Comme d'habitude en pareil cas, le Premier Ministre donne libre cours à l'exercice d'autosatisfaction qui est le propre de nos gouvernants : "Nous n'avons de leçons à recevoir de personne en matière d'efficacité écologique et environnementale". C'est d'abord oublier que la question écologique ne se réduit pas aux seules émissions de gaz à effet de serre, mais également à l'artificialisation des terres qui continue avec la prolifération des projets autoroutiers et la bétonisation des espaces agricoles. Tous les articles sur le sujet s'accordent à dire que les évaluations à la baisse portent uniquement sur les émissions, mais ne tiennent pas compte de la destruction des puits de carbone liées à la menace sur les espaces forestiers et agricoles. Or une communication de France Info énumère les raisons pour lesquelles les forêts rejettent désormais plus de carbone qu'elles n'en absorbent, suggérant ainsi qu'un bilan fondé uniquement sur la quantité d'émissions carbones est nul et non avenu. Enfin, la baisse des émissions sur le sol français n'a pas de signification si le bilan carbone exclut les émissions importées, c'est-à-dire liées à la fabrication et au transport des produits fabriqués à l'étranger.
Cette baisse de l'empreinte carbone est très inégale d'un secteur économique à l'autre, ce qui devrait faire du secteur des transports, responsable d'un tiers des émissions de gaz à effet de serre du pays, un enjeu majeur des objectifs de baisse. Or les politiques gouvernementales sur cet aspect sont très loin d'être à la hauteur : la prolifération de projets autoroutiers (A69, BIP, etc.) suggère qu'il n'y a pas d'objectifs de réduction du transport automobile ; quant au secteur de l'aviation, les signaux qui sont envoyés par le politique (refus du transfert modal sur le train, refus d'interdiction des jets privés, politique d'extension des aéroports, absence de taxation sur le kérosène) sont tous négatifs. Il ne faut donc pas s'étonner si les émissions de ce secteur ne reculent que de 2%, avec même une augmentation pour le secteur aérien, le seul à refuser l'effort collectif de sobriété énergétique.
Pour le futur, cette réduction des gaz à effet de serre est très loin d'être gravée dans le marbre : plusieurs des publications citées ici signalent le caractère en grande partie conjoncturel, lié au renchérissement du coût de l'énergie dû à l'arrêt des exportations russes. Aussi, que Gabriel Attal cherche à s'attribuer le mérite des "bons résultats" enregistrés au cours des deux dernières années n'est rien d'autre qu'une imposture.
Outre la sobriété énergétique, il y a d'autres aspects de la politique qui montrent le désintérêt pour la cause environnementale : l'usage incontrôlé de pesticides dont l'interdiction, sans cesse reportée par le Parlement, vient d'être l'objet d'un coup d'arrêt par le Gouvernement à la suite des révoltes des agriculteurs. La question des algues vertes en cours d'extension à toute la façade atlantique, fait toujours l'objet d'une inertie coupable. L'accumulation des déchets plastiques jusque dans les océans suscite peu de réactions. Aussi, si cette réduction d'émissions est une bonne nouvelle parce qu'elle montre qu'il y a un potentiel de réduction, les associations de défense de l'environnement sont loin d'en faire une victoire et monsieur Attal serait bien inspiré de mettre une sourdine à ses cocoricos sonores.
(1) Émissions de carbone : une baisse multifactorielle : Le Monde, 25 mai 2024.