La coalition des intérêts particularistes S.H.A.F. ou l’aristocratie du moment.
1) Les larrons en foire.
Ce que l’Histoire nous montre, c’est que la propagande est un outil de la gouvernance des peuples. Elle a pour finalité d’agréger une ou des communauté(s) autour d’un homme, d’un lobby, d’un projet, d’un credo, d’un idéal, avec la volonté de s’octroyer des privilèges ou, plus noblement, de faire nation. À cet effet, on ment effrontément ou par omission mais toujours pour la bonne cause : celle de l’intérêt bien compris. L’administration américaine de G.W.Bush nous a fourni un exemple terrifiant d’horreur et de cynisme.
L’homme peut, aussi, se mentir à lui-même ou faire semblant de croire, ce qui revient au même : de la culpabilité à la haine, il y a toute une palette de nuances de sentiments qui l’y poussent. Par exemple, nous Français qui cultivons l’autisme et l’occultation dans notre rapport à l’Histoire, sommes bien placés pour le savoir : « Avoir fait plus de mal qu'on ne peut ou ne veut réparer incline son auteur à haïr la victime, car il doit compter sur la vengeance ou le pardon, les deux étant odieux » [1] Thomas Hobbes, Léviathan P.89.
Cinquante-cinq après la fin de la guerre d’Algérie, nous en sommes toujours ( du moins pour beaucoup d’entre nous ) à glaner dans toutes les publications( sauf dans l’Histoire Comparée ,trop blessante , la malapprise) le qualificatif, l’anecdote, la « vérité » encore apocryphe qui viendrait conforter notre amour de l’Arabe–à la façon du vieux Salamano : « salaud, charogne (…) je n’aurais jamais cru que cette charogne pouvait partir comme ça » [2] Camus, l’Etranger, page 59 et 60.
Par ailleurs, « Le défaut de science, c'est-à-dire l'ignorance des causes, porte [les] hommes, ou plutôt les contraint à se fier au conseil et à l'autorité d'autrui. (…) qu'ils pensent plus sage qu'eux-mêmes, et qu'ils ne croient pas susceptible de les tromper ». Quant à « L'ignorance de la signification des mots, [c’] est un défaut de compréhension ; elle porte les hommes à accepter de confiance, non seulement la vérité qu'ils ne connaissent pas, mais aussi les erreurs, et qui plus est, les absurdités de ceux à qui ils se fient, car ni une erreur, ni une absurdité ne peut être découverte sans une parfaite compréhension des mots ». [3] Hobbes, Léviathan p.91.
Notre époque (après d’autres, l’Histoire n’est nullement avare en la matière) nous montre combien énorme est le prix à payer pour cette « ignorance de la signification des mots ». En abandonnant à des lobbies, alliés de circonstance, le monopole exorbitant de nous définir « l’Islam » et la laïcité sous la lumière polarisée de leurs intérêts particularistes, nous avons abdiqué notre citoyenneté et facilité, ce faisant, la dissémination de la discorde dans notre corps social.
Ces lobbies sont au nombre de quatre : sionistes, homosexuels, athées et féministes. D’aucuns sont moins respectables que d’autres. Chacun défend sa cause propre, différente de celles de ses affidés, alliés de circonstance. Leur entente est fondée sur un dénominateur commun : un mix fait d’Islam (une religion) et d’islamisme (des politiques). À chacun d’instrumenter ces derniers dans une partition à même de défendre au mieux sa cause particulariste propre et celles des compères.
Ce qui meut l’athée est évident : détruire « l’infâme » selon Voltaire : les religions, toutes les religions.
L’adversaire des féministes et des homosexuels est aussi la religion mais la catholique qui imprègne, malgré un déclin apparent de la pratique (encore qu’aux baptêmes, communions, mariages et enterrements, il y a foule dans les églises) la vie sociale des Français. Les conquêtes dites de la libération sexuelle ont été obtenues, justement, en se défaisant partiellement de cette prégnance. Les avancées escomptées- en particulier en matière de Mariage pour tous, de PMA, de G.P.A, d’adoption pour les couples homosexuels - ne peuvent prospérer durablement qu’en obligeant l’Eglise à reculer davantage. Ce qui n’est pas une tâche aisée. En effet, quand l’Eglise est acculée à la réaction, des Français, en masse, descendent dans la rue pour sa défense : l’adversaire recule presque systématiquement, comme nous le voyons depuis les guerres scolaires du début de l’ère Mitterrand.
