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Billet de blog 25 octobre 2013

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L'hebdo du Club (9): le moment Léonarda Dibrani

Au menu cette semaine, une victoire judiciaire contre Claude Guéant et le récit par nos abonnés et invités de l'affaire Léonarda.

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Au menu cette semaine, une victoire judiciaire contre Claude Guéant et le récit par nos abonnés et invités de l'affaire Léonarda.

Au tribunal

La 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris a prononcé, jeudi 18 octobre, la nullité de la poursuite initiée par Claude Guéant contre Edwy Plenel et Patrick Filleux, abonné de Mediapart. Claude Guéant, objet d’un billet publié en février 2012 (et détruit depuis par son auteur) intitulé « Guéant: fasciste... forcément fasciste ! » et constituant selon l'ancien ministre de l'Intérieur une « injure publique envers un membre du gouvernement », entendait faire condamner non seulement le blogueur abonné de Mediapart, mais également son directeur de publication (lire L'hebdo du Club du 8 septembre). L'enjeu était d'importance: une condamnation de Mediapart comme « auteur principal » du billet incriminé aurait fait tanguer notre modèle, fondé sur un espace sans modération a priori

Pour porter plainte en tant que ministre, Claude Guéant s’était adressé au ministère de la justice, dont la direction des affaires et des grâces a saisi le procureur général de la Cour d’appel de Paris, qui a évalué –positivement– l’opportunité de l’ouverture d’une enquête –qui fut donc conduite. Mais, a plaidé Me Emmanuel Tordjman, avocat de Mediapart, « pas un seul de ces actes n’a été conforme au droit de la presse », dont « on ne connaît pas le b-a-ba au plus haut sommet de l’Etat ». Le tribunal avait choisi d'en délibérer.

Certains des propos poursuivis n'apparaissent pas, de manière évidente et immédiate, rattachés aux fonctions ministérielles exercées par Claude Guéant ou sa qualité de ministre de l'intérieur, ont constaté les magistrats, qui ont également pris acte de la confusion entre les 1er et 3e alinéas de l'article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, alinéas qui précisément distinguent l'injure publique envers un membre du gouvernement de celle dirigée contre un particulier. Le tribunal a donc prononcé la nullité de la poursuite, qui avait été diligentée par le parquet.

L'affaire Léonarda Dibrani

Lundi 14 octobre.

Un texto de RESF: «Bonjour, nouveau post (que je crois important) sur le blog RESF.»

« J'ai demandé à Léonarda de dire au revoir à ses copines, puis je suis descendue du bus avec elle, nous sommes allées dans l'enceinte du collège à l'abri des regards et je lui ai expliqué la situation, elle a beaucoup pleuré, je l'ai prise dans mes bras pour la réconforter et lui expliquer qu'elle allait traverser des moments difficiles, qu'il lui faudrait beaucoup de courage... Une voiture de police est arrivée, deux policiers en uniforme sont sortis. Je leur ai dit que la façon de procéder à l'interpellation d'une jeune fille dans le cadre des activités scolaires est totalement inhumaine et qu'ils auraient pu procéder différemment, il m'ont répondu qu'ils n'avaient pas le choix, qu'elle devait retrouver sa famille… » Madame Giacoma, professeur d'histoire géo éducation civique, dans le billet de RESF qui a donné une ampleur nationale à l’expulsion.

Mardi 15 octobre.

« Dans chacune de mes classes, depuis 5 ou 6 ans, il y a 3 ou 4 élèves silencieux, assis tout au fond, sages et perdus. Quel que soit le niveau, de la 6e à la 3e, ils me regardent et m'écoutent sagement. Fidèles, ils sont là, chaque année mais toujours aussi perdus. Ils peuvent aussi disparaître du jour au lendemain... Ils ne parlent pas ou très peu le Français mais n’embêtent personne. Ils sont au contraire particulièrement discrets et respectueux. Pourtant ils subissent un racisme absolu. De la part des autres élèves d'abord (Maliens, Kabyles, Tunisiens, Algériens, Marocains, Ivoiriens…. de 2e 3e ou 4e génération). Eux aussi ont souvent des vies abîmées, un avenir sombre, mais c'est un peu un réconfort que de trouver plus miséreux. Les Roms deviennent des discriminés de discriminés. Les adultes, parents d'élèves du quartier ne montrent malheureusement pas souvent l'exemple non plus. Mais que dire des institutions (la Mairie, la police) et, bien sûr, de la très grande majorité des médias. Beaucoup de « nos » hommes politiques de « gauche » se font d'ailleurs les complices de ce racisme ordinaire. On se demande dès lors qui d'un Rom ou de Valls est le moins intégrable à la République. » Sarah, enseignante

Mercredi 16 octobre.

