Comme d’habitude, je vous propose une plongée dans le Club de ces 7 derniers jours, à partir des billets les plus lus et des débats les plus vifs.
Les résultats du premier tour de la primaire des socialistes et de leurs alliés ont bien sûr agité le Club cette semaine. Perturbé même, tant "la victoire" de Benoît Hamon rebat les cartes à gauche. Ici, deux tendances se sont exprimées.
Il y a ceux (que des hommes !) qui pensent qu’il faut soutenir Hamon. Tels que l’enseignant-chercheur engagé dans les gauches radicales Philippe Corcuff dans son billet intitulé « Défaire le social-libéralisme sécuritaire à relents islamophobes de Valls », où il invite à « battre Manuel Valls pour rendre l'air moins irrespirable à gauche en contexte d'extrême droitisation! ». Dans la même veine, le politiste Philippe Marlière n’y va pas par quatre chemins et appelle toute la gauche à battre Manuel Valls, pour donner une chance à une gauche pluraliste, multiculturelle et de transformation sociale de bâtir l’avenir.
« Ce n’est pas du tout un vote qui “absout” le PS de sa politique droitière et inacceptable, explique-t-il. C’est une **démarche tactique** qui préserve l’avenir et qui permet de préparer la nécessaire refondation d’une gauche vraiment de gauche après l’élection présidentielle. »
Tactique qui oblige à rompre les amarres avec la posture radicale, « sectaire qui la cloisonne dans le créneau des 10 à 15% » pour construire des alliances majoritaires, à l’instar de Syriza en Grèce, Bloco de Esquerda au Portugal ou Podemos en Espagne.
Le clin d’œil à la France insoumise a, comme il se doit, fait réagir vivement les commentateurs qui se sont écharpés entre pro et anti-Mélenchon autour de la tactique gagnante, chacun accusant l’autre de malhonnêteté intellectuelle. Avec une question toujours en suspens : que va devenir le Parti socialiste si Hamon gagne dimanche prochain ?
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L’autre grande tendance des billets de cette semaine exprime la gêne de cette percée de la gauche du PS pour la dynamique portée par Jean-Luc Mélenchon.
Mgarand qui se définit lui-même comme « un citoyen ordinaire, ou presque, puisque personne n’est ordinaire », feint de s'interroger sur « Hamon et l’aile gauche du PS : quelle crédibilité ? » D'après lui, le discours de Benoît Hamon de janvier 2017 n'a pas plus de poids que le discours du Bourget de François Hollande. « Hamon prêt à s'aligner sur Valls, prêt à sacrifier son "beau "programme" (largement inspiré, c'est le moins qu'on puisse dire, de l'Avenir en commun) si l'UE n'en veut pas, parce qu'il le répète l'UE il y tient par dessus tout. Alors on a compris ce ne sont que des mots , il serait prêt à renoncer à la première remontrance de Merkel. » Et quant au souhait de certains de voir Hamon et Mélenchon trouver un accord, il n'y croit pas plus.
« Nos citoyens n'ont pas besoin d'accord d’états-majors entre "chef", accord qui seraient de plus à la sauce synthèse PS, accords qui seraient totalement destructeurs pour la dynamique actuelle. Nos concitoyens n’en n’ont pas besoin pour faire leur choix et pour se déterminer. Ils sont en train d'éclaircir la situation et l'on comprend bien que la PS voudrait au vite refroidir la machine en route. »
Tout comme Mgarand, Thibault Leroy, professeur agrégé d’histoire est lui aussi si convaincu que « la rose est flétrie » qu’il saute le pas et propose à Benoît Hamon d'appeler à voter Jean-Luc Mélenchon... Il écrit ainsi une « Uchronie irréalisable où Benoît Hamon, vainqueur de la primaire de la gauche, se prononcerait pour un scénario pas si improbable... Nous sommes quelques jours après le 29 janvier. » Pas vraiment une uchronie, car une histoire qui ne s’est pas encore passée ne peut pas déjà être réécrite, mais passons, que nous dit ce scénario où Hamon victorieux de la primaire écrirait à Mélenchon pour se désister en sa faveur ?
« Ce ne sont pas les hommes qui comptent en politique, ce sont les projets : or celui de Jean-Luc Mélenchon et le mien sont compatibles. Comme il le dirait lui même, nous ramons dans le même sens. Soyons des millions à pousser vers cette alternative que lui et ses camarades ont joliment nommé "la France insoumise". Insoumise à la finance. Insoumise à la haine. Insoumise à l'oligarchie. Il est aujourd'hui en meilleure position que moi... Et avec moi à ses côtés, ces idées qui comptent plus à mes yeux que ma propre destinée, elles sont en mesure de figurer au second tour et de l'emporter. »
Voilà pour la fiction. La réponse n’a pas fait dans la demi-mesure également, voyant dans la fiction du professeur agrégé d’histoire, un rêve… de soumission à la "France insoumise".
