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Journaliste engagé pour l'Ecole. Fondateur et rédacteur en chef (2001-2023) du Café pédagogique.

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Billet de blog 2 novembre 2025

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Education : Le "toujours moins" de la droite sénatoriale

Alors que le budget de l'Education nationale 2026 prévoit déjà 4000 suppressions de postes d'enseignant, le sénateur LR Olivier Paccaud, rapporteur du budget, recommande de retirer plus d'un milliard et 8000 postes. Au risque d'asphyxier aussi les écoles rurales dont les maires sont électeurs des sénateurs...

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Un budget déjà insuffisant

Illustration 1
O Paccaud au Sénat en mai 2025 © Flux vidéo du Sénat

"Le rapporteur spécial souhaite donc proposer d’aller plus loin dans la suppression des emplois d’enseignants pour le PLF 2026". Rapporteur du budget de l'Education nationale pour la Commission des Finances du Sénat, le sénateur LR Olivier Paccaud butine tout au long de son rapport. Au final, ce sont 8000 emplois et plus d'un milliard qu'il propose de supprimer dans 5 amendements adoptés le 29 octobre en commission.

Pourtant le budget 2026 de la mission enseignement scolaire est déjà fortement réduit. Hors pensions, il s'élève à 64.3 milliards, soit seulement 167 millions de plus qu'en 2025 (+0.26%). Les deux principaux programmes évoluent eux aussi moins vite que l'inflation. L'enseignement du 1er degré augmente de 0.9% et le second degré de 0.47% par rapport à la loi de finances 2025.

Par suite, l'évolution totale de la mission enseignement scolaire en euros constants illustre le décrochage de l'éducation : 65milliards dépensés en 2024, 64,3 milliards inscrits à la loi 2025, 63,9 dans la loi 2026. L'éducation n'a pas seulement perdu la 1ère place dans le budget de l'Etat. Elle dégringole d'année en année. Et les gels budgétaires aggravent in fine le décrochage.

Pourtant, O. Paccaud ne fait pas l'impasse sur les classes surchargées par rapport à celles de nos voisins, aussi bien dans le 1er que le 2d degré. Il n'oublie pas de rappeler que les salaires enseignants sont nettement inférieurs en France à ceux des professeurs des pays équivalents.

Il montre même que la "revalorisation" Macron n'en a pas vraiment été une. "Les évolutions de salaires doivent être analysées en tenant compte de l’inflation, qui relativise les légères hausses constatées facialement. Ainsi, entre 1990 et 2023, la rémunération des enseignants a diminué en fin de carrière, aussi bien pour les professeurs des écoles, les professeurs certifiés que les professeurs agrégés, de plus de 10 % en euros constants. La baisse de pouvoir d’achat est comprise entre 9,8 % et 12,8 % en trente ans pour les enseignants à 15 ans de carrière de ces trois corps en termes de pouvoir d’achat".

Et il n'y a rien à espérer pour 2027 et la suite. Le budget prévu pour 2027 ne devrait connaitre que +0.7% de hausse, creusant encore le décrochage. Ce n'est pas mieux pour 2028. Comme le dit O Paccaud,"ces prévisions peuvent sembler optimistes, dans la mesure où il parait difficilement concevable, à moins d’une inflation extrêmement limitée, que les dépenses des personnels des premier et second degrés n’augmentent annuellement que de 1,3 %, CAS « Pensions » inclus, ce que le Gouvernement anticipe pourtant entre 2026 et 2028".

Contrôler le coût de l'école inclusive

Tout semble réuni pour un effort budgétaire pour l'éducation ? Non. Car O. Paccaud y oppose la baisse du nombre des élèves et le coût jugé trop important de l'école inclusive.

Commençons par celle-ci. "La hausse importante du nombre d’élèves en situation de handicap dans le milieu scolaire entraine des conséquences budgétaires, sur lesquelles il convient de s’interroger", écrit-il. Il met le point sur le i : "La particularité de la gestion de la scolarisation des élèves en situation de handicap est que l’Éducation nationale, en administration centrale comme dans les rectorats, n’a pas de visibilité sur les effectifs, dans la mesure où le nombre d’élèves scolarisés dépend de l’évolution des notifications effectuées par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Cela entraîne une déconnexion entre le prescripteur et le payeur qui n’est pas soutenable à long terme".

La solution qu'a trouvé le gouvernement a sa faveur. "Les PAS doivent apporter une réponse de premier niveau pour la scolarisation des élèves à besoins particuliers, en amont de la notification d’accompagnement spécialisé émise par la maison départementale des personnes handicapées (MDPH)". Mais pour généraliser les PAS, rejetés d'une loi fourre tout par le Conseil constitutionnel,  il faut une loi qu'il est peut-être délicat de faire passer en ce moment...