« Nous regrettons profondément l’expulsion de Khatchik du territoire français. Nous nous adressons au président de la République pour permettre le retour en France de Khatchik, comme cela a été possible pour Suzilène, Taoufik, Mohamed, Ilyes et Najlae lycéens de toute la France, expulsés puis revenus grâce aux mobilisations entre 2005 et 2011. » Anne Hidalgo et autres élus franciliens, sur le blog de RESF.

Jeudi 17 octobre.

« Le représentant de tous ces gens-là, qui éprouvent des émotions à tort et à travers, Proust en fait un journaliste politique et il l’appelle, moqueur, Rustinlor. Rustinlor ! Quel nom ! Nous sommes tous des Rustinlor, nous tous qui nous enflammons devant le traitement inique infligé à cette jeune fille nommée Léonarda. Nous qui sommes malades des petites phrases prononcées par ceux qui légitiment ce traitement. Pourtant, le Rustinlor de Proust est dreyfusard. » Dominique Dupart

« Aller chercher une collégienne d'origine kosovare dans un bus scolaire pendant une sortie avec les élèves de sa classe et ses professeurs pour "la prendre en charge" comme nous l'explique, menton fièrement en avant, notre délicat Ministre de l'Intérieur. Quel respect du droit à l'instruction Publique ! Quelle audace ! Quel courage et quelle fidélité aux idéaux de sa jeunesse ! Valls, je te l'écris rapidement comme je le pense, en tant qu'ancien membre de la direction de l'Union nationale des étudiants de France, à laquelle tu as aussi appartenu: tu nous fais honte ! » Emmanuel Maheu

« S'il est encore trop tôt pour parler d'une plaine embrasée, les lycéens révoltés contre le sort réservé à deux de leurs camarades (expulsés parce qu'étrangers sans papiers) donnent un grand coup de pied salutaire dans la France rance et rabougrie dont on nous sert depuis des lustres les lamentations infâmes. » Yvan Najiels

« Lorsque Jean-Marc Ayrault dit qu'il fait procéder à une enquête administrative pour savoir si la loi a été rigoureusement respectée dans le cas de l'expulsion de Leonarda, il reste à côté du problème essentiel que pose cette pitoyable péripétie : la loi en question est-elle conforme aux valeurs qui honorent notre pays depuis la déclaration des droits de l'homme ? » Vingtras

« La jeune collégienne Leonarda a été renvoyée à Mitrovica, une ville où vivaient une importante communauté rrom avant 1999. La mahala (quartier rrom) située sur la rive sud de l'Ibar a été entièrement détruite par les extrémistes albanais en 1999. La plupart de ses habitants se sont réfugiés au nord (en zone serbe), où ils ont longtemps vécu dans des camps situés sur des terrains insalubres et hautement pollués proches des anciennes mines de Trepca. La reconstruction de la mahala, partiellement achevée en 2009, ne règle pas le problème, car il n'y a aucune perspective économique pour ses habitants, qui vivaient autrefois du commerce et de métiers artisanaux traditionnels. » Le Courrier des Balkans.

« Il ne faut pas non plus se laisser dominer par l’émotion de l’instant sur des débats aussi sensibles que ceux de l’immigration et de l’intégration. Contrairement à la droite et au Front national, les socialistes assument leurs valeurs et portent fièrement leurs couleurs, notamment celles de l’égalité, de la fraternité, de la tolérance et de la solidarité. Si le Gouvernement ne peut passer outre les lois, il veille toutefois à ce que les décisions les plus difficiles à prendre s’effectuent dans le respect de la dignité des personnes et du pacte républicain. » Mehdi Thomas Allal.  

Vendredi 18 octobre.

