Droite & extrême droite fébriles
Hier soir, débat sur France 2. Je passe sur les interventions des 4 de la Nouvelle Union Populaire Écologiste et Sociale (la NUPES : Ian Brossat, Adrien Quatennens, Olivier Faure, Julien Bayou) qui tenaient un discours cohérent (sur salaires, Smic, retraites, sécurité, racisme) : au reproche d’avoir un programme coûteux, ils répondent que les recettes sont chiffrées, que des économistes de renom le soutiennent et qu’il s’agit de choix politiques (de redistribution, de justice sociale). Par ailleurs, ils sont restés assez mesurés face aux agressions répétées de leurs adversaires.

Agrandissement : Illustration 1

En face, on sentait que c’était fébrile. Véran hargneux, Consigny prétentieux, et l’extrême droite en plein délire. Deux femmes (Modem et UDI) avaient beaucoup de mal pour en place une.
LR avait envoyé Charles Consigny qui parle avec componction depuis qu’il se croit une star pour avoir siégé dans l’émission de Ruquier. Il prétend tout connaître du métier d’entrepreneur parce qu’il a un petit cabinet d’avocat (en économie, il ne sait pas grand-chose, mais comme il paye des impôts sur ses bénéfices, à chaque apparition à la télé il nous bassine avec les « charges » sociales des patrons). Tout ce qui est un peu à gauche, pour lui, c’est « Politburo », « tribunal révolutionnaire », NUPES « coalition collectiviste » : il voudrait qu’on imagine que c’est spontané, mais on sent toujours le coup monté. Suffisant, il joue malin, contestant la dépense publique tout en prônant le recrutement de soignants (alors que c’est d’abord la politique UMP, Sarkozy-Fillon, dont il est héritier, qui a supprimé massivement des postes publics, y compris dans les hôpitaux). Il reproche au pouvoir « macroniste » ses mensonges et accuse Pap Ndiaye d’être « wokiste », « déconstructiviste », prônant la « haine de soi », ce que Bardella a repris, ajoutant tout de même « décolonialiste ».
Olivier Véran dit que Macron a bloqué les salaires des patrons (faux : il l’a proposé, mais pas fait, à l’échelle européenne). Il dit que l’ASPA [minimum vieillesse] est à 1000 € (non, Macron l’a augmentée c’est vrai, mais elle est à 916 €) et, pour contrer l’extrême droite, il affirme à tort que pour en bénéficier il faut avoir travailler (erreurs assez énormes pour un ancien ministre de la santé et du social). Comme souvent, quand il s’agit de savoir qu’a fait Macron face aux inégalités et pour les banlieues, Véran serine : dédoublement des classes CP et CE1 !
Guillaume Peltier, qui fut FN, puis LR, puis Reconquête de Zemmour, ânonne en permanence : « non à l’assistanat », et qualifie le modèle social de la France de « socialiste ». Il a un temps de parole réduit, alors il lui faut rapidement caser « immigration », « grand remplacement », « islamo-gauchistes », sans développer, ne craignant pas de paraître excité et ridicule.

