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Billet de blog 21 octobre 2023

En ligne directe avec l'Ukraine : comment la diaspora russe s'unit pour aider les réfugiés ukrainiens

Je m'appelle Alexander Kirillov, je suis bénévole pour l'association Rubikus qui aident les réfugiés venant d'Ukraine. Nous avons aidé plus de 50 000 personnes depuis 2022 qui n'auraient pas pu s'enfuir sans aide. Au début, nous espérions qu'il s'agisse d'une situation temporaire. Nous étions tous motivés pour aider mais nous comprenons maintenant que la guerre ne finira pas de sitôt et que l'attention diminuera inévitablement à mesure que les gouvernements et le public se tourneront vers d'autres horizons.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Je m'appelle Alexander. Je suis bénévole pour Rubikus, l’association de plus de 100 bénévoles qui aident les réfugiés venant d'Ukraine. Je vis aux États-Unis depuis que j'ai quitté l'Union soviétique en 1991 pour étudier. Je suis devenu mathématicien et je suis maintenant professeur d'université. Bien que je vive aux États-Unis depuis plus de 30 ans, j'ai gardé des liens étroits avec mon pays d'origine et son peuple.

J'ai rejoint Rubikus parce que, même si j'ai vu Poutine montrer un visage de plus en plus dictatorial au cours des dernières années, j'ai été absolument sous le choc par ce qui s'est passé le 24 février 2022. J'ai passé les premiers jours de la guerre à appeler mes amis en Ukraine et en Russie, incrédule face à ce qui se passait.

Mes interlocuteurs et moi-même, nous ne savions pas quoi faire. Pouvions-nous arrêter la guerre nous-mêmes ? Certains de mes amis sont allés se porter volontaires dans les zones frontalières, jusqu'en Pologne, mais je me demandais où je pourrais être plus utile de mon côté. Un jour, j'ai vu un message sur Facebook à propos de la mise en place de Rubikus et j'ai écrit à l'organisateur qui m'a fait intégré l’équipe.

Rubikus a existé pendant des années en Allemagne en tant qu'association à but non lucratif, mais ne travaillait pas avec les réfugiés à l'époque. Cependant, lorsque la guerre a éclaté dans toute son ampleur en 2022, nous nous sommes réorganisés et aujourd'hui, toutes nos activités ont pour seul objectif d'aider les réfugiés en provenance d'Ukraine. Lorsque j'ai rejoint l'association, elle disposait déjà d'un vaste réseau et nous étions bien placés pour aider les gens.  Nous avions un site web sur lequel les gens pouvaient déposer des demandes, nous avions une équipe qui les aide, nous avions affrété des bus et réservé des auberges entières. Mais surtout, nous disposions d'informatiosn, des données. C'était donc quelque chose de concret que nous pouvions faire pour aider.

Nos bénéficiaires sont des réfugiés d'Ukraine, y compris des territoires occupés. Nous les aidons en matière d'information, de logistique, d'hébergement, de transport, etc, sur tout les chemins de leurs parcours très variés. Nous recevons actuellement environ 70 demandes par jour. Au moment même où j'écris ces lignes, par exemple, nous traitons les demandes de la part de 16 groupes de personnes qui sont déjà en route ou qui prévoient de partir très bientôt. 

Nous avons aidé plus de 50 000 personnes depuis 2022, dont beaucoup viennent des territoires occupés, qui n'auraient pas pu s'enfuir sans aide. Au début, nous espérions qu'il s'agisse d'une situation temporaire. Nous étions tous motivés pour aider pendant que l'ONU, les gouvernements et les organisations internationales se ressaisissaient et s’organisaient. Mais nous comprenons maintenant que la guerre ne finira pas de sitôt et que l'attention diminuera inévitablement à mesure que les gouvernements et le public se tourneront vers d'autres horizons. Et nous ne nous attendons plus à ce que les gouvernements ou les Nations Unies prennent le relais. Bien que de nombreuses organisations internationales apportent leur aide, il y a beaucoup d'endroits où il n'y a que des volontaires. Et la situation ne fait qu'empirer, car les gens comme les gouvernements en ont assez d'aider.

Pourtant, nous et d'autres groupes de volontaires - en Ukraine, en Russie, en Lettonie, en Pologne - sommes ceux qui restent pour combler le vide.  Même si la plupart des volontaires sont épuisés, ils sont toujours là pour travailler car les réfugiés continuent d'affluer. Il y a eu une énorme vague après l'effondrement du barrage de Kakhovka. De nombreuses personnes ont dû être évacuées sans rien, tous leurs biens ayant été perdus. De plus, de nombreuses personnes, en particulier des personnes âgées et handicapées, ne sont pas parties la première année dans l'espoir d'attendre la fin de la guerre sur place. Ce n'est que maintenant qu'elles sont enfin prêtes à partir, désespérés, ce qui signifie que les cas que nous devons traiter actuellement sont plus compliqués et nécessitent souvent des équipements spéciaux tels que des ambulances.

