Pour une taxe de 240 milliards sur les hauts patrimoines
- 15 févr. 2021
- Par YVES FAUCOUP
- Blog : Social en question
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Là, Christian Chavagneux contre l’argument tant invoqué par la droite : les plus riches, même taxés, ne s’en vont pas. La preuve : « on est le pays qui dans l’OCDE, a le plus de milliardaires, au niveau du Royaume-Uni ».

"Forme majeure de séparatisme" : L'enquête du Monde de samedi sur le Luxembourg, paradis fiscal, révèle qu'un tiers des 500 plus grosses fortunes de France (Palmarès de Challenges) sont propriétaires de sociétés luxembourgeoises, et que sur les 50 plus grosses fortunes, 37 ont 92 Md€ d'actifs dans 535 sociétés au Luxembourg.
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Il y a un assez large consensus dans le pays pour admettre que la crise sanitaire, compte tenu du système de protection sociale avancée que connaît la France et des décisions prises sur le chômage partiel et en soutien aux entreprises, aux commerçants et aux artisans, n’a pas eu l’impact catastrophique redouté.
![[Illustration Secours Populaire] [Illustration Secours Populaire]](https://static.mediapart.fr/etmagine/default/files/2021/02/15/secours-populaire.jpg?width=789&height=525&width_format=pixel&height_format=pixel)
Alors, sont revenues sur le devant de la scène des revendications qui vont et viennent : un RSA étudiant ou le Revenu Universel. Des Gilets Jaunes manifestant à Charleville ces jours-ci ont réclamé un RSA pour les jeunes de moins de 18 ans. Sandrine Rousseau (qui candidate à la candidature présidentielle) se prononce pour « un revenu d’existence pour les jeunes au moins au niveau du RSA » qui pourrait atteindre 850 euros par mois pour une personne seule. De nombreux mouvements, dont la Fondation Abbé-Pierre, revendiquent un RSA-Jeunes. L’Observatoire des inégalités insiste pour que le montant du RSA soit au niveau du seuil de pauvreté à 50 % (soit un revenu minium unique mensuel de 900 € dès 18 ans). Des citoyens d’Alfortville interpellent le PCF, la France Insoumise, Génération.s et EELV pour qu’une liste unie de gauche aux élections départementales des 13 et 20 juin prochain ait pour priorité « l’instauration d’un revenu minimum d’existence qui complètera les minima sociaux pour qu’aucun val-de-marnais ne vive plus sous le seuil de pauvreté ».
Des jeunes aux Mureaux, membres d’associations chrétiennes et musulmanes, organisent une collecte alimentaire avec les Restos du Cœur. Le Parisien (du 13 février) recueille les témoignages d’Angélique, 24 ans, « venue de la mosquée Essalam des Mureaux » et de Cornelia et Guilaine venues « de la paroisse locale » et commente : « le Covid est passé par là, emportant sur son passage des familles entières, fracassées contre les murs de la pauvreté, cassant des liens, des équilibres précaires ».
Corse Matin (12 février) rend compte des actions du Secours Populaire : perte de revenus suite au chômage partiel et chômeurs arrivés en fin de droit. Ceux qui « s’en sortent tout juste » habituellement et qui n’avaient jamais rien demandé jusqu’alors basculent dans la précarité : « une vague de pauvres menace après la vague épidémique ». Et pas seulement dans les villes mais aussi en milieu rural.
![Yaël Braun-Pivet et Yves Thréard [sur Figaro Live] Yaël Braun-Pivet et Yves Thréard [sur Figaro Live]](https://static.mediapart.fr/etmagine/default/files/2021/02/15/yael-braun-pivet-threard.jpg?width=419&height=194&width_format=pixel&height_format=pixel)
« Assistanat, valeur suprême »
Mais manifestement Bruno Le Maire ne l’entend pas de cette oreille. Sur BFM, le 13 février, il tient, comme toujours, le discours de la droite dure : « nous sommes (…) le pays développé qui travaille le moins », alors qu’on a « le système de protection sociale qui est parmi les plus généreux » : « ce n’est pas tenable ! ». Il en appelle à une réforme des retraites afin de dégager des économies et ne dit pas un mot du RUA. Déjà face à Jean-Jacques Bourdin le 15 janvier, il avait affirmé son refus d’étendre le RSA aux moins de 25 ans car selon lui « quand on a 18 ans, ce qu’on veut c’est un travail, on veut une rémunération de son travail, on ne veut pas une allocation ». Comme l’avait relevé Frustration Magazine, il ne faut pas manquer de souffle alors que, fils d’un cadre chez Total et d’une mère directrice d’écoles privées, il a été assisté par l’État jusqu’à 29 ans pour accomplir ses études (et on ne parle pas de Madame qui a été rémunérée 3000 euros par mois par le contribuable pendant 4 ans, révélation de Mediapart en 2013, alors qu’elle était présentée par BLM comme « mère au foyer »).
Son ancien copain à LR, Éric Woerth, avait prévenu le 28 janvier : « l’assistanat comme valeur suprême de la nation, ce n’est pas possible ». Sa rengaine est connue : début janvier, il avait proclamé son opposition à l’attribution de chèques aux plus démunis, larmoyant comme prévisible sur le remboursement de la dette. Ce qui conduit la classe médiatique à gamberger sur : faut-il la rembourser ou pas, les taux vont-ils rester à zéro, le service de la dette est-il soutenable ? Cela permet de faire sur le sujet des émissions de télé et des numéros spéciaux de magazines.
!["Le Temps qu'il faudra" [Photo du film] "Le Temps qu'il faudra" [Photo du film]](https://static.mediapart.fr/etmagine/default/files/2021/02/15/le-temps-quil-faudra.jpg?width=374&height=237&width_format=pixel&height_format=pixel)
Ce qui est sûr c’est qu’il n’est pas question de réévaluer le RSA (à 500 euros pour une personne seule) : début octobre, Matignon avait insisté sur le fait qu’un coup de pouce au RSA était exclu (tout au plus une aide ponctuelle). Déjà le Plan de relance ne prévoyait rien pour les plus démunis. Emmanuel Macron en avait rajouté une couche en décrétant que « plus on augmente nos minima sociaux plus on rend difficile le retour à l’activité » (sur TF1 et France 2 le 14 octobre), autre façon de dire que le RSA est un revenu de survie pour inciter au travail : pour que les gens sans-emploi retournent au travail, il faut qu’ils galèrent avec moins de la moitié du seuil de pauvreté pour vivre. C’est d’un mépris sans nom.
Pourtant, « ce soupçon récurrent sur l’assistanat des jeunes repose sur des préjugés démentis par toutes les études », selon Léa Lima, sociologue (Le Monde, du 11 février). Et Esther Duflo, économiste, prix 2019 de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel, déclarait ce matin sur France Inter : « aucune étude ne montre qu’un revenu comme le RSA ait un effet démobilisateur sur la recherche d’emploi : il a soit peu d’effet, soit plutôt un effet positif de mobilisation ». Elle considérait par ailleurs justifié qu’il y ait un impôt sur les plus riches (dans l’Amérique du Républicain Eisenhower, les taux d’imposition atteignaient 90, 95 % de la tranche supérieure). Certes, il faut limiter les salaires trop élevés, imposer les hauts revenus mais pas seulement : elle se prononce pour une taxe sur la richesse détenue. En effet, des fortunes déjà considérables, actuellement, s’accroissent, sont réinvesties et ne sont pas taxées.
Si les forces sociales accentuent la pression, si les revendications sur le le RSA-jeunes et un revenu minimum à 900 € pour ceux qui n'ont rien ne sont pas qu'un slogan de période électorale, il n'est pas exclu que le pouvoir soit obligé d'avancer sur ces questions.
Classe moyenne ?

