YVES FAUCOUP (avatar)

YVES FAUCOUP

Chroniqueur social

Abonné·e de Mediapart

882 Billets

2 Éditions

Billet de blog 3 novembre 2023

YVES FAUCOUP (avatar)

YVES FAUCOUP

Chroniqueur social

Abonné·e de Mediapart

Crimes de guerre & cessez-le-feu

Crimes de guerre, contre l’humanité, terrorisme, génocide, bataille de mots ici, là-bas violence non pas théorique mais bien réelle. En France, la cohorte, qui d'ordinaire se moque souverainement du sort des Palestiniens, en profite pour déverser sa propagande contre les Arabes et les Musulmans. Cette guerre finira-t-elle autrement que par un simple cessez-le-feu ?

YVES FAUCOUP (avatar)

YVES FAUCOUP

Chroniqueur social

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Les attaques du Hamas en Israël, dans les kibboutz du sud, le 7 octobre, sont des actes de barbarie. On utilisera les mots qu’on veut, crimes de guerre, crimes contre l’humanité, terrorisme, les faits sont là : des civils ont été délibérément massacrés, les descriptions rapportées par les autorités israéliennes mais aussi par des images faites par les hommes du Hamas eux-mêmes sont horribles, dépassent l’entendement, aucun mouvement de résistance, de lutte pour les droits d’un peuple ne peut agir ainsi sans démontrer son incapacité à prétendre vouloir le bonheur du dit peuple, tellement l’inhumanité des actes commis ne peut laisser présager qu’il saurait un jour, sur une terre libre, faire respecter les droits humains. D’autant plus que la barbarie il l’applique depuis longtemps à l’encontre de ses opposants, menant un combat religieux plus qu’en défense des Palestiniens (on note au passage que ce sont justement des Israéliens plutôt de gauche qui ont été visés afin, sans doute, que tout Israël s’insurge). S’il est vrai que parmi les assaillants il y avait des Palestiniens free-lance qui n’étaient pas sous le couvert du Hamas, cela démontre plus encore l’irresponsabilité politique de ce dernier.

Ces crimes à distance nous terrifient, alors combien davantage pour celles et ceux qui vivent en Israël, qui ont la peur chevillée au corps dans l’attente de nouvelles des otages. Dans le monde entier, pas seulement en Israël, des Juifs, hantés par la Shoah, ont une valise prête. Il va de soi que la gauche française doit pleinement prendre conscience du traumatisme subi (ces 1400 morts rappellent les pogroms, dans un pays dont la population est 7 fois inférieure à la France). On peut regretter que cela n’ait pas provoqué ici de manifestations pour dénoncer spécifiquement ce massacre.

Les actes antisémites seraient en hausse, il importe que les démocrates et républicains les combattent tout autant que les actes et les propos racistes et anti-musulmans qui ont pignon sur rue depuis de nombreuses années dans certains médias en toute impunité. D’ailleurs, comme toujours, les crimes du Hamas sont instrumentalisés par des commentateurs qui se moquaient du tiers comme du quart de la situation des Palestiniens et s’en saisissent comme d’une aubaine pour donner plus que jamais libre cours à leur haine des Arabes en général. Quant à l’antisémitisme, la vigilance ne doit pas conduire à s’incliner devant toute accusation portée un peu trop facilement par certains, faisant du tort à la lutte à mener contre ce racisme envers les Juifs en interprétant de façon simpliste le moindre terme, la moindre remarque, le moindre commentaire, comme antisémites.

