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L'Hebdo du Club

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Billet de blog 20 octobre 2016

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L'Hebdo du Club: Hollande président, l'énigme

Suicide politique, stratégie électorale, ou encore symptôme du délitement institutionnel actuel, les interprétations sur les confidences de François Hollande dans « Un président ne devrait pas dire ça... » sont allées bon train. En revanche, personne ne s'est avancé sur l'impact probable de cette séquence sur la (non) candidature de François Hollande en 2017.

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Depuis une semaine, le Club ne cesse de décortiquer l'ovni médiatico-politique. Le livre de confidences du Président de la République (présenté exhaustivement ici par Lenaïg Bredoux), signé des journalistes Gérard Davet et Fabrice Lhomme, n'a pas provoqué à proprement parler de sidération – ou sinon elle est très bavarde – mais un sentiment diffus d'étrangeté. Le président porte-t-il encore la parole présidentielle, fait-il toujours partie du PS, et peut-il encore être candidat en 2017 ?

Dès le lendemain de la sortie du livre des deux journalistes du Monde, et de l'interview de François Hollande à l'Obs où il annonce « Je suis prêt », Calvi a publié ce dessin qui résume bien l'avis général des contributeurs du Club. 

Illustration 1

Avec ce commentaire sévère et définitif de Michel Humbert : 

Illustration 2

Dans « Hollande : chronique d'un sabordage pathétique », Bruno Painvin se demande : « Hollande est-il Président ? »

« Comme si l’homme qui se cache derrière le Président reprenait sa vraie place, son vrai visage, le Président disparaît, le masque tombe, reste le rondouillard rigolo mais cynique, l’expression d’un nihilisme moral qui ne fait pas bon ménage avec la gauche telle que je la comprends, telle que je la rêve encore et toujours. Les trahisons de Hollande viennent toutes de là. Cet homme n’avait pas les moyens de son ambition, juste l’art du swing en eaux troubles, à grands coups d’apnées profondes. “Un Président ne devrait pas dire cela…” Un Président non, mais Hollande n’est plus, n’est pas, n’a jamais été “Président”, c’est le sens que je donne au livre de ces deux journalistes. »

Du côté des élus socialistes, le rejet est tout aussi fort. Florent Boudié, député de Gironde, considère même que ces « babillages présidentiels » sont la preuve que François Hollande a manqué son rendez-vous avec l'Histoire.

« C'est un sujet d'interrogation assez confondant, avoue-t-il. Comment un président de la République, placé au cœur de nos institutions, dans une période de notre histoire aussi mouvementée et même troublée, peut-il s'accorder autant de légèreté et d'insignifiance ? »

Un jugement largement partagé dans le Club, donc, qui a toutefois reçu un accueil distancié du fait du soutien actuel du député PS de Gironde à Emmanuel Macron, considéré ici comme un symbole flamboyant du brouillage politique.

Illustration 3

Le même jour, le sociologue Laurent Mucchielli propose l’analyse d’un point précis de ces confidences : « Cette institution, qui est une institution de lâcheté... Parce que c'est quand même ça, tous ces procureurs, tous ces hauts magistrats, on se planque, on joue les vertueux... On n'aime pas le politique. La justice n'aime pas le politique... »

« Dans le livre publié par deux journalistes du Monde, François Hollande tient des propos particulièrement méprisants à l'égard de la magistrature. Les syndicats de magistrats sont outrés et on les comprend. Ces propos sont accablants pour le chef de l’État, mais ils sont peut-être aussi révélateurs d’un problème de fond de la démocratie française », selon le sociologue, qui dans ce billet ne refait pas l’analyse des relations entre le pouvoir politique et la justice en France (très bien mise en perspective dans l'article du journal de Michel Deléan), mais « se contente » de trois observations sur « la défiance des politiques à l’encontre de la justice », la « frontière parfois poreuse entre les élus et les magistrats » et une « surestimation du pouvoir des magistrats... qui pose la lancinante question des moyens de la justice ». Avec ce constat final : « Au final, qui a le plus intérêt à maintenir la justice dans cet état de misère chronique, sinon les responsables politiques ? »

