Mai 68: j'voulais être CRS

Me plaît particulièrement la carte d'identité ( elle vous retrace une vie comme dans une enquête de  CRS  Modiano ), et à voir jour et mois de naissance, on trace aussi le signe d'air du narrateur :

aujourd'hui ,vous auriez choisi d'être un Super-héros ! (ces dérivés des activistes nocturnes du KKK); finalement rien n'a changé dans les modèles qui font l'imaginaire des petits garçons, à part que vous rêveriez d'agir seul au lieu de faire partie d'une compagnie de CRS.

à bientôt

"Je serai le seul à avoir vu, de mes yeux vu, le spectacle de la rue Gay-Lussac d’il y a cinquante ans."

Et parce que vous nous avez si bien raconté -merci- ce que vos yeux ont vu, nous aussi on sera un peu avec vous, demain...

Antoine, j'ai les larmes aux yeux, et ce ne sont pas les gaz lacrimo. Le quartier latin est toujours régulièrement envahi par ces sortes d'extraterrestres. Chaque fois que je tomberai sur ces cuirasses qui me font penser à des cloportes je penserai maintenant à vous.

cher ex-voisin: avec ce type de papier, vous allez confirmer votre réputation d'officine de bobos dégustateurs de caviar sur cuillère de nacre ! Si on réussit bien rue Gay-Lussac, rue Claude-Bernard c'était la plèbe qui a moins bien réussi, mon pote le fils de la dame des balançoires du luco qui me montrait fièrement sa maquette dans le hangar aux bateaux de location du bassin est devenu pompier quant á Simon qui ne m'a jamais rendu ma collection de tintins qu'il lisait dans sa chambre du 6éme, il est parti sans laisser d'adresse (ni mes tintins). Il en va de même des Soulat et des Rougier (fleuriste et charbon-vins á la Mouffe) relégués en banlieue par la gentrification du quartier. 

Mai 68 ? Deux souvenirs: la venue de ma mère au pensionnat oú je me trouvais avec la R16 qu'elle y a laissé et qui me servit pour toutes sortes d'aventures avec les potes. Et les coupures de journal montrant les barricades de la rue Gay-Lussac á l'entrée de l'étude: je disais á mon ami Cabral qu'il s'agissait de mon quartier et cela le consolait des nouvelles affreuses qui lui parvenaient de son quartier á lui (massacre de Tlatelolco). Nous étions bien loins mais pas au chaud dans nos Alpes vorarlberguiennes. 

Les CRS, n'étaient-ce pas ces fiers cavaliers de la garde républicaine de la Contrescarpe qui passaient tous les mercredis devant la maison ? Je comprends mieux vos goûts.

... rue Gay Lussac disiez - vous https://www.google.com.mx/maps/place/Gay+Lussac,+Fovisste,+Minatitl%C3%A1n,+Ver./@17.9903898,-94.5907652,17z/data=!3m1!4b1!4m5!3m4!1s0x85ea27897c6163ff:0x84df6c7587f5b6ef!8m2!3d17.9903847!4d-94.5885765    ?  On y a trouvé l'un des deux corps dont il est question dans mon dernier billet (enfin, dans le quartier) !

Sur Mai-juin 68, certains historiens ont vu la révolte étudiante servir de détonateur. Moi qui était un élève dans un établissement militaire - mais nos professeurs et pions étaient souvent des appelés sursitaires, et les transistors n’étaient pas éteints cette nuit dans les dortoirs de l’école-, j’en ai retenu une génération politisée à travers les deux guerres qui ont marqué cette decennie : la guerre d’Algerie et celle du Vietnam. Sans elles, que serait devenue la révolte étudiante et les mouvements d’extrême gauche?

En attendant, le 11 mai 1968, plus d’école, plus de voiture, plus de lait pour le nourrisson : la famille s’exile dare dare à La Ferté-sous-Jouarre (Seine-et-Marne) : s'exile comment, la 403 avait brûlé ?