Ne pouvant s’attaquer de front à l’Eglise Catholique Apostolique et Romaine, ces trois lobbies se livrent à un travail de sape consistant à dégouter les Français du fait religieux. L’Islam, que l’actualité a poussé sur le devant de la scène, depuis 1979, est le repoussoir idoine (et ce d’autant mieux qu’on s’applique à l’aider à le paraître en maquillant son pedigree et en focalisant sur la bave et les crocs d’une poignée des siens , en criant à longueur de longueur d’onde qu’ils ont la rage - sans jamais dire , bien sûr , que , nos amis américains et nous , la leur avons inoculée).
Il se trouve que l’Islam de France est sans clergé, donc sans défense : les victoires contre lui sont déconcertantes de facilité. Toutes ces victoires ont été proclamées « victoire contre la Religion » afin d’englober l’Eglise de France, à son corps défendant, dans la révolte et l’opprobre, légitimes, qu’inspire l’islamisme. Le verdict de ces lobbies est lapidaire : la religion génère les guerres et l’horreur ; le réquisitoire de l’histoire l’atteste ; l’actualité le démontre.
Les sionistes aussi focalisent sur l’Islam et l’islamisme, mais pour d’autres raisons. Rendre l’Islam haïssable, c’est embourber les Arabes dans cette haine et par transitivité les Palestiniens aussi. Et cela marche : jamais la lutte du peuple palestinien n’a été en butte à un tel degré de dénigrement et d’occultation malsaine, en Occident. Il y a pourtant dans cette affaire un colonisateur et un colonisé.
Pour illustrer « l’enfumage » auquel se livrent nos amis sionistes , je renvois le lecteur à l’article «Le vrai générateur de l’Etat islamique, c’est le Jugement dernier»,[4] de Jean-Pierre Perrin, Médiapart.https://www.mediapart.fr/journal/international/150917/le-vrai-generateur-de-l-etat-islamique-c-est-le-jugement-dernier
Selon Ori Goldberg, chercheur israélien à l’Institut international du contre-terrorisme d’Herzliyya, le but de DAESH serait «de préparer les pays occidentaux à la venue du Jugement dernier. Aux yeux de Daesh, il faut que les Occidentaux perdent l’illusion qu’ils sont à la fois aussi forts et intelligents que Dieu. Par-dessus tout, il veut débarrasser ces pays de leur hypocrisie, qui est considérée dans l’islam comme le pire des péchés. Tous les djihadistes ont cette certitude que l’Occident va vers sa fin dernière. Mais ce n’est pas une croisade qu’ils mènent. Ils veulent juste préparer les pays occidentaux à la venue de Dieu ».
C’est ce qu’on appelle une transduction ésotérique : le but du jeu de ce télescopage est d’installer une relation de cause à effet approximative entre Islam et Daesh ,entre la notion de jugement dernier (ou purgatoire pour les catholiques) et les islamismes (des politiques donc) instrumentés par Daesh.
Constatons d’abord que M. Ori Goldberg n’est pas allé loin pour dénicher ces thèses : il suffit de remplacer le mot « DAESH » par « mauvais juifs et goyim » pour retrouver les « marronniers » des quartiers de l’intégrisme juif d’Haïfa, de Jérusalem et des colonies de Cisjordanie, aujourd’hui ou des shtetls d’Europe centrale, hier. Ces théories sont juives comme, du reste, le messianisme ( qui donna chez les chrétiens judaïsants l’idée de parousie) .
Les premiers à avoir puisé dans ces thèses ont été les chrétiens dits judaïsants qui n’avaient pas osé se démarquer totalement de la Loi mosaïque et de la tradition hébraïque. L’héritage se perpétua par l’emploi de l’ancien testament (qui n’est que la Thora, la loi juive, sous un autre nom). L’Islam, le petit dernier du monothéisme, sans complexe se réclamant d’Abraham, se mit d’autorité dans la longue file des enseignements des patriarches et bombarda même Moïse et Jésus-Christ prophètes majeurs de l’Islam. (Il y a comme du sans-gêne, c’est un peu comme Kamel Ouali égaré dans le « Lac des cygnes » et, en danseur étoile, en plus !).
Quel scoop ! Pascal dit que « à faire l’ange, on fait la bête ». Je ne crois pas forcer le trait en précisant que M. Ori Goldberg « fait l’âne » : il nous prend pour ce que nous sommes, sans préliminaire.
DAESH, c’est d’abord le résultat de l’éclatement de l’Irak ; c’est surtout la fraction sunnite de l’armée – laïque – de Saddam Hussein, renvoyée violemment à son obédience religieuse. (Lire la suite, [5] ) ; sinon, comment expliquer la profusion de pilotes d’avions et d’hélicoptères, de servants de missiles et autres spécialistes de la guerre moderne dans ses rangs ? Le Proconsul américain, Bremer, condamna cette armée fracassée à l’errance et à la faim. Rappelons que le pétrole d’Irak fut confié aux Kurdes et aux Shiites - vassaux de l’oncle Sam depuis. Certes, le succès de Daesh draina vers lui bien des courants islamistes dont Al Qaeda que nos spécialistes (Gilles Keppel entre autres) annonçaient moribonde, à l’époque.