La plupart des bénévoles de Rubikus sont des émigrés de l'ex-URSS - Russie, Lettonie, Ukraine... Nous communiquons en russe les uns avec les autres ; nous avons tous commencé à faire du bénévolat parce que nous voulions agir. Cela nous donne de l'espoir : beaucoup d'entre nous avaient l'impression de devenir fous en regardant cette guerre les bras ballants. Aider les autres nous a donné cette porte de sortie : quelque chose à faire pour les victimes, se concentrer là-dessus.

Les membres de notre équipe viennent de tous les horizons. Nous comptons parmi nous des enseignants et des enseignantes, des propriétaires de petites entreprises, des traducteurs et des traductrices, des informaticiens et informaticiennes, des retraités et des mères au foyer qui consacrent une grande partie de leur temps au bénévolat.

Certains ont quitté la Russie au début de la guerre et sont eux-mêmes des réfugiés. Malgré l'hostilité à laquelle ils sont confrontés en tant que russes, venant d’un pays agresseur, et les difficultés qu'ils rencontrent en tant que réfugiés, ils continuent d'apporter leur aide, même depuis les camps de réfugiés parfois très éloignés. Une personne de Mariupol, dont la famille a été tuée là-bas, nous a rejoints pour aider ses compatriotes ukrainiens. Nous sommes tous différents, mais ce qui nous unit, c'est que nous détestons tous cette guerre et que nous voulons tous aider les personnes qui souffrent à cause d'elle. Certains d'entre nous passent tout leur temps sur les antennes de Rubikus, 12 heures et plus par jour. Beaucoup ne partent pas malgré ce rythme infernal, mais nous ne savons jamais combien de temps nous pouvons tenir sous cette pression.

Nous travaillons tous bénévolement, personne n'est payé et chaque don sert à assurer l'évacuation des réfugiés en toute sécurité. Cependant, les activités sont très coûteuses, alors que nous devons trouver des moyens de transport et d'hébergement pour de nombreuses personnes chaque jour, et nous sommes confrontés à des limites en termes de ressources.

Même si nous ne pouvons pas arrêter la guerre - c'est l'affaire des politiciens et des militaires - il y a des moyens pour les gens ordinaires comme vous et moi d'aider. Nous pouvons nous porter volontaires pour aider ceux qui souffrent de la poursuite de la guerre. Nous pouvons faire des dons aux groupes qui aident les réfugiés, car ils sont tous à court de fonds et ont besoin de toute l'aide possible pour continuer à mettre les gens en sécurité. Il est également important de continuer à en parler et de rappeler aux autres, y compris aux hommes politiques, que la guerre se poursuit même si le public en a assez d'en entendre parler. Des gens sont encore tués, perdent leur maison et leur famille. Il faut donc se porter volontaire, faire des dons et s'exprimer.

Je suis très impressionnée par tout ce que Rubikus et d'autres bénévoles ont pu accomplir avec très peu de ressources. De toutes les organisations auxquelles j'ai participé (et j'en ai participé à un nombre certain), Rubikus est la plus efficace. Peut-être parce que nous avons la chance d'avoir des personnes dotées d'un grand sens de l'organisation ; peut-être parce que nous travaillons tous très dur - lorsque notre propre directrice a donné naissance à son bébé cet été, elle était de nouveau en ligne avec nous quelques heures seulement après l'accouchement. Peut-être parce que nous avons tous le sentiment de faire ce travail pour quelque chose qui compte vraiment...

On me demande parfois ce que je pense des relations entre les Russes - ceux qui sont contre la guerre, j’entends - et les Ukrainiens, si je me considère comme un "bon Russe", s'il y aura une réconciliation possible après la guerre. Je n'y pense pas. Je n'ai pas le temps. Je préférerais m'occuper d'une autre affaire – et nous y avons une vrai urgence, contrairement à ce débat, cela ne peut pas attendre. Tout ce que je sais, c'est que des gens de Berdyansk ou de Melitopol, des mères avec des enfants et des familles avec des parents âgés, ont besoin de notre aide maintenant. Et peu leur importe que je vienne des États-Unis, de Russie ou du Kazakhstan, que je parle russe ou ukrainien, tant que je peux les aider. Les autres discussions, elles, peuvent attendre la fin de la guerre.

Alexander Kirillov - Bénévole Rubikus

Voici quelques liens vers Rubikus et d'autres groupes de bénévoles. Aidez-nous à aider les autres !

website: https://helpua.rubikus.de/en
Facebook: https://www.facebook.com/rubikushelpukraine
 

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