J'étais en Allemagne en 68... A l'armée! Je n'avais jamais rêvé d'être soldat! Heureusement je sondais les bras morts du Rhin sous les ordres d'un "juteux" aux cheveux longs (un frère de la route égaré) pour le compte de la Batterie Géographique... Chose impensable, nous nous sommes mis en gréve! Le colon, un brave type, ne nous a pas envoyé en taule... Mais d'autres ont chu à Landau... Les tanks, pendant ce temps, avaient fait route vers les relais radio. Je suis resté deuxième classe (et j'en suis fier!)

Le contexte sociologique ne vaut que par les conséquences globales sur la société dans son ensemble! Votre histoire est certes émouvante... Elle éclaire aussi d'un jour nouveau sur ce que vous êtes devenus, voir même sur vos choix d'éditorialiste...

Il est sûr que celui qui habitait alors le quartier latin, entouré d'intellos, ne pouvait avoir la même appréhension des évènements qu'un prolo du 18 ème arrondissement (quartier Château-Rouge) où mes parents survivaient!

Dans la vidéo de l'INA un intervenant dit que les gens, y compris les bourgeois des 5eme et 6eme arrondissements, en avaient assez d'un autoritarisme ridicule, opinion partagée. Et alors tant mieux si cela a pris aussi un tour plus social et conduit aux accords de Grenelle grâce aux ouvriers parisiens de Billancourt ou provinciaux de Sud-Aviation et autres lieux....Comme chez Berliet à Lyon.

" Une utopie est un projet réalisable, qui n'a pas encore été réalisé. " 

Théodore Monod 

Le meilleur article sur mai 68 jusqu'a present ! :-)

Cher   Perraud,

Comme il est agréable d'avoir aujourd'hui de beaux documents  au blanc et noir  (surtout)  somptueux !  En particulier,  en effet,  de cette belle rue Gay ! Pensons  aux courageux  preneurs de vues  et de sons,  fort pétaradants,  qui risquaient   (presque)  leur vie.  Que ne les interroge-t-on aussi ? 

Mais il en fut,  nous dit-on,  de même pour le Boul'Mich,  fort  dép(r)avé  et aux beaux arbres abattus,  non ?  Les avez-vous vus ?  Là aussi,  de très bien formés  "tourneurs"  ont opéré.  Mais dans le silence  du matin,  cette fois ... Ô !  désolation du vieux boulevard de nos pères et grands-pères !  

Ah ! La "société est bien une fleur carnivore".  

Sauf galéjade, il est dommage  de voir une si belle vocation  ainsi refoulée ! Mais je n'en crois rien : vous êtes beaucoup trop patelin pour avoir eu ce genre d'enfantine pulsion !

Toutefois, s'il fallait quand même vous croire,  comme vous l'esquissez plaisamment :  tout devient clair,  et l'on vous excuse.  De plus,  matraquer les intellects,  c'est plus classe,  et parfois socialement encouragé ... 

NB. Au fait, vous fûtes un charmant bambin ! Osera-t-on se dire : " ah ! comme on change, n'est-ce pas ?" Bien à vous.   

Courageux homme, respects et bravo à vous de vous présenter ainsi devant les gens que, depuis votre poste de rédacteur, vous humiliez souvent. Courageux et heureux car là, en toute vulnérabilité, tel un CRS en civil, vous n’êtes plus qu’Antoine Perraud auteur.
Je trouve l’histoire bien et bien écrite alors que les sujets personnels sont, on le sait, les plus difficiles à traiter pour cause de… distance.

J'adore votre texte ! Le 11 mai, au matin, après avoir accueilli dans ma turne pendant une partie de la nuit quelques rescapés des  barricades de la rue Gay Lussac, j'ai croisé sans doute la même compagnie de CRS au coin de la rue d'Ulm, - je partais vers Austerlitz prendre mon train pour Bordeaux afin d'y récupérer, quelques jours, des fatigues des épreuves écrites de l'agrégation ! je n'avais pas du tout envie que les CRS me bouchent le chemin.

Très beau texte!

Vous connaissez la blague, n'est-ce pas ? 

Deux gosses discutent ... Le premier, en galoches et manifestement fils de prolos, lance : "Moi je veux être flic" ... L'autre, chaussures modes et fils de bourges, rétorque : "Moi, chef des flics !"

• 1 - Notre société est résumée
• 2 - Perraud manquait vraiment de véritable ambition.

CDT à tous.  

Vous savez quoi Antoine, votre Maman est une femme bien.