Certains disent que même parler de terrorisme cela ne suffirait pas, car il s’agirait d’un génocide. Selon Abnousse Shalmani, journaliste politique militante de LCI (le 31/10), ce ne seraient pas des Israéliens qui ont été victimes du Hamas mais des Juifs (il faut selon elle éradiquer le Hamas et raser Gaza, carrément). Martine Gozlan, dont on connaissait la phraséologie antimusulmane permanente dans Marianne, est soudain invitée sur plusieurs plateaux de télé comme spécialiste d’Israël et de l’islam (C ce soir sur France 5, LCI) pour non pas exprimer son point de vue mais hurler sa charge militante, agaçant même les autres invités, non seulement contre le « génocide » perpétré par le Hamas, mais aussi contre tous ses complices y compris en France (les « islamo-gauchistes »). Sauf que les victimes (tuées ou enlevées), si elles sont nettement majoritairement juives, sont aussi de France, de Grande-Bretagne, d’Irlande, d’Italie, du Brésil, du Paraguay, de Colombie, du Panama, du Pérou, du Chili, de Tanzanie, de Thaïlande, pas tous Juifs. Le Hamas a commis ses horreurs sur le territoire d’Israël, non pas contre les Juifs dans une autre partie du monde. Si l’on parle de génocide à propos du 7-octobre, alors il faut parler de génocide pour ce qui se passe à Gaza : bombardements sur des écoles, des hôpitaux, sur des habitations, sur des centres de l’ONU, sur l'Institut français (le Quai d'Orsay s'offusque), censés viser les caches du Hamas en sachant pertinemment que c’est au prix de la mort de milliers de civils palestiniens, dont, évidemment, des milliers d’enfants (les chiffres du Hamas sont peu contestables car dans le passé ils se sont avérés très proches de la réalité constatée par d’autres observateurs). Un ancien des services secrets israélien, Raphaël Jerusalmy, estime que selon la Convention de Genève on peut tuer autant de civils chez l’adversaire que l’on en protège d’autres dans son propre camp (LCI 27/10) !

Gaza, une terre pour expulsés

On (re)découvre que Gaza n’est pas le pays des Gazaouis mais une terre où les Palestiniens, chassés de leur terre, y ont été parqués : d’où des camps au sein même de cette prison à ciel ouvert. Il va de soi que les incitations de Tsahal auprès de la population à partir vers le sud est surréaliste (alors même que des bombardements ont aussi frappé le sud) : ce n’est pas de la vengeance dit le Grand Rabbin de France, Haim Korsia (BFM 29/10) puisque les habitants sont prévenus ! Les Gazaouis sont désespérés car ils ne savent où aller, par contre ils savent que toute solution provisoire est condamnée à être définitive.

Les autorités israéliennes, considérant qu’elles n’ont pas d’autres solutions que de taper fort, peuvent compter sur le fait que l’Histoire est tolérante envers les vainqueurs même s’ils ont commis des crimes contre l’humanité (Dresde pour les Alliés, Hiroshima et Nagasaki pour les Américains). Mais à l’heure du bilan, pas sûr que la terreur exercée par le Hamas paraitra pire que celle qu’applique Israël. Les chroniqueurs militants (souvent systématiquement anti-musulmans) en France (Caroline Fourest, Raphaël Enthoven, Bernard-Henri Levy, Manuel Valls, Mathieu Bock-Coté, Nadine Morano, Pascal Praud et bien d’autres) considèrent que le massacre des Palestiniens par Israël est bien moins grave que le massacre des Israéliens par le Hamas. De son côté, l’histrion du PAF, FOG (Frantz-Olivier Giesbert) nous assène dans Le Point comme un vulgaire troll des réseaux sociaux que la Palestine revient aux Juifs puisqu’elle est juive depuis plus de 2000 ans (sans préciser s’il faut appliquer ce principe partout dans le monde, y compris en Amériques). S’ajoute au délire médiatique Meyer Habib, un député français (franco-israélien, comme l’avocat d’extrême droite Gilles-William Goldnadel qui sévit sur le Net) : une honte pour la France qu’un tel individu, ami de Benjamin Netanyahu, puisse représenter le peuple français. Habib, Arnaud Klarsfeld, Elie Chouraqui et Martine Gozlan, lancent comme dans une cour d’école que c’est le Hamas qui a commencé. La « genèse » selon Habib daterait du 7 octobre, par ailleurs il nie la colonisation de la Cisjordanie (ce ne serait que « des implantations juives », pour lui tout à fait justifiées, sur LCI le 28/10) ! Dans la même veine, Yaïr Lapid, ancien premier ministre israélien, déclare sur LCI (29/10) : il n’y a pas d’occupation de territoires palestiniens, puisqu’il n’y a pas d’État palestinien.