L'opportunité de la baisse démographique

Aussi pour Olivier Paccaud la baisse démographique du nombre d'élèves est "une opportunité" dont il faut se saisir et sans retard. Ce sont 455 000 élèves en moins dans les écoles d'ici 2029 et 212 000 dans le second degré. Oubliant tout ce qu'il a écrit sur les classes surchargées, selon lui, pour 2026, cette baisse justifierait de supprimer 9 415 postes d'enseignants. "La baisse proposée par le présent PLF de 4 018 ETP d’enseignants est donc moitié plus faible que la reprise démographique prévue", déplore t-il.

Aussi propose t'il dans un amendement de supprimer 8000 postes au lieu des 4000 suppressions inscrites dans loi de finances. "Le rapporteur spécial souhaite donc proposer d’aller plus loin dans la suppression des emplois d’enseignants pour le PLF 2026. La suppression d’un total de 8 000 ETP d’enseignants, soit 4 000 ETP supplémentaires, permettrait de suivre l’évolution démographique, mais de manière beaucoup plus modérée que ce que justifierait la tendance démographique. Ainsi, il pourrait être possible de procéder au PLF 2026 à la suppression : de 4 373 ETP d’enseignants du premier degré, au lieu des 2 373 ETP actuellement envisagés ;  de 3 645 ETP d’enseignants du second degré, au lieu des 1 645 ETP envisagés par le présent texte".

Mais, O Paccaud propose d'y aller progressivement car il est pris dans une contradiction. Quand on supprime des postes, on commence, comme l'a montré un rapport des inspections générales de l'Education et des Finances, par fermer les classes qui comptent peu d'élèves. Or ce sont les classes des écoles rurales. Et les maires des petites communes rurales pèsent très lourd lors de l'élection des sénateurs. Aussi demande t-il de supprimer d'abord "seulement" 2000 emplois pour 75 millions. En fait ces 75 millions correspondent plutôt à 1500 emplois d'après notre calcul.

Le budget diminué d'un milliard

Par contre le sénateur Paccaud se lâche sur d'autres points du budget. Relevant un fort écart entre les crédits prévus pour les classes post bac des lycées et les dépenses réelles, il demande de diminuer d'un milliard le budget de l'éducation (1094 millions exactement). "Certes, ces crédits sont certainement consommés ailleurs", reconnait-il. Mais l'occasion est trop belle. Le rapport de la Cour des Comptes sur le budget 2024 avait relevé le fort écart entre le budget formation et la dépense réelle de formation (plus d'un milliard d'écart). Là aussi ces fonds ont été utilisés pour l'éducation, principalement pour éponger le gel subit de 700 millions imposé par Bercy. Dans le budget 2026, les crédits de formation ont été divisés par deux et un milliard a été retiré.  En cas de gel, le ministère a perdu son matelas.

Haro sur les opérateurs

D'autres prétextes sont utilisés pour réduire le budget des opérateurs de l'Education nationale. Ainsi, l'Onisep est jugé à peu près inutile. "Suite à la loi du 5 septembre 2018 sur la liberté de choisir son avenir professionnel, la compétence d’information sur l’orientation a été transmise aux régions, le rôle de l’ONISEP a été restreint et ses effectifs réduits". O Paccaud retire 5 millions. Canopé a un fonds de roulement de 11 millions. Donc il demande de lui retirer 20 millions. Le Cned a une trésorerie de 51 millions : c'est la raison invoquée pour retirer 15 millions.

Quelles suites ?

Au final, O. Paccaud propose de retirer 8000 emplois d'enseignants et 1.2 milliard au budget de l'éducation nationale. Ce budget marque une rupture politique nette. Avec lui l'éducation nationale entre officiellement dans les ministères à dégraisser. Avec ce budget , le gouvernement affiche le choix d'utiliser la baisse démographique pour réduire la dépense d'éducation. Même si l'éducation est en fait sous financée. O Paccaud va un peu plus loin en demandant une baisse nette en euros du budget.

O. Paccaud n'en est pas à son premier rapport sur l'Ecole. En juin 2025, il proposait de résoudre le problème des remplacements des enseignants en les faisant travailler davantage gratuitement et en annulant des congés maladie. En mai 2025, il recommandait le détricotage de l'éducation prioritaire.

Les recommandations d'O. Paccaud seront probablement suivies par le Sénat où la droite est fortement majoritaire. Sont-elle susceptibles de s'imposer dans la loi de finances 2026 ? Le budget de l'éducation nationale a déjà fait l'objet d'échanges en  commission de la Culture de l'Assemblée le 17 septembre. Aux syndicats venus demander un effort budgétaire, l'extrême droite et la droite opposaient leur volonté de diminuer le budget. Les macronistes demandaient de faire mieux sans moyens supplémentaires. Il semble qu'il y a bien une majorité pour attaquer le budget de l'Ecole.

François Jarraud

Le rapport Paccaud et les amendements

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