Rappelons à M. Ori Goldberg, sans donner dans la comptabilité macabre, que les victimes des méfaits de DAESH sont, dans l’écrasante majorité, des musulmans.
Comme nous le constatons, le contexte international d’une part et la particularité de l’Islam de France (lien [6]) ont grandement facilité cette entente des quatre lobbies particularistes et le déroulement de leur dynamique coupable. Qu’on en juge.
À partir de 1979, l’actualité avait incrusté, durablement, sur nos écrans et nos journaux la révolution khomeyniste et surtout, un schisme de l’Islam : le Shiisme duodécimain d’Iran [7] (lien). Ce dernier s’invita dans nos salons sous le nom générique devenu, pour la circonstance, absolu et univoque : « Islam ». Pourtant l’Islam, religion de 1,6 milliard de personnes, est divers (lien[8] ) ; il englobe d’innombrables peuples et plus encore de cultures ; il se décline sous quatre obédiences sunnites, trois schismatiques (dont deux shiites) et une myriade de sectes (dont le Wahhabisme saoudien). Le Shiisme duodécimain iranien ne représente que 4,6 % du total des musulmans ; pourtant c’est lui qu’on avait bombardé « Islam » et dont on avait sursaturé les ondes.
Nota : il ne viendrait pas à l’idée de nos lobbies particularistes de désigner le schisme Monophysite arménien - devenu apostolique - du nom générique, univoque et absolu de « christianisme » : un schisme est par définition une partie qui se sépare d’un corpus principal. Et, une partie ne peut représenter le tout que dans les esprits malins des bretteurs de la rhétorique : cela s’appelle une synecdoque.
Le Shiisme duodécimain des ayatollahs révolutionnaires iraniens, fut rendu exécrable par le renversement du Shah (pièce maîtresse sur l’échiquier US), la prise d’otages de l’ambassade des USA, les affaires Eurodif et Walid Gorgi, l’affaire Salman Rushdie et enfin la guerre Iran /Irak (lien: [9]). Il tombait à point nommé. Il fut sacré aussitôt « Islam » par nos lobbies particularistes, alliés de circonstance, qui nous disent depuis : l’« Islam » est homophobe, misogyne, antisémite, violent, rétrograde, ennemi de la science, intolérant , intransigeant, missionnaire, non miscible dans la démocratie et dans notre culture.
« C’est injuste ! Réduire l’Islam, dans sa diversité, à cet assemblage de clichés flétrissants, c’est comme définir un homme par les breloques hémorroïdaires qui bringuebalent à l’arrière de ses cuisses » me déclarait mon épicier « l’Arabe du coin » qui, doublement ulcéré , avait manifestement l’air de savoir de quoi il parlait.
Du reste , Zbigniew Brzezinski , conseiller du président Carter pour les affaires de sécurité, abonde dans son sens [10] :" C’est stupide : il n’y a pas d’islamisme global. Regardons l’islam de manière rationnelle et non démagogique ou émotionnelle. C’est la première religion du monde avec 1,5 milliard de fidèles. Mais qu’y a-t-il de commun entre l’Arabie Saoudite fondamentaliste, le Maroc modéré, le Pakistan militariste, l’Egypte pro-occidentale ou l’Asie centrale sécularisée ? Rien de plus que ce qui unit les pays de la chrétienté .
La suite de cet article lien : https://blogs.mediapart.fr/edition/lescarbille/article/180917/la-coalition-des-interets-particularistes-partie-2
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[1] Thomas Hobbes, Léviathan P.89.
[2] Camus, l’Etranger, page 59 et 60.
[3] Hobbes, Léviathan p.91.
[5] lien : https://blogs.mediapart.fr/edition/lescarbille/article/010517/un-chaos-en-heritage
[6] lien:https://blogs.mediapart.fr/edition/lescarbille/article/130617/b-2-les-origines-de-l-islam-de-france
[7] https://blogs.mediapart.fr/edition/lescarbille/article/130617/le-shiisme
[9] lien:https://blogs.mediapart.fr/edition/lescarbille/article/100117/genese-du-chaos-moyen-oriental-ii
[10] lien : https://blogs.mediapart.fr/belab/blog/271216/la-cia-en-afghanistan-avant-la-guerre-russo-afghane