Un immense trouble, de la colère, l'impression d'être entraîné dans un abîme… C'est dans cette tonalité que d'autres billets ont traité de ce livre, à l'instar de « Revue de presse » de Nabum. « Rien que le titre de ce torchon est indigne de la fonction. Puisqu’il ne doit pas le dire, qu’il la ferme. Que veut-il nous faire comprendre en remuant ainsi la fange ? » Ou encore du billet (très lu) de Daniel Salbatorre Schiffer, « Moi président, je ne devrais pas dire ça ». « François Hollande, que les vrais socialistes considèrent comme le fossoyeur de la gauche, vient de se discréditer définitivement, avec ce brûlot journalistique qu'est "Un Président ne devrait pas dire ça...", aux yeux de l'opinion publique, comme de bon nombre de ses partisans, consternés. Un véritable suicide politique, par son indignité, doublé d'une fin de règne aussi pathétique qu'annoncée ! » Et aussi le billet très apprécié d'Antoine Perraud, qui a appelé Blaise Pascal au chevet de François Hollande pour éclairer cet excès d'égotisme présidentiel. Extrait : « Que diriez-vous de cet homme qui aurait été fait roi par l'erreur du peuple, s'il venait à oublier tellement sa condition naturelle qu'il s'imaginât que ce royaume lui était dû, qu'il le méritait et qu'il lui appartenait de droit ? Vous admireriez sa sottise et sa folie. » 

Avec ce commentaire, très bien senti de Bertrand Rouzies, qui exhorte tout un chacun à sortir de la servitude volontaire.

Illustration 4

Enfin, d'autres billets ont tenté d'analyser le sens de ces étranges déclarations. Ficanas, dans « Pourquoi Hollande ne veut-il plus du PS », se demande « quelles sont les intentions du président ».

Illustration 5

« Il sème ses remarques sur l’immigration, l’islam, sa vie privée et la justice. En fait il apparaît comme plus humain et, en réalité, satisfait une grande partie de l’électorat qui partage souvent ses idées. À y regarder de plus près c’est l’amorce d’un programme. Il est évident que François Hollande veut être candidat à sa succession, mais pour cela il doit faire porter la responsabilité de ses échecs sur d’autres ; ces autres ce sont les écologistes et les socialistes. »

Quant à Noël Mamère, dans son billet intitulé « La lente agonie politique de François Hollande », il s'interroge sur la suite politique de cette parution : « signera-t-elle la non candidature de François Hollande ? Personne ne le sait ; l’homme étant tellement obstiné qu’il cherchera, jusqu’à la dernière seconde, le trou de souris pour s’y faufiler et tenter de conjurer la défaite programmée. »

La réaction des contributeurs fut encore une fois unanime. Avec un accent particulier des partisans de Jean-Luc Mélenchon, qui espèrent ardemment que cette débandade présidentielle profite à leur candidat.

Illustration 6

Pour finir cet hebdo du Club, je vous signale deux billets qui ont intensément fait réagir.

Primo, la vidéo très bien léchée, postée par Ivan Vila, de Brice Montagne qui « cherche quelqu'un pour qui voter en 2017 ». Dans son « Cher Jean-Luc Mélenchon, j'ai quelque chose à te dire » (215 commentaires), il est question de la place de l'Europe (l'UE !) dans le programme du candidat de la France insoumise. 

Secundo, la tribune de Marwan Muhammad, directeur exécutif du Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), intitulée « Cinq leviers pour (vraiment) changer la France », concernant la politique générale, l'économie, l'international, l'environnement et la démocratie. Des propositions jugées un tantinet trop libérales par les commentateurs, mais qui ont permis de discuter d'autres choses que des sujets concoctés par les candidats. Pour sortir de la domination et de l'engourdissement de l'esprit qui va avec, la Boétie ne conseillait-il pas de changer les habitudes…

PS ! : L'hebdo du Club va connaître une interruption pendant les vacances de la Toussaint.

Bonne lecture et à bientôt !