Christian Chavagneux, s’appuyant sur les chiffres de l’Insee (riche : 1,8 fois le revenu médian) et celui de l’Observatoire des inégalités (2 fois), résume en indiquant que riche c’est 3500 euros net d’impôts par mois par personne. Donc à 4000 euros, contrairement à ce que dit Bayrou, on n’est pas classe moyenne.
Le blues des classes moyennes
Il est vrai que 4000 €, ça n’a rien à voir avec les 1 % les plus riches (qui émargent à 15 000 €/mois) ou les 0,1 % (à 38 500 €). Face à de tels revenus, « 4000 euros, ça fait pas riche ». Chavagneux apporte un précision de taille : entre 2008 et 2018, les 10 % les plus pauvres ont perdu 11,4 % de revenus. Les 10 % les plus riches ont gagné 5,4 % (et on ne parle pas des milliardaires qui ont crevé le plafond). Et le revenu médian a progressé de 4 %. « Le blues des classes moyennes c’est constater que ceux du bas vous rattrapent et ceux du haut vous larguent ». « Les très riches ne savent plus ce qui se passe dans la classe moyenne : c’est un problème de sécession, un problème démocratique ».
![[France 2] [France 2]](https://static.mediapart.fr/etmagine/default/files/2021/02/15/sdf-2.jpg?width=523&height=287&width_format=pixel&height_format=pixel)
C’est alors que devant la question de la journaliste Carine Bécard (« qui va payer la crise ? »), Christian Chavagneux fait la réponse qui est évoquée en début de cet article : les 5 % les plus riches peuvent bien être taxés à 5 % sur leur patrimoine.
De leur côté, les médias mainstream, face à la vague de froid, envoient comme chaque année leurs reporters cornaqués par quelques caritatifs (comme Homelessplus), pour interviewer des SDF dans la rue (France 2, le 14 février). Déjà, le 11 février, la chaîne publique avait interrogé des sans-abri dormant sous la neige (« je ne sais même pas si je vais pouvoir dormir parce que j’ai trop peur de ne pas me réveiller demain matin ». Un autre lâche: « ce n’est pas pire que d’habitude, j’ai juste besoin d’un peu d’humanité ».
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L'association Toit à moi, née à Nantes et installée dans plusieurs villes de France, dont Toulouse, se mobilise pour acheter des appartements pour des personnes sans-abri. L'objectif est de les loger sur du long terme et de travailler sur leur réinsertion dans la société.
Les riches et les pauvres

Billet n° 602
Le blog Social en question est consacré aux questions sociales et à leur traitement politique et médiatique. Parcours et démarche : ici et là. "Chroniqueur militant". Et bilan au n° 600.
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