondues...(!))
C'est très égocentrique de ma part , mais j'ai été extrêmement flattée que ma belle mère, modeste bédouine du centre de la Syrie, partage le point de vue d'une élégante damascène et de si charmants passants de la capitale. Entendre un point de vue, qu'elle n'a eu cesse de me répéter pendant deux ans, exprimé , même avec visible stupeur, par un journaliste officiel de la télévision française! Waouh! ça valait le coup de régarder la télé!
"Y aurait-il un printemps de le presse en France?" ai-je aussitôt pensé. "Est-il possible que soit arrivé le jour où l'on cherche vraiment à savoir ce qui se passe en Syrie?....je veux dire POUR DE VRAI?" C'est à dire en acceptant un point de vue di-ffé-rent que celui déjà bien écrit dans la tête du journaliste avant même qu'il ai pris l'avion.
J'en ai été toute retournée.
Je me suis même dit (mais là d'aucuns vont penser que je suis complotiste...je me suis même dit, donc, que Madame Donati devrait aller faire un stage en Télé, elle qui vient de la si prestigieuse presse écrite et d'un non moins prestigieux quotidien.) Après j'ai eu honte, vous imaginez bien.
Donc j'ai mon histoire qui me tourne dans la tête et qui se passe dans le désert syrien, entre deux moutons, bien loin de Damas...
Je suis assise et j'attends comme on le fait quand on garde d'une part des moutons et d'autre part ses deux petits enfants dont l'un gambade gaiement en poursuivant les moutons et l'autre s'essaye au youplala sur le chemin rocailleux .Ce n'est pas une mince affaire même si maman a un peu dégagé la voie en poussant les pierres (et en poussant un peu le youplala, avouons le)
Mon mari vient me rejoindre et nous parlons. Il fait doux, pas trop chaud, le désert est vert (vous avez bien lu), et j'aimerais bien que l'on change de place , c'est à dire que l'on aille sous un arbre 100 mètres plus loin pour grignoter quelques falafels, et du zaatar avec de l'huile et du pain. J'ai aussi apporter des tomates.
Je dis à mon grand fils "Va prés de l'arbre mon coeur"
Aucune réaction il fait bèèèè bèèèè, en riant comme un fou.
J'oriente le youplala vers l'arbre et explique au petit que c'est là que l'on doit aller, mais il se retourne et veut un câlin.
Je dis à mon mari "va installer le panier près de l'arbre"
Ce qu'il fait immédiatement alors que ma joyeuse marmaille ne bouge pas d'un poil.
Quand il revient j'explose "Tu vois! Personne ne m'écoute!
les enfant n'en n'ont rigoureusement rien à faire des ordres que je donne! C'est une catastrophe!"
(Les jeunes mamans sont parfois un peu plus nerveuses qu'il ne le faudrait, j'en conviens maintenant....)
Mon mari remet son keffieh rouge correctement (signe d'ordinaire chez le bédouin, qu'il demande un temps de réflexion) puis éclate franchement de rire.
"Je ne vois pas où est le problème ma chérie..."
"Le problème c'est que des enfants devraient OBEIR A LEUR MERE. le voilà le problème! Or ils ne veulent ni l'un ni l'autre aller près de l'arbre. Dans le monde arabe, les enfants sont rois et les mères n'existent pas et moi j'en ai marre!"
Je sens une ombre très noire dans le regard de mon mari.
Réponse:
"Toi, tu n'as pas assez gardé de moutons"
Je prends mon air de la parisienne à qui le contrôleur vient de dire qu'il faut un ticket pour voyager dans les transports en commun et qui vraiment, vraiment ne voit pas de quoi on parle. Il faut dire que de garder les moutons est parfois long, je ne pouvais donc pas le suivre sur cette voie hasardeuse...
"Ma chérie, vois-tu l'animal avec des cornes, là-bas? Oui. Très bien. C'est le bé-lier. Tu remarqueras qu'il a une clochette autour du cou. Très bien...Et bien quand le bélier va à droite , pouf ! tout le troupeau va à droite. Quand le bélier va à gauche pouf! tout le troupeau va à gauche, jusqu'à là tu es avec moi?"
Franchement, aller vivre dans le désert pour, qu'en plus, on me prenne pour une conne, ça n'a pas dû arranger mon humeur...
"Eh bien Madâaaame la française. Ce bélier est beaucoup plus génial que toi"
(Je le sentais venir ça, je le sentais venir....)