Suite du feuilleton (riche en retournements) dimanche soir…
Stop à la culture du viol
Invitées de Mediapart, quatre militantes féministes victimes de harcèlement et agressées sur les réseaux sociaux y tirent la sonnette d’alarme. « Violences sexuelles: réagissons! » « Nous sommes fatiguées, disent-elles. Par les agresseurs bien sûr. Mais aussi par tous les autres. Par les magistrat.e.s qui demandent un non lieu lorsque nous portons plainte. Par les policier.e.s qui n'enquêtent pas sérieusement pour retrouver les auteurs de violence. Par les procureur.e.s et les juges qui ne demandent pas à Twitter et Facebook de réagir. Par les expert.e.s en tous genres qui viennent nous expliquer qu'on n'aurait pas dû provoquer (comme si une menace de viol pouvait au fond être un peu méritée). Par les journalistes qui nous parlent de drames passionnels pour parler de violences contre les femmes. Par les responsables politiques qui se rappellent au moment de la présidentielle que 230 femmes sont violées par jour en France mais qui une fois au pouvoir refusent d'éduquer dès le plus jeune âge à l'égalité. Par les hypocrites qui montent au créneau lorsque les violences sont commises par des étrangers mais qu'on entend pas lorsque nous sommes menacées et harcelées par des fachos «bien de chez nous». Par les présidents qui savent qu'ils ont dans leurs équipes des agresseurs mais qui ne trouvent pas cela très grave. Par chacune et chacun qui regarde ailleurs quand le sujet arrive dans la conversation. »
Les réactions à cette tribune sont assez mitigées : si une majorité considère cette mobilisation nécessaire, d’autres (assez nombreux) semblent plus frileux face à ce combat et préfèrent discuter de la prostitution, de l’IVG, de la parité en politique, voire considèrent cet harcèlement comme la rançon de la gloire ou sont tout simplement « choqué[s] » de la plainte déposée pour le SMS du technicien d’orange par Buffy Mars, « je crains une rechute dans le puritanisme victorien » (…)
Un autre billet sur le thème, « De Polanski à Hamilton », celui-ci écrit par un homme, Jacques DELIVRé, (bien mieux accueilli, même si de nombreux commentateurs ont plaidé la cause du cinéaste) revient sur la décision de Roman Polanski de ne pas présider la cérémonie officielle de la remise des César 2017, « comme disent les médias, sous la pression d' «organisations féministes». Toujours ces sacrées bonnes femmes, constamment énervées pour un oui pour un non, qui empêchent les hommes de vaquer, peinards, à leurs petites occupations ».
Dans ce long billet, il revient sur les arguments de ceux qui ont soutenu le cinéaste et décortique la question du « retour de l’Ordre moral » avec cette conclusion on ne peut plus plus précise et percutante : « Que l'ordre établi, ce sont eux qui veulent en réalité le maintenir, l'ordre des dominants sur les dominés, cet ordre qui leur profite, en freinant quant à l'évolution salutaires des mentalités et des sensibilités sur ces questions, et notamment les dommages souvent irréversibles causés aux victimes, a fortiori s'il s'agit d'enfants. Bref, pour dire qu'à vouloir mettre le boisseau, de façon totalement hypocrite, et au nom d'une prétendue liberté, sur ces questions de mœurs et de crimes (viol :«meurtre psychique»), la politique se déshonore encore un peu plus en mélangeant tout, morale et moralisme. Non, Messieurs Finkielkraut et tous les autres, la lutte contre le viol et la pédocriminalité n'est pas une furieuse régression, mais un combat toujours d'avant-garde, et vous devriez vous en réjouir. »
Délinquants solidaires
L’autre grand sujet du Club de cette semaine, c’est la solidarité avec les "délinquants solidaires", non pas les violeurs et autres pervers sexuels, mais avec les personnes poursuivies par la justice pour être venues en aide aux migrants.