Au lieu de tenir une parole équilibrée, face aux enjeux, à l’histoire, aux droits palestiniens bafoués, aux solutions à trouver, ils s’emploient à jeter de l’huile sur le feu, à déverser une haine qui fait mine de ne viser que le Hamas mais distille un racisme insidieux anti-arabe et anti-musulman. Ils et elles essentialisent les Arabes et Musulmans, seuls capables de commettre une telle barbarie alors que l’histoire de la Palestine depuis la création de l’État d’Israël est une succession d’actes violents, dès les début. La Nakba, déplacement forcé de 700 000 Palestiniens, était un événement qui aurait pu être qualifié des pires termes, le massacre de Deir Yassine (120 morts) perpétré en 1948 par des combattants juifs, tuant femmes et enfants, exécutant des prisonniers, alors même que ce village arabe avait clairement manifesté sa volonté de rester neutre. Quant à la situation dans les territoires illégalement occupés en Cisjordanie, on sait comment les colons (500 000 illégaux), le plus souvent d’extrême droite, parfois snippers, tuent de sang-froid des Palestiniens (120 tués depuis le 7 octobre), provoquent des incendies criminels, détruisent des plantations palestiniennes, dans le cadre d’un harcèlement quasi-permanent (comme ce fut encore le cas à Huwara, en Cisjordanie… l’avant-veille de l’attaque du Hamas). On sait que cette extrême droite utilise des termes violents, humiliants, pour parler des Arabes, pas seulement le ministre de la Défense israélien, Yoav Gallant, les traitant d’« animaux ». On apprend aujourd’hui même que l’ONU pourrait concéder que les attaques (deux bombardements successifs) contre le camp de Jabaliya, dans l'enclave de Gaza, ayant fait près de 200 morts, « pourraient constituer des crimes de guerre ». Si le nombre de combattants du Hamas tués est imprécis, il semble évident que c’est le peuple palestinien qui paye le prix fort de la vengeance israélienne. Et le gouvernement israélien pousse le cynisme jusqu'à renvoyer aujourd'hui à Gaza des milliers de travailleurs palestiniens qui étaient restés en Israël après le 7 octobre, alors même que les bombardements sur Gaza se poursuivent.

Le Hamas a mené ses attaques contre les kibboutz dans le but de provoquer une réaction israélienne. Pas sûr qu’il ait prévu, au regard des précédents, qu’elle serait d’une telle ampleur. Sauf que la question palestinienne, totalement mise sous le boisseau, est revenue au-devant de la scène mondiale. C’est bien là le drame : la démonstration qu’il faut procéder à des actes innommables pour être entendus. Entendus jusqu’où ? Quel avenir pour la cause palestinienne ? Il n’est pas exclu que Benjamin Netanyahu, peut-être informé de ce qui se préparait, lui qui a toujours favorisé le Hamas pour affaiblir l’Autorité palestinienne, sachant très bien qu'il pratiquait le terrorisme sans que cela ne le défrise, ait fait le dos rond, en pensant que l’attaque serait suffisamment grave (mais pas trop) pour justifier une réplique démesurée pour éradiquer le Hamas tout en écrasant Gaza. Peut-on espérer qu’il sorte de cette guerre une solution que négocieraient les porteurs de paix dans les deux camps ? Le pessimisme est de rigueur : il n’y a pas de communauté internationale capable d’imposer des vues respectueuses des droits. Israël est le seul pays au monde qui n’a pas de frontières définies sinon par des lignes de cessez-le-feu. La fin de cette guerre ne sera-t-elle qu’un nouveau cessez-le-feu ?   

Billet n° 763

Le blog Social en question est consacré aux questions sociales et à leur traitement politique et médiatique. Parcours et démarche : ici et "Chroniqueur militant". Et bilan au n° 700 et au  n° 600.

Contact : yves.faucoup.mediapart@sfr.fr ; Lien avec ma page Facebook ; Tweeter : @YvesFaucoup

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.