Version numérique de la revue Dedans-Dehors, ce blog informe sur les conditions de détention en France. Il décrypte les politiques pénales et pénitentiaires, ainsi que leurs effets sur le terrain. Il1…
donne la parole aux témoins quotidiens de la prison : les détenus et leurs proches venant au parloir, les professionnels et intervenants en détention (personnels pénitentiaires, médecins, enseignants, associations, chercheurs…). Des informations et paroles qui reflètent une toute autre réalité que celle des faits divers. Cet envers du décor, où se cachent les dégâts et effets contreproductifs de l’approche répressive, dans laquelle médias et politiques ont enfermé le débat public. www.oip.org
Photo de couverture : (c) G. Korganow / CGLPL
À mesure que le nombre de personnes détenues augmente, les parloirs et unités de vie familiale sont toujours moins accessibles. Beaucoup n’ont plus que le téléphone pour maintenir un lien avec leurs proches – à condition d’en avoir les moyens, et de passer outre la présence de leurs codétenu·es en cellule.
Avec la surpopulation, c’est tout le circuit de la détention qui est désorganisé. Les mouvements sont compliqués, tous les quartiers saturés, des pénuries apparaissent, impossible de pousser les murs des douches et des cours de promenade… Autant de facteurs qui aggravent encore les conditions de détention.
On parle souvent du taux élevé de récidive. Commencez par vous interroger sur les conditions d’incarcération : même les animaux d’élevage intensif ont de meilleures conditions de vie.
En prison, on attend pour tout. Et avec la surpopulation, on attend encore plus longtemps : les personnels sont débordés et l’accès aux soins, au travail ou aux activités, déjà très limité, est encore plus restreint. Au prix de la santé et de l’accompagnement des personnes détenues, de tensions accrues, et d’une détention toujours plus vide de sens.
Un jour, il y a fort longtemps, quand ma mère avait encore la force physique et surtout morale de rendre visite à son coquin de fils… Au cours de la conversation, elle m’a demandé un peu de mon quotidien, et sans le vouloir, je l’ai choquée : elle a découvert que nous étions deux en cellule et que je devais faire mes besoins dans la même pièce de 9m2 que mon codétenu...
Être à trois voire quatre dans une cellule, ça peut vite tourner au cauchemar, surtout si on ne s’entend pas. Des fumeurs avec des non-fumeurs. Une télé pour tous, difficile de se mettre d’accord sur le programme à regarder. La promiscuité, ce n’est pas un vain mot. Il y a des gens qui se lavent, des gens qui ne se lavent pas, des gens qui parlent tout seuls, des gens qui prient à longueur de journée, même la nuit.
« On était trois dans 8m2. Et il faut ajouter les lits, les meubles… On n’a pas de place, quoi : on se marche dessus. On faisait le ménage tous les jours, parce que ça se salit très vite avec autant de monde. »
La prison, c’est avant tout de l’humain, et je crois que cette notion disparaît. Déshumanisée, que va-t-elle devenir ? Ici, il faut tellement économiser que le kit hygiène individuel n’est plus remis à chaque détenu, mais à la cellule. Un kit pour deux, quatre, six détenus, voire plus. Il nous faut maintenant acheter nos sacs poubelle, acheter tout notre papier toilette.