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Billet de blog 27 juillet 2015

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Les porcs, c'est dans l'air

C dans l'air a traité de la révolte des éleveurs. On a eu droit à un concert classique sur le coût du travail trop élevé et sur la nécessité de transformer l'agriculture en véritable industrie avec des fermes-usines. Avec à la clé, une ironie permanente à l'encontre des "bobos" qui veulent une alimentation plus saine. Comme si elle avait la moindre compétence en la matière, Agnès Verdier-Molinié était sur le plateau. Dans le quarteron d'ultra-libéraux habitués, on appelle qui est disponible ce jour-là.

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C dans l'air a traité de la révolte des éleveurs. On a eu droit à un concert classique sur le coût du travail trop élevé et sur la nécessité de transformer l'agriculture en véritable industrie avec des fermes-usines. Avec à la clé, une ironie permanente à l'encontre des "bobos" qui veulent une alimentation plus saine. Comme si elle avait la moindre compétence en la matière, Agnès Verdier-Molinié était sur le plateau. Dans le quarteron d'ultra-libéraux habitués, on appelle qui est disponible ce jour-là.

C'est ainsi qu'étaient également présents Philippe Dessertine ("spécialiste" de la finance, le porc ce n'est pas sa spécialité, et ça se sent) et Jean-Marc Daniel, un peu plus connaisseur de l'économie réelle (mais qui trouve le moyen de nous annoncer, tout fier, que les agriculteurs américains consultent chaque jour sur leur PC le cours des céréales, comme si ce n'était pas déjà le cas en France).

Agnès Verdier-Molinié passera son temps à consulter ses documents vite collectés avant de venir, et déroulera sa diatribe contre une agriculture "hyper-administrée", le coût du travail, les charges, les charges, les charges… Pour elle, toute cette crise est liée "au mode de financement du modèle social français". Et toc ! Elle louera une fois encore le modèle allemand. Pour tenter de convaincre les téléspectateurs qu'elle n'est pas branchée que sur sa lutte maladive contre la fonction publique, elle précise, péremptoire, d'une part qu'"une vache ça ne bouge pas" et qu'"une vache ce n'est pas une chèvre" !

Elle, Jean-Marc Daniel et Christiane Lambert (FNSEA) s'insurgeront sans cesse contre les normes (Daniel : "le discours germanopratin sur l'agriculture polluante"). Et de défendre à mort les fermes-usines, seul moyen pour l'agriculture française de subsister. La FNSEA est dans l'ambiguïté du mouvement (parfois violent) qu'elle impulse : combattre les normes administratives et environnementales et réclamer de l'État qu'il régule les prix : une sorte de libéralisme dirigiste. L'inénarrable de Tarlé (l'animateur) se gargarise contre le ministre Le Foll qui n'aurait qu'une connaissance "bobo" de l'agriculture. Jean-Marc Daniel pose tout de même une bonne question : où est passée, pour les agriculteurs, la manne de la baisse énorme du prix du pétrole et du coût des engrais ? Enfin, quand un SMS défile ainsi libellé : "j'ai honte quand j'achète du porc à un prix ridicule", on se demande bien qui peut en être l'auteur.

[émission du 24 juillet sur France 5 : capture d'écran et montage YF]

L'iFRAP défend les fermes usines

Sur son site, l'iFRAP (le think tank que dirige Mme Verdier-Molinié, avec le soutien du Medef, du parti dit Les Républicains et de nos impôts) ironise sur les subventions de l'État aux éleveurs (600 millions d'euros), et une hausse des prix. Pour l'institut, la solution est ailleurs. Vous pouvez être sûr que, sur n'importe quel problème, l'explication sera toujours "compétitivité". S'il y a un différentiel avec l'Allemagne, c'est que cette dernière paye moins ses employés des abattoirs (en utilisant une main-d'œuvre venue des ex-pays de l'Est, avec un coût horaire plus bas et sous le régime du détachement, donc avec des charges sociales correspondant à celles de leur pays). L'iFRAP ne conteste pas ce dumping à l'allemande mais estime que, pour le combattre, il suffit de réformer totalement l'agriculture en créant de véritables entreprises et des fermes gigantesques. C'est ainsi que la France est moquée pour lutter contre une ferme des 1000 vaches alors que l'Allemagne crée des fermes de 5000 vaches. Et les exploitants ont les coudées franches, on ne vient pas les embêter avec des réglementations administratives qui, en France, retardent grandement les réalisations. Ainsi cet institut, qui passe son temps à discréditer le service public en France, comprend que les banques ne fassent pas confiance aux agriculteurs français car souvent menacés par la faillite, prône l'achat de viandes moins chères à l'étranger et s'insurge contre "les réglementations environnementales françaises (…) particulièrement étouffantes et coûteuses par rapports à celles des pays concurrents".

L'iFRAP assène sa vérité : "on ne peut pas  faire vivre un modèle agricole extensif et cher dans un pays comme la France où le modèle social et environnemental est extrêmement onéreux." Car les ultra-libéraux sont sur la même ligne que la FNSEA : développement massif d'une agriculture intensive et marre des "bobos", marre des exigences environnementales (trop strictement appliquées en France, selon eux). Un seul trouve grâce à leurs yeux, car "il touche au bon endroit" : Emmanuel Macron qui a déclaré : "On a des éleveurs qui ne sont pas mieux payés et on a des coûts qui sont 40 à 50% supérieurs (...) Le défi structurel, il est là", et a appelé à la "concentration" des petites structures.

Il ne s'agit pas ici que de C dans l'air ou que de l'iFRAP : le discours qui est tenu là est celui d'une caste qui dispose d'une grande partie du pouvoir dans notre société, qui a des visées précises et ne les dissimule plus. Elle décrit à tort une agriculture de "papa" qui ne se serait pas modernisée et qui n'aurait pas organisé déjà des regroupements. C'est le "toujours plus" érigé en système, dans l'agriculture comme ailleurs : il faut réduire les prestations sociales, baisser les "charges sociales", ne plus payer au Smic. L'iFrap conclut sa diatribe, à propos des éleveurs, à l'encontre de "la politique publique paralysée par les dénis et les tabous" sur une solution : "cesser d'imposer des normes sociales (le Smic universel, encore et toujours…)".

[site de l'iFRAP]

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Billet n°212

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Contact : yves.faucoup.mediapart@sfr.fr

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  [Le blog Social en question est consacré aux questions sociales et à leur traitement politique et médiatique. Voir présentation dans billet n°100. L’ensemble des billets est consultable en cliquant sur le nom du blog, en titre ou ici : Social en question. Par ailleurs, tous les articles sont recensés, avec sommaires, dans le billet n°200]

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