La jeunesse ça n’existe pas, il y a des jeunes nantis, des jeunes révoltés, des jeunes paumés, des jeunes des villes, des campagnes, des banlieues, des jeunes politisés, ou qui ont renoncé, des jeunes d’extrême droite, etc, etc… Celle qui se fait entendre dans le Club Mediapart, elle, est clairement de gauche (ce qui ne veut sûrement pas dire qu’elle ira voter !) et n'hésite pas à aller dans les manifs pour défendre une société ouverte, écolo et respectueuse des droits humains.
Cette jeunesse-là, aujourd'hui, elle est dans un drôle d’état. Désemparée, elle se réveille avec la gueule de bois, avant même d’avoir eu le temps de se griser. Monsoon Chicouard le dit avec des mots simples et percutants « La France ressemble donc à ça, à un déferlement de haine, à une démocratie qui n’en est plus vraiment une, où l’on empêche des journalistes de faire leur travail et où l’on tape sur des manifestants anti-racisme pour la seule et bonne raison que leur combat ne plaît pas aux partisans du candidat à la présidentielle ? J’ai 16 ans, et j’ai peur pour mon pays. J’ai peur de ce trumpisme français, j’ai peur pour mon avenir, et pour l’avenir de tellement de personnes autour de moi. »
Alors que les rares condamnations politiques ont brillé par leur mollesse et leur relativisme (lire à ce propos l'article d'Ellen Salvi) eux osent regarder la catastrophe en face. Et sentent bien que « demain est annulé ». Dans Dimanche 5, un déchirement, Joseph Siraudeau écrit dans une langue qui reste poétique envers et contre tout :
« Conscient.e que ces phénomènes ne datent pas d’hier (je pense, entre autres, à ces groupuscules fascistes souvent en balade à Lyon), je ne pourrais pas dire : un cap a été franchi. Non, il n’y eut ni bifurcation, ni amplification. Il y eut simplement actionnement du détonateur. “Tic, tac fait, depuis cet après-midi, l'horloge du péril politique. »
Encore plus près du péril, une manifestante raconte dans « Cours vite et souffre en silence » sa journée à Villepinte, où elle s’est faite gazée par la police. Pour elle, nulle doute, « Les forces de l’ordre font bien plus que maintenir “l’ordre” dominant : ils nous haïssent, et ils défendent Zemmour et ses sbires. Ils sont détenteurs de la violence se voulant “légitime” et représentent l’État, mais peu leur importe. C’est ça, “Lafrance”, aujourd’hui ? C’est ce pays, moi jeune fille dans la vingtaine, où je suis sensée vivre et grandir ? »
Nicolas Renaud, un étudiant qui tient un blog dans le Club depuis quelques mois, rappelle la responsabilité des médias (de certains médias !) dans le succès de ce candidat condamné pour provocation à la discrimination raciale et à la haine envers les musulmans. Pourquoi certains jeunes sont emballés au point de faire campagne pour lui ? « Dans le documentaire Les nouveaux réacs de Martin Weil leur soutien s’explique par le fait qu’Éric Zemmour a été une figure structurante et culte de leur enfance, de par certaines de ses interventions ; ayant grandi avec ce personnage à l’écran comme modèle, il en résulte un engagement aujourd’hui auprès de sa candidature. »
Il fut une époque (la mienne) où l’on grandissait paisiblement avec la figure de Coluche, aujourd’hui, on biberonne les jeunes avec des "intellectuels" cathodiques qui prônent la guerre civile, rien d’étonnant qu’ils sentent le sol se dérober sous leurs pieds…
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Sur la zemmourisation de l'espace public, d'autres billets publiés cette semaine ont suscité l'intérêt de nombreux lecteurs. Les voilà (pour ceux qui n'ont pas eu le temps ou ne les ont pas vu passer) :
« Pas de plateforme pour le fascisme » et « liberté d’expression » de Geoffroy de Lagasnerie
Zemmour, Le Pen et l’antifascisme de Ugo Palheta
Le fascisme est faible quand le mouvement de classe est fort de Guillaume Goutte
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