Agrandissement : Illustration 2

Jordan Bardella a abandonné la casquette 'dédiabolisation' et jeune cadre dynamique, pour jouer à fond la carte RN anti-immigrés, n’hésitant pas à être plus Le Pen que Le Pen. Il soutient l’uniforme à l’école « pour qu’il n’y ait aucune distinction de race, de sexe, de religion, de classe », argument du type ‘hôpital qui se fout de la charité’. Il accuse l’immigration, les clandestins d’être la cause de la délinquance, de la criminalité, des agressions contre les femmes (et de façon générale de toutes les violences faites aux femmes), dans des tirades où il est blême, semblant soit se placer (au sein même du RN comme un extrêmiste... qu’il est) soit faire concurrence à son voisin de plateau, le Zemmouriste Peltier.
Bardella comme Consigny et Peltier affirment que 20 ou 25 % des détenus en prison sont étrangers. Ce chiffre sassé et ressassé par la droite et l’extrême droite (Le Pen, Zemmour, Pécresse, Ciotti) sous-entend que nos prisons regorgent d’Arabes et d’Africains qu’il faudrait expulser. Or jamais des journalistes ni des responsables de gauche ne leur opposent le fait que, s'il y a bien 23 % d’étrangers dans les prisons françaises, ils ne sont pas tous ce que nos racistes patentés prétendent : en octobre 2021 [stats ministère Justice], sur 82.932 détenus il y avait 17.198 étrangers, dont 9793 étrangers originaires de l’Afrique, dont 6809 du Maghreb, soit 8,2 %. Pourquoi cette précision n’est jamais donnée ?
Bardella, soucieux de brûler sur le poteau Peltier, répétait que 93 % des vols dans les transports en Ile-de-France étaient commis par des étrangers, et 63 % des agressions sexuelles. Les candidats NUPES incités à commenter cherchaient à ne pas tomber dans le piège. Façon pour le leader du RN de lier délit et crime à couleur de peau, alors même que ʺétrangersʺ ne signifie pas forcément maghrébins. Il y aurait une autre façon de présenter les choses, toujours en se fondant sur la même source des services de M. Darmanin, en admettant qu’elles sont fiables et pas biaisées : 71 % des violences et outrages envers les dépositaires de l’autorité publique, dans les transports en commun, sont de nationalité française. 87 % des vols et violences commis dans les transports en commun sont Français (mais en Ile-de-France, c’est 60 %). Par contre, toujours dans les transports en commun, les vols sans violence sont à 64 % commis par des étrangers (à 93 % en Ile-de-France). Les violences sexuelles c’est 68 % par des Français dans l’ensemble du pays, et 37 % en Ile-de-France. Évidemment, il y a des raisons sociales à cela, les chiffres officiels ne sont pas commentés, et on ne peut se contenter des explications de Valeurs actuelles qui, comme de juste, en fait ses choux gras.
Enfin, Bardella, justifiant le tir des policiers ayant provoqué la mort d’une jeune femme à Barbès, a accusé le conducteur du véhicule d’avoir « 80 faits au casier judiciaire » et la passagère tuée… 120. D’une part, il confond casier judiciaire et traitement d’antécédents judiciaires (le TAJ qui contient des informations diverses, dont des condamnations mineures), d'autre part c’est un autre passager qui aurait « 120 faits », pas la passagère tuée, dont les parents ont porté plainte y compris contre le conducteur. Là, il faut noter que Consigny, en contradiction avec la position LR, a reconnu qu’il y a beaucoup de bavures policières, qu’il importe de réformer l’IGPN et contesté la démagogie des Bardella-Peltier.
. Statistiques trimestrielles des personnes écrouées en France. Ministère de la Justice (octobre 2021).
. Les vols et violences dans les réseaux de transports en commun en 2019. Ministère de l'Intérieur.
. Le rapport des économistes du Parlement Union Populaire.
. Le blog des Économistes Parlement Union Populaire. Sur le Club de Mediapart, en accès libre.
« Madame Delga : combien de divisions ? »
Le 7 juin, le personnel de lycées de la Région Occitanie a manifesté avec le soutien de la CGT et de Sud/Solidaires, contestant la mise en place du régime indemnitaire au sein de la Région présidée par Carole Delga, qui tergiverse dans l’application, tout en accordant à ses hauts cadres des indemnités hors légalité. Ce sont les personnels les plus défavorisés qui en font les frais.
***
La fusion de Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon en 2015 (suite à un découpage lamentable effectué sur un coin de table à la dernière minute par Hollande et Valls) a nécessité des négociations afin d’harmoniser les conditions de travail et les primes de milliers d’agents, comme prévu par la loi NOTRe. De même, la durée du travail annuelle a été augmentée de 40 heures (pour atteindre les 1607 heures prévues par la loi). Le régime indemnitaire a été unifié, il tient compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel d’où son acronyme : RIFSEEP ! L’objectif était de ne pas attendre les calendes grecques pour l’appliquer dans les différentes filières (technique, culturelle et administrative).

