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Billet de blog 28 oct. 2021

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« Balance Ton Cirque » : ne plus se taire

BTC est né : Balance Ton Cirque dénonce les violences et humiliations qui règnent dans le monde circassien. Profitant du Festival du Cirque actuel qui se déroule jusqu’au 30 octobre à Auch (Gers), des membres de ce mouvement mobilisent les élèves des écoles de cirque, avant de rencontrer aujourd’hui la Fédération européenne de ces écoles.

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Le collectif Balance Ton Cirque a été créé début juillet par les anciens et actuelles étudiants et étudiantes du Centre national des arts du cirque (CNAC) à Châlons-en-Champagne pour dénoncer toutes formes de violences physiques et psychologiques au sein de l’établissement. Bien vite, le mouvement a essaimé, rassemblant artistes et élèves d’écoles de cirque, sur notre territoire et en Europe.

Plus de 200 témoignages ont été collectés, provenant de 18 écoles différentes : l’ESAC à Bruxelles, la FLIC à Turin, le SALTO à Lisbonne, l'École de cirque Jules Verne à Amiens, l’ESACTO-Lido à Toulouse, l’Académie Fratellini à Saint-Denis, Le Salto à Alès, l’ENCC à Châtellerault, l’ENACR à Rosny-sous-bois, le CNAC à Châlons-en-Champagne, l’option cirque du Lycée Bayen à Châlons-en-Champagne, l’École Nationale de Cirque à Montréal, l'École de cirque de Québec, le CRAC de Lomme, l'École de cirque de Lausanne, le Théâtre-Cirqule à Genève, l’école du Cirque Electrique à Paris, FAUN-arts à Montreuil.

Ces témoignages sont publiés sur un compte Instagram (déjà 50 000 vues). Ils attestent que les violences sont un problème structurel ancré dans le fonctionnement des écoles de cirques, « elles sont systématiques et institutionnalisées ». Dans un communiqué du 22 octobre, le mouvement précise :

« En école de cirque, il faut constamment dépasser ses limites. La combinaison entre pratique sportive de haut niveau et métier de la scène nous expose doublement aux pressions, aux discriminations et aux abus. Elle nous rend aussi particulièrement dépendant·e des professionnel·le·s qui nous entourent. Dans la majorité des établissements, les cours sont principalement individuels, c’est une chance certes, mais c’est aussi un enfer lorsque le·la professeur·e (qui cumule parfois un mandat de direction) est un·e agresseu·r·se. Les professeur·e·s de cirque ont un rôle très particulier en comparaison au théâtre ou à la danse : en plus de leur rôle d'enseignant, iels effectuent les gestes de protection nécessaires pour éviter les mauvaises chutes. C’est ce qu’on appelle “parade”. Elles s’effectuent parfois directement avec les mains ou le corps de l’enseignant·e, ou bien par l'intermédiaire d’une longe et d’une ceinture, ou encore d’un tapis de chute. Cette relation professeur·e / élève spécifique au cirque nécessite un encadrement spécifique au cirque. »

Tandis que se déroule à Auch, dans le Gers, le Festival du Cirque actuel, organisé par CIRCa, des circassiens et circassiennes ont réuni aujourd’hui des élèves d’écoles de cirque pour leur lire un communiqué, débattre avec elles et eux et recueillir leurs témoignages. Le texte affirme, d’entrée de jeu, que « tout le monde savait », comme dans les autres secteurs des arts vivants. Mais un mouvement de libération de la parole et d’organisation collective des victimes est né : « nous refusons de continuer à nous taire et à réciter la leçon des bons et bonnes élèves prêtes à tout pour défendre nos places difficilement obtenues dans des écoles ou compagnies professionnelles ».

Des comités se sont créés dans plusieurs écoles. Ils sont désormais fédérés dans un mouvement inter-écoles international.

Le mouvement ne se contente de recueillir des témoignages de tous ces comportements sexistes, machistes, humiliants, mais il fait des propositions et exige :

. la mise en place d’un travail de sensibilisation dans les festivals ;

. des cadres d’apprentissage précis afin d’éviter les abus ;

. la fin du système de dépendance des élèves envers les professeurs et la direction ; la fin des réseaux de copinages qui protègent les harceleurs ;

. l’égalité des chances par la parité dans les promotions et la mise à bas du patriarcat et du sexisme ;

. la prise en charge des harceleurs et harceleuses par des professionnels et professionnelles compétents ;

. la prise en charge des signalements par des instances extérieures aux écoles car celles-ci sont beaucoup trop nombreuses à rester encore sourdes face aux signalements, alors que les situations abusives sont connues de tous et toutes, et maintiennent les agresseurs à leur poste ;

. une étude quantitative sur les violences dans les écoles de cirque et le milieu professionnel.

Au cours, des échanges sur l’escalier monumental d’Auch, certains propos, émanant d’une jeunesse passionnée et motivée par cet art qu’ils ont viscéralement choisi, relevaient le caractère inédit de ce qui se passe là : jusqu’alors la règle était, dans ce milieu, « ferme ta gueule ». Jamais ce sujet n’a été abordé ainsi collectivement. En face, ils seront coriaces, c’est un endroit hostile, ce ne sera pas une discussion, mais une négociation. Leur but sera de tout faire pour que leurs écoles, qui roulent pour elles-mêmes et non pour les élèves, soient le moins possible impactées. Mais ils ne pourront pas dire qu’ils n’ont pas été prévenus.  

Les militants et militantes rappellent que leur mouvement n’est pas seulement un lieu d’actions mais aussi d’aide, de soutien. Lieu de parole libérée et d’écoute, en toute discrétion. Pas seulement sur les agressions les plus graves, mais aussi sur le harcèlement moral, parfois diffus.

 Aujourd’hui même, le collectif BTC rencontre la Fédération européenne des écoles de cirque (la FEDEC) afin de lui exposer ses constats, ses revendications et obtenir des réponses claires et des engagements précis.

Le communiqué du 22 octobre se termine par ces mots :

« Nous serons toujours du côté des victimes, pour leur liberté d’expression et nous faisons le choix de les croire.

Parce que nos blessures sont politiques, nos récits seront publics.

Parce que nous sommes nombreu·x·ses.

Parce que nous sommes fort·e·s.

Parce que maintenant nous parlons. »

_____ 

Site : https://balancetoncirque946309689.wordpress.com/

Contact : contact.arretetoncirque@gmail.com/

Instagram : @balancetoncirque

[attention : un compte Facebook Balance Ton Cirque n’a rien à voir avec ce mouvement]

. Tout le monde savait, ce sont les premiers mots de la tribune du monde du théâtre parue dans Libération du 13 octobre à l’initiative du collectif #MeTooThéâtre, avec 1450 signatures dont Alice Coffin, Caroline De Haas, Rokhaya Diallo, Adèle Haenel, Marina Hands, Judith Henry, Julie Gayet, Audrey Pulvar, Sandrine Rousseau, #NousToutes : #MeTooThéâtre : après la libération de la parole, l’urgence des actes.

Billet n° 640

Le blog Social en question est consacré aux questions sociales et à leur traitement politique et médiatique. Parcours et démarche : ici et "Chroniqueur militant". Et bilan au n° 600.

Contact : yves.faucoup.mediapart@sfr.fr ; Lien avec ma page Facebook ; Tweeter : @YvesFaucoup

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