« Force est bien de constater que les propos de Manuel Valls sont un crachat qui glisse sur notre visage et donne sa couleur glauque à l’ensemble de l’action gouvernementale. (...) En conscience, nous prenons nos responsabilités. Nos parcours de vie nous donnent une connaissance intime de la stigmatisation, de la haine, de la bêtise, de l’ignorance, du stéréotype et des préjugés. En tant que gais, lesbiennes, bisexuels, transsexuels et transgenres, parce que nous sommes gais, lesbiennes, bisexuels, transsexuels et transgenres, nous ne pouvons tolérer les propos de Manuel Valls ni nous taire devant le soutien que lui a apporté François Hollande. On a pu parfois vivre dans l’illusion que voter pour le Parti socialiste était “ dans tous les cas ” un moindre mal. Ce sera désormais sans nous. » Les Invités de Mediapart

Samedi 19 octobre.

« La France vient d'inventer un nouveau modèle éducatif : on expulse les parents mais on garde les enfants (que l'on choisit, les plus médiatiques peut être!!!). Au moment où les pouvoirs publics et associations essaient de trouver une solution pour les mineurs étrangers isolés (c'est-à-dire sans famille), c'est une surprise.» Gilles Sainati

Dimanche 20 octobre.

« C'est un de ces bordel ! Des gosses partout, pas coiffés, sapés chez ma tante, couchés n'importe où, les uns sur les autres. La mère qui s'y met. Et que je te vocifère. C'est qu'ils nous menacent, en plus. Aucune tenue médiatique. Affaire classée. Affreux, sales, méchants. (...) Leonarda fronce les sourcils, se demande visiblement si elle a bien compris ce qu'Hollande a dit avec son air tellement gentil. Avec son père elle a distribué des tracts pour lui pendant la campagne. Même pas payé, mais ça leur faisait plaisir. Qu'est-ce qu'il a dit ? Léonarda, “mais seule”, il a dit avec une pointe d'insistance dans la voix. Un blanc, ils encaissent le choc. » Fabrice Riceputi, RESF.

« Léonarda regarde le Président avec toute sa famille. Les micros se tendent. Léonarda maîtrise le Français : “ c’est la cata ”… » Gilles Walusinski

« Je salue et soutiens la proposition de notre Président François Hollande. Aujourd'hui si ses parents lui permettent, la jeune Léonarda peut revenir en France pour continuer sa scolarité. Bien sûr, l'idéal aurait été que toute la famille revienne, mais la justice en application de la loi et après plusieurs recours a tranché, l'asile politique n'est pas [accordé] à cette famille. Cette décision peut être critiquée mais c'est le droit actuel en France qui est appliqué. Alors si l'on s'en tient seulement à l'intérêt de Léonarda, il faut soutenir son retour et si ses parents regardaient seulement l'avenir de leur fille, ils devraient accepter de s'en séparer momentanément et pour cela il faut du courage et surtout beaucoup d'amour de leur part.» hg

« C'est à croire que François Hollande applique seulement les promesses qu'il n'avait pas tenues en public (ANI, réforme des retraites, Loi Sapin, Roms, refus de la taxe Tobin, ...). Ce positionnement très à droite vient encore se renforcer et s'affirmer.» POJ

« Sondages après sondages, élections partielles après élections partielles, le verdict tombe : l'électorat de gauche proteste, s'abstient et finalement sanctionne la politique conduite aujourd'hui par le Gouvernement. Il faut prendre la mesure, sans se voiler la face, du désaveu sans précédent qui nous frappe désormais dans le pays. Si nous voulons sauver ce quinquennat, il nous faut avoir le courage d'analyser et de regarder en face les erreurs commises depuis dix huit mois  pour changer de cap avant que la catastrophe qui s'annonce ne devienne réalité. Nul ne pourra dire, comme en 2002, nous n'avions rien vu venir, si notre pays devait connaître un accident politique majeur.

C'est le choix d'une ligne politique qui n'a aucune base sociale qui explique la crise profonde dans laquelle la gauche est aujourd'hui plongée. Cette orientation politique, vendue par des communicants et des sondeurs qui vivent de concepts irréels,est celle de la triangulation. Cette tactique vise à désarmer le camp adverse en reprenant à son compte nombre de ses thèmes et de ses idées. » Stéphane Delpeyrat (secrétaire national du PS).

