"L'amnésie peut donc fonctionner comme une bombe à fragmentation. Si les haines, les rancœurs restent trop longtemps confinées dans l'espace privé, elle risquent d'exploser sans l'espace public plusieurs dizaines d'années plus tard"(Benjamin Stora. Les guerres sans fin. page 103) « il faut toujours que le sang coule pour que les choses changent » (Mathieu Belezi. C’était notre terre. Page 291) Bombe, fragmentation, haine, rancœurs, sang, les deux livres résonnent involontairement. Comment pouvait-il en être autrement ?
Curieuses lectures d'été, curieuses promenades de livres entre deux livres. Le premier en juillet, le deuxième à la fin août..Le premier, le juilletiste, c'est le livre justement récompensé de Virginie Linhart "le jour où mon père s'est tu". Le deuxième, l'aoûtien, c'est "Ce que savait Maisie" d'Henry James, un monument de masques et de voiles des affects. Entre ces deux livres, il n'y aurait rien à voir. Il y a un siècle d'écart ou quelque chose comme ça et du sable de plage, des coquillages et des grands vents. Et pourtant..Comme Maisie, Virginie est prise dans une histoire d'adultes, prise en otage, prise en tenailles.Comme Virginie, Maisie doit conduire sa vie entre les mots des uns et les mots des autres, entre les certitudes des adultes qui se brisent sur les "rochers de la vie".Comme Maisie, Virginie doit décrypter les faits et gestes de ses militants de parents qui pensent le monde et oublie leur enfant..Histoires donc de deux enfants abandonnées par leur parents?Non, Histoire de deux enfants, deux filles prises dans la tourmente des vies adultes, dans les maladies adultes, dans les amours, les perversions et les passions adultes..
« Autre constat, la culture, loin de réussir à “humaniser” l’homme, échoue le plus souvent. La civilisation n’a pas raison de la barbarie. » (André Green. Pourquoi les pulsions de destruction ou de mort ? Editions Panama. Page 178)
Se perdre. Annie Ernaux. 2001 J’ai lâché à 150, mardi 6, «réveil noir»J’ai eu peur. J’étais épuisé. Je n’en pouvais plus.Peut-être était-ce le fait que le texte soit du brut, des notes d’un journal ?Peut-être était-ce un regret abyssal d’une histoire mienne, elle-même abyssale, morte au coin d’une table de cuisine avec un couteau pointé vers la jeune femme traquée qui a fui dans une crainte bestiale ?
« Et quand je crois me regarder, je m’imagine » L. Aragon. « Le mentir vrai » nrf , p. 9 Ce matin, je vois ça. Je ne sais pas si le mannequin est Lio, mais le tatouage sur l'épaule semble, de loin, être un hématome. J'étais avec ma fille de 7 ans. J'ai pris la photo et je lui ai dit que c'était moche d'imaginer comme ça quelqu'un.