Agrandissement : Illustration 3

Mais pour l’Occitanie, Madame Delga a tergiversé : retard sur la filière culturelle (appliquée en 2019 au lieu de 2018), sur la filière technique (toujours pas appliquée alors que tout est prêt depuis le 1er mars 2020). Et le pire, qui justifiait la mobilisation du jour : les près de 7000 agent·es des 245 lycées (entretien, maintenance et restauration) et CREPS (centres de sport), à majorité féminine, se voient proposer des primes beaucoup plus basses que pour les métiers équivalents dans les services généraux de l’Hôtel de Région, créant des divisions choquantes et inutiles. Sud a attaqué la collectivité devant le Tribunal Administratif pour non-respect des engagements votés en 2017 à la Région (en cours), demandant la rétroactivité pour les trois filières et les trois catégories (A, B et C).
De leur côté, les directeurs se sont partagés des primes supplémentaires en catimini, pour atteindre, pour certains, avec celles qu’ils percevaient déjà, 58 000 euros annuels ! Sauf que cela a été retoqué par la Préfecture de Région dans le cadre du contrôle de légalité [j'avais écrit, lapsus : l'égalité !] : en effet, le plafond autorisé est de 49 000 euros (ce qui est énorme, certains doublant ainsi leur rémunération). Carole Delga a autorisé ce dépassement, sans vergogne, de 9000 euros, en sachant pertinemment que ce n’était pas légal. Comme les syndicats protestaient face aux tergiversations des responsables de la Région, Mme Delga a accusé la Préfecture et livré bien maladroitement le pot aux roses, en communiquant la lettre du Préfet. Parallèlement, les élus s’octroyaient 10 % d’augmentation d’indemnités. Faut-il préciser que dans les lycées, la grande majorité des agentes sont au Smic. Madame Delga, invoquant la crise, a également retiré 400 000 euros au comité des œuvres sociales (soit 8 % de son budget), tout en versant 100 millions d’euros à la filière aéronautique.
Le 7 juin, autre injustice, des agentes des lycées m’ont dit que les modifications de carrières et de primes font que celles qui ont 20 ans d’ancienneté et plus, se retrouvent avec un niveau de rémunération identique à celles qui viennent d’être recrutées. J’ai perçu beaucoup de dépit, renforcé par le sentiment d’avoir été déjà dupées dans le passé lors d’autres négociations, ce qui expliquerait que la mobilisation reste faible.
J’ai entendu aussi des reproches adressés à la Présidente de Région accusée de cultiver les divisions, au niveau de la collectivité s’ingéniant à agir pour diviser les agents, entre le central et le local, entre les métiers, entre les filières, et récemment, au niveau politique, comme chacun sait, en soutenant les candidats aux législatives issus du PS qui acceptent de trahir l’accord national de la NUPES : ça fait effectivement beaucoup, d’où cette formule qui lui est adressée et qui devrait faire florès : « Madame Delga, combien de divisions ? ».
Égaux en droit et non « en chances »
Pour faire passer le projet de réforme de l’Éducation nationale porté par Emmanuel Macron (avec plus d’autonomie des écoles), Christophe Castaner, sur France inter le 5 juin, a glosé sur le fait que « la chance républicaine c’est de briser les assignations à résidence ». Ajoutant qu’« il existe du déterminisme social dans notre pays », il a cherché à appuyer sa démonstration en citant la scolarité de ses propres filles ! Depuis 5 ans, la Macronie, pour contrer le discours (de gauche) sur les inégalités, déverse un mantra sur l’égalité des chances, l'égalité de destin, sans creuser plus avant cette thèse qui, du coup, paraît bien maigrelette. Ainsi le dédoublement des classes dans le primaire serait le nec plus ultra pour parvenir à cette égalité, alors que, si c’est une bonne chose, cela s’est fait au détriment d’autres classes qui restaient bondées (à 27 ou 30).

Agrandissement : Illustration 4

Jean-Luc Mélenchon, cette semaine sur France Info [3 juin], a interrogé ses intervieweurs : « L’égalité des chances, qu’est-ce que ça veut dire ? Tous ceux qui jouent au Loto ont la même chance de gagner, mais il n’y a en a qu’un qui gagne. Moi, ce n’est pas l’égalité des chances qui m’intéresse, ce qui m’intéresse ce sont des droits égaux, un droit égal d’un enseignement de très haute qualité où qu’on soit ». C’est essentiellement pour cela que Mélenchon est l’objet d’un tir de barrage d’une extrême droite, d’une droite et même d’une gauche qui ne l’est plus depuis longtemps, qui tirent tous à boulets rouges sur la Nouvelle Union Populaire Écologiste et Sociale, confondue tactiquement dans leur bouche avec le leader de La France Insoumise. Le programme d’ « extrême gauche » de la NUPES mettrait le pays à genoux, avec un Smic proposé à 1400 € (ajusté récemment à 1500 €) et avec un blocage des prix des produits de première nécessité ? Des BCBG, dans des tribunes ou sur les réseaux sociaux, parfois les mêmes qui ironisaient sur l’incapacité de la gauche à être unie, déversent une haine à l’encontre de la NUPES, preuve s’il en est que, pour certains, sa victoire n’est pas exclue. Pour ma part, je n’y crois pas, mais elle peut faire un tel score que sa présence à l’Assemblée Nationale ne permettra pas au Président d’appliquer sa politique majoritairement au service de la classe possédante, visant, entre autres, de casser le système de retraite français.
Je note que lorsque 20 associations toulousaines, se préoccupant de la situation des migrants et des sans-abri, sollicitent les candidats aux législatives de Haute-Garonne, seuls trois candidats de la NUPES répondent favorablement à l’invitation, écoutent les revendications et font des propositions (c’était jeudi : ici).
Qui peut se présenter dans 577 circonscriptions avec autant de propositions écologistes et sociales (celles qui m’intéressent au premier chef), sinon la NUPES ? Par contre, pour ce qui est de la politique internationale, je fais confiance à tous les militants de la NUPES (EELV, PC, PS, LFI, et les 11 autres partis ou mouvements rattachés), pour que le non-alignement ne signifie en aucune façon de faire profil bas face à l’un ou l’autre des impérialismes ou face à une quelconque dictature qui opprime et massacre son peuple.
[5 juin]
Billet n° 683
Le blog Social en question est consacré aux questions sociales et à leur traitement politique et médiatique. Parcours et démarche : ici et là. "Chroniqueur militant". Et bilan au n° 600.
Contact : yves.faucoup.mediapart@sfr.fr ; Lien avec ma page Facebook ; Tweeter : @YvesFaucoup