« Beaucoup de différences existent entre Vincent Peillon et Manuels Valls. L’un est un intellectuel structuré, pensant l’action dans le sens d’un progrès. L’autre est un arriviste fini pensant la société à l’aune de son ambition personnelle. Pourtant, la cohérence gouvernementale, sous la compromission hollandienne en fait un couple de siamois, une sorte de Ying et Yang du solférinisme. Alors que dans n’importe quelle autre situation, ce voisinage ferait crise, ici là, cela fait complémentarité. La maison qui nous gouverne est donc folle à lier. Comment littéralement faire vivre dans le même corps une collégienne et une étrangère expulsable ? Comment mobiliser la grammaire et le charter ?»  Pierre Avril

Lundi 21 octobre.

« Car rien ne va plus dans cette république, il faut bien en prendre en cet instant la mesure: pouvoir déconsidéré, frappé d'impotence, majorité en lambeaux, tiraillée de toutes parts, mise à mal sur sa gauche, entrainée sur sa droite. L'équipage Hollandais, groggy, ne fait que louvoyer.» Pinelli

Mardi 22 octobre.

« Il considère que ce n’est pas à lui de décider de tout, de choisir pour les autres. On imagine toujours les autres comme on se voit soi-même. Lui voit les autres comme des personnes capables d’avancer avec lui, comme lui, de manière sereine et efficace. Il honore son statut de président en agissant ainsi. Tous ceux qui râlent sont petits, très petits. Il y a ceux qui aimeraient être chef. Avec eux on va voir ce qu’on va voir. Il y a ceux qui veulent un chef pour ne plus avoir à décider eux-mêmes. Moi je n’aime pas les chefs. Ni les grands, et encore moins les petits. Moi je sais ce que j’ai à faire. Et moi ce président il me plaît bien.» Gabrielle Tessier K.

« L’affaire Léonarda n’a été possible qu’à partir du moment où Manuel Valls a stigmatisé des Roms en déclarant qu’ils n’avaient pas la vocation d’être intégrés en France. C’est sa grande faute morale et politique. Et pourquoi l’a-t-il fait ? Pour se rendre populaire. » Jacky Dahomay

« “J'ai vendu des roses à Séville, des mouchoirs en Belgique, du tabac à priser en Allemagne, jusqu'à ce que nous nous installions à Fano” (...) La saga de ces apatrides est exemplaire, en plus de leur optimisme vital et de leur allergie aux patries et aux documents - vestige peut-être d'un ADN soupçonneux avec les recensements, qui étaient le prélude des pogroms… Leur histoire, faite de voyages, liberté, aventures et fuites, produit à la fois l'envie et le vertige, et est à la fois l'incarnation et le revers du rêve européen : des gens qui parlent trois ou quatre langues, et qui sautent de pays à pays comme on change d'air . “ Tout allait bien jusqu'à ce que Silvio Berlusconi dise qu'il devait reconduire tous les Tsiganes du pays ”, dit le père. (...)  La fuite des Dibrani d'Italie en France a coïncidé, en janvier 2009, avec le point culminant de cette offensive. “ Nous sommes partis deux jours avant d'être expulsés. L'avocat m'a dit qu'ils allaient nous envoyer en Croatie, alors nous avons pris le van et nous sommes partis par San Remo jusqu'à Orléans. ” ». El Païs, quotidien espagnol, traduit par Philippe Ginet.

Mercredi 23 octobre.

« Rien n’aura été épargné : la publication d’un rapport à caractère policier sur la vie de sa famille, la mise en cause de son père censée justifier l’expulsion de la fille, le défi lui enjoignant de revenir seule alors que qu’elle a été descendue de son car scolaire prétendument au nom de  regroupement familial d’expulsion. » Albert Herszkowicz

« Un jour tombera la dépêche que Mlle Leonarda est rentrée et a repris sa scolarité profil bas, et l’on n’y prêtera presque plus attention. » Vincent Fleury

Vendredi 25 octobre.

« La majorité présidentielle d’aujourd’hui joue un rôle encore plus néfaste que la précédente. » Michel Feher