Version numérique de la revue Dedans-Dehors, ce blog informe sur les conditions de détention en France. Il décrypte les politiques pénales et pénitentiaires, ainsi que leurs effets sur le terrain. Il1…
donne la parole aux témoins quotidiens de la prison : les détenus et leurs proches venant au parloir, les professionnels et intervenants en détention (personnels pénitentiaires, médecins, enseignants, associations, chercheurs…). Des informations et paroles qui reflètent une toute autre réalité que celle des faits divers. Cet envers du décor, où se cachent les dégâts et effets contreproductifs de l’approche répressive, dans laquelle médias et politiques ont enfermé le débat public. www.oip.org
Photo de couverture : (c) G. Korganow / CGLPL
Quand le risque suicidaire est jugé important, l’administration pénitentiaire déploie des mesures d’urgence visant à empêcher le passage à l’acte. Mais ces mesures ne s’accompagnent pas toujours d’une prise en charge médico-sociale adaptée : elles s’apparentent alors à des outils de gestion des incidents, protégeant l’administration davantage que les personnes détenues.
L’administration pénitentiaire n’a de cesse de renforcer ses protocoles sur la prévention du risque suicidaire. Mais dans un environnement inévitablement suicidogène, ces mesures se heurtent à de nombreuses limites, accentuées par une surpopulation et un manque de moyens humains qui ne font que s’aggraver.
Théo*, 27 ans, a été confronté à des suicides et tentatives de suicide dans la plupart des établissements pénitentiaires par lesquels il est passé. Il évoque la façon dont ces événements affectent toutes les personnes détenues.
En France, une personne détenue se suicide tous les deux ou trois jours. Autant de vies singulières, et autant de questions douloureuses. Les questions des proches, qui doivent souvent batailler pour obtenir des réponses. Et celles que pose la prégnance d’un tel désespoir au sein du système carcéral.
Parmi les personnes placées à l’isolement, certaines y sont pour leur propre protection. Une extrémité qui s’avère trop souvent la seule option disponible dans un système incapable d’assurer la sécurité de tous.
Florian D., alias « Libre Flot », a été placé à l’isolement pendant toute sa détention provisoire, de décembre 2020 à avril 2022, dans l’affaire dite « du 8 décembre ». Un an après sa sortie sous bracelet électronique, son maintien à l'isolement a été jugé irrégulier par le tribunal administratif de Versailles. Le militant libertaire revient sur cette épreuve.
Chargée de recherche associée à l’université d’Oxford, Sharon Shalev travaille sur les régimes d’isolement carcéral depuis une trentaine d’années. Elle a conseillé différents États et organisations internationales à ce sujet, et coordonné une étude comparative de ces régimes dans 42 pays, parue en janvier 2024*.
La réduction drastique des interactions et des mouvements des personnes placées à l’isolement les expose à des risques psychiques et somatiques majeurs. Pourtant, plus encore que dans le reste de la détention, l’accès aux soins est entravé et le suivi médical défaillant.
Le fils de Sophie*, âgé d’une vingtaine d’années, a passé six mois à l’isolement. Un an après sa remise en liberté, la mère du jeune homme constate encore chez lui les dommages psychologiques occasionnés durant cette période.
Sur le papier, le recours à l’isolement administratif est étroitement encadré. Mais dans la pratique, les abus ne manquent pas : détournement disciplinaire, motifs mal étayés, isolement déguisé… Malgré le formalisme de la procédure, faire respecter les droits des personnes détenues reste souvent une bataille.