"car LUI, il a parfaitement compris qu'il est un bé-lier. Alors lève toi et marche jusqu'à l'arbre et nous verrons bien ce que feront nos chers fils si mal élevés"
Je me lève (surement fort dignement ) et me rapproche, à pas lents, de ma cible. J'entends le Youplala qui patine, souffle et gratte le sol mais reste collé à mon dos.
J'observe , avec stupeur, que mon grand fils décide justement de suivre le mouton qui me suit.
Mon mari ,lui, n'a pas bougé d'un poil (!) mais au bout de 10 minutes mes deux enfants et moi-même sommes sous l'arbre, ainsi que la moitié du troupeau.
Ma moitié me rejoint tout sourire devant (parce qu'il a vu mon air courroucé de la parisienne qui s'est quand même pris un PV).
"Je vois que je n’intéresse personne! Ya haram!.............Enfin.......Pose toi toujours la question de savoir qui a la cloche autour du cou dans l'histoire ma chérie et même, si ce porteur de cloche en est bien conscient, parfois, ça aide à comprendre."
Il re éclate de rire.
Même en revivant la scène pour vous par écrit , ça me trouble. C'est dire comme j'ai long à apprendre...
Enfin bref........ On constate que chacun peut connaître son printemps et je me garderais bien d'expliquer quoi que ce soit à mon lecteur, sur les médias français , la condition de la femme ou même (plus hardi encore ), sur la Syrie....
Voici donc par étape, ma reflexion commencée 2011.
Comme vous pouvez le voir, elle prend parfois un tour plus littéraire (quand c'est trop violent, en particulier).
Avancons, prudement, au rythme des moments où il me semble pertinent d'apporter un regard sur les évènements.
Précédents billets sur le même thème:
Là où j'en suis de ma reflexion...(1)
Là ou j'en suis de ma reflexion...(2)
Là où j'en suis de ma reflexion...(3)
Là où j'en suis de ma reflexion...(4)
Là où j'en suis de ma reflexion...(5)
Là où j'en suis de ma reflexion...(6)
Là où j'en suis de ma reflexion...(7)
Là où j'en suis de ma reflexion...(8)
Là où j'en suis de ma reflexion...(9)
Là où j'en suis de ma reflexion...(10)
Là où j'en suis de ma réflexion (11)
Là où j'en suis de ma reflexion (12)
Là où j'en suis de ma reflexion (13)
Là où j'en suis de ma reflexion (14)
Là où j'en suis de ma reflexion (15)
Là où j'en suis de ma reflexion (16)
Là où j'en suis de ma reflexion (17)
Là où j'en suis de ma reflexion (18)
Là où j'en suis de ma reflexion (19)
Là où j'en suis de ma reflexion (20)
Là où j'en suis de ma reflexion (21)
Là où j'en suis de ma reflexion (23)
+ ma lette ouverte à Laurent Fabius
+ mes papiers sur la Syrie:
Le dernier billet de la série "Ma Syrie"
Lien vers "Ma Syrie" (20)
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Lien vers "Ma Syrie" (9)
Lien vers "Ma Syrie" (8) (Journée de la femme)
Lien vers "Ma Syrie" (7)
Lien vers "Ma Syrie" (6)
Lien vers "Ma Syrie" (5)
Lien vers "Ma Syrie" (4)
Lien vers "Ma Syrie" (3)
Lien vers "Ma Syrie" (2)
Lien vers Ma Syrie (1)
La première partie de mes écrits sur la Syrie, se trouve dans l'édition sur les révolutions dans le monde arabe sous les liens suivants:
(cliquez ici pour avoir accès au huitième article de cette série sur le monde bédouin du centre de la Syrie) C'est dans cet article que j'explique mon désaccord avec l'édition spéciale de Médiapart et à la suite duquel, je suis revenue sur mon blog....
(cliquez ici pour avoir accès au septième article de cette sériesur le monde bédouin du centre de la Syrie)
(cliquez ici pour avoir accès au sixième article de cette série sur le monde bédouin du centre de la Syrie)
(cliquez ici pour avoir accès au cinquième article de cette série sur le monde bédouin du centre de la Syrie)
(cliquez ici pour avoir accès au quatrième article de cette série sur le monde bédouin du centre de la Syrie)
(Cliquez ici pour avoir accès au troisième article de cette série sur le monde bédouin du centre de la Syrie)
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(Cliquez ici pour avoir accès au premier article de cette série sur le monde bédouin du centre de la Syrie)