Après l’arrestation de Cédric Herrou le 19 janvier, en compagnie de deux autres militants, dans la vallée de la Roya (Alpes-Maritimes), pour aide au séjour irrégulier, Agnès Druel, logisticienne et bénévole dans le 93, a publié « La honte ! », un cri du cœur qui parle de sa honte de vivre dans un pays qui poursuit en justice ceux qui sont solidaires et son écœurement face à tous les « débats stériles » et haineux dont on nous abreuve sur l’islam, les assistés…
« Voilà cette société que nous sommes en train de construire. Une société où le faible doit se taire, un monde où il est acceptable de fixer le prix des denrées alimentaire en bourse quand des enfants meurent de faim, une société où nous avons accepté qu'une religion soit responsable de tout à l'aide de matraquage médiatique incessant, une société où la vie d'un homme occidental continuera de valoir plus que celle d'un Malien ou d'un Pakistanais, une société maladivement hypocrite. »
Ce texte a beaucoup ému et a beaucoup circulé, preuve qu’il ne faut pas désespérer... Et continuer à se battre !
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Les jours suivants, Eugénio Populin a publié sur son blog les lettres au procureur de Nice de Cédric Herrou et de sa maman. Extrait de celle de Mama Herrou, une femme remarquable s’il en est.
« Je suis la mère de celui contre lequel vous vous acharnez. Ma grand-mère paternelle a elle aussi, en 1918 passé la frontière d’Italie à pied, par les montagnes elle a perdu le bébé qu’elle portait au cours de ce périple (peut être a-t-elle croisé à ce moment là les grands mères de messieurs Ciotti et Estrosi, qui sait ?), elle s’est louée telle une bête de somme pour tirer les « charetons » je me souviens d’elle avec la lanière de cuir qui lui barrait le torse… Ma mère quant à elle était allemande, ma sœur est née dans les geôles de la Gestapo, elles ont été toutes deux libérées par les Américains ; C’est ce sang là qui coule pour moitié dans les veines de mes deux fils que vous avez fait arrêté jeudi, l’autre moitié étant du pur sang de Bretagne… c’est têtu un Breton, et ça n’a pas peur des tempêtes. S’ils ne sont pas Français « de souche » (c’est ce qui reste d’un arbre mort, non?) ils ont des racines profondes et vivantes dans ce pays qui est le leur et qu’ils aiment. »
David Kakache, président de l’association « Tous citoyens » de Nice, se demande, quant à lui, si à la Roya « l'Etat [ne pousse pas] les citoyens solidaires à la faute ».
« Les nouvelles arrestations musclées, perquisitions et gardes à vue prolongées dans la Roya témoignent de la volonté des pouvoirs publics de pousser à bout les désobéisseurs azuréens. Que cherche-t-on par ce harcèlement judiciaire et policier ? [qu’il détaille avec précision.] A engendrer violence et conflit ouvert pour décrédibiliser toute action de solidarité ? La mort de Rémi Fraisse n'a-t-elle donc servie de leçon à personne ? »
La traque, la maltraitance des personnes migrantes ou réfugiées et le harcèlement judiciaire des personnes leur venant en aide ne sont pas réservés à la vallée de la Roya, comme nous en informe régulièrement « La chapelle en lutte », ce collectif informel basé à Paris. Le dernier billet, « Pour les exilé-e-s, contre la démesure pénale: pétition en soutien à Gwen Mallauran », a été signé par plus de 100 personnalités (Mathieu Almaric, Etienne Balibar, etc.) en soutien à Gwen Mallauran.
Après « 29 heures de détention et d’importantes peines encourues pour avoir exprimé une légitime colère… » contre le préfet de région J.-F. Carenco, Gwen Mallauran doit comparaître en justice le jeudi 2 février, à 9 h devant la 29e chambre du TGI de Paris pour outrage à un membre dépositaire de l’autorité publique.
Pour finir sur ce thème du harcèlement judiciaire des personnes solidaires des migrants, le billet de la Cimade « En colère et solidaires ! » en appelle à la mobilisation.
« Si la solidarité devait être considérée comme un délit, c’est toute la cohésion de notre société qui s’effondrerait. Avec tous les risques de fracture sociale que l’on voit déjà poindre », rappelle Geneviève Jacques, présidente de la Cimade.
Le billet donne à la fin tous les liens : pétition, adresse du manifeste des "Délinquants solidaires" signé désormais par plus de 200 organisations nationales et locales, ainsi que les pages Facebook des manifestations de Lille, Paris et Nice.
Les voici de nouveau :
· signant la pétition solidarité avec les citoyens solidaires des réfugiés !
· rejoignant, pour les organisations, le collectif Délinquants solidaires
· se rassemblant à Lille le 8 février, Paris le 9 février et Nice le 10 février 2017.