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Billet de blog 9 janvier 2024

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Attal : encore l’hymne aux classes moyennes

Gabriel Attal dans ses propos lors de la passation de pouvoir avec Elisabeth Borne a cru devoir insister démagogiquement sur les classes moyennes, « cœur battant ». Puis il a encensé ceux qui partent travailler tous les matins, et qui doivent gagner mieux que les autres, comme si ce n’était pas déjà le cas.

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Dès sa première déclaration, Gabriel Attal a donné le ton : « priorité donnée au travail. Travailler doit toujours être mieux valorisé que ne pas travailler, alors que l’inflation, je le sais, continue de peser sur la vie des Français ». Puis, il a ajouté que les classes moyennes sont « le cœur battant de notre pays, artisan de la grandeur et de la force de notre nation ». C’est-à-dire démagogie auprès du plus grand nombre des Français (qui préfèrent se croire "classe moyenne") et coup de griffes à l’encontre de celles et ceux qui galèrent, au chômage ou au RSA. Parce qu'il a interdit l'abaya, envisagé l'expérimentation de l'uniforme à l'école, décrété des groupes de niveau au collège, il est depuis peu adulé par la droite et la droite extrême. CNews l'a glorifié pour cela, Alain Finkielkraut, dans le mensuel d'extrême-droite Causeur, a espéré que le jeune ministre soit « l'espoir terminal » (la dernière chance pour l'Education Nationale) ! A noter que sur la loi immigration il n’a courageusement rien dit ou presque. 

Le 9 mai 2023, je publiais cet article sur ce blog Social en question (extraits) auquel j’avais déjà donné ce titre :

Attal : hymne aux classes moyennes 

Illustration 1
France Inter le 9 mai 2023

Gabriel Attal, ministre délégué aux comptes publics, a exposé ce matin [9 mai 2023] sur France Inter sa volonté de s’attaquer à la fraude fiscale puis à la fraude sociale, façon de faire mine de taper sur les plus riches tout en affichant sa méfiance envers les Français relevant des minima sociaux, afin de caresser les (prétendues) classes moyennes dans le sens du poil.

Le gouvernement présente un projet de loi pour lutter contre la fraude fiscale. Il remet à plus tard la lutte contre la fraude sociale. Est-ce pour tenir compte des reproches faits de mélanger fraude sociale et fraude fiscale ? Pas sûr, car Gabriel Attal ce matin sur France Inter a annoncé que son plan sur la fraude sociale c’est pour bientôt. Malin, il a tenu à préciser que dans la fraude sociale il y a aussi des fraudes des entreprises : pirouette de sa part, car lorsque dans le débat public l’on dit "fraude sociale" chacun sait que cela vise, malheureusement, non pas les employeurs qui ne déclarent pas les heures travaillées ou la TVA, mais les allocataires de prestations sociales, forcément des fraudeurs.

Il admet que selon les experts, la fraude fiscale, par définition difficile à déterminer, serait entre 30 et 100 milliards d’euros. La fraude à la TVA serait de 20 Md€. 80 % des dossiers redressés viennent des riches. Il veut s’attaquer à la "zone grise", l’optimisation fiscale, chez les multinationales (1,3 Md€ d'amende pour MacDonald l’an dernier) et mettre le paquet sur les pays paradis fiscaux en étoffant le renseignement. Il envisage de créer un délit d’indignité fiscale et civique avec une peine complémentaire d’intérêt général (comme repeindre le centre des impôts !) : quand on fait de l’évasion fiscale, on n’est plus dans la citoyenneté, dit-il.

Par contre, il compte bien « alléger la pression sur les classes moyennes, sur les petits patrons des PME », c’est-à-dire moins les contrôler, après avoir baissé l’impôt sur le revenu, supprimé la taxe d’habitation et la redevance télé, défiscalisé les heures supplémentaires. Reste à savoir qui sont les classes moyennes : selon lui, ce sont les ménages qui « vivent de leur travail » n’ont « ni aides sociales ni gros patrimoine », situés entre le 4ème et le 6ème déciles [vérification faite : entre 18000 et 25000 euros de revenus annuels].

Précision : si on divise les ménages par tranche de 10, des plus pauvres (1er décile) aux plus riches (9ème décile), les classes moyennes seraient donc entre le 4ème et le 6ème. Sauf que le ministre des comptes publics a compté : il dit que cela fait 15 millions de ménages ! On voit la tactique : en effet, tout le monde ou presque se croit classe moyenne, c’est la raison pour laquelle les populistes (Le Pen, Wauquiez, Ciotti, etc) se prétendent défenseurs des classes moyennes. Sauf qu’il y a 30 millions de ménages en France, les chiffres d’Attal sont erronés, peut-être voulait-il dire entre le 4ème et 7ème ou 8ème décile, pour que cela fasse au moins 40 % des ménages, presque 50.

Illustration 2
Gabriel Attal à Auch (Gers) le 21 février [Ph. YF]

Un auditeur l’interpelle au téléphone : pourquoi penser que les gens au RSA sont des tricheurs ? Il répond en se gardant de vouloir les stigmatiser mais confirme qu’Emmanuel Macron dans un entretien avec les lecteurs du Parisien [le 22 mars] avait dit que certains « abusent » du RSA. Yaël Goosz, journaliste de France Inter, lui oppose aussitôt que beaucoup ne demandent pas le RSA et que cela représenterait 10 Md€ économisés par l’État (je relève cette remarque car rares sont les journalistes qui invoquent le non-recours). Attal ne dément pas mais enchaîne sur le versement à la source qui sera un chantier majeur qu’il est fier d’engager.

La "plainte" des Français

Il se vante d’aller chaque semaine sur le terrain : le Beaujolais, le Gers. Là, il « rencontre beaucoup de Français qui se plaignent de financer un modèle qui permet à certains de ne pas travailler et un service public qui se dégrade » (1). Il répète en fait ce que Macron avait dit lors de son interview à TF1 et France 2 : « Beaucoup de travailleurs disent : vous nous demandez des efforts (mais) il y a des gens qui ne travaillent jamais (et qui…) auront le minimum vieillesse ».

Illustration 3
[Ph. YF]

Pour tenter bien maladroitement d’atténuer la gravité de la fraude sociale par rapport à la fraude fiscale, Léa Salamé avait dit que la première était dix fois inférieure à la seconde. Je pense que le rapport est bien plus important : si dans fraude sociale on ne compte que les fraudes commises par les allocataires, on est peut-être du simple au centuple. Quand on est allocataire, on n’a pas beaucoup de possibilité de frauder : dans certains cas, ce n’est d’ailleurs pas de la fraude c’est carrément de l’escroquerie qui mérite les pires sanctions pénales. Il y a certes quelques cas de fraudes (obtention abusive d’une allocation), moins fréquentes qu’on ne le dit et les contrôles sont drastiques (la CAF passe beaucoup de temps à communiquer sur sa lutte « efficace » contre la fraude sociale).

 Par contre, il y a beaucoup d’indus le plus souvent à cause d’une erreur des caisses (on connaît des allocataires ayant reçu le même jour quatre avis d’attribution avec des montants différents, le pékin moyen n’a aucun moyen de savoir quel est son droit, pour l’obtention de la prime d’activité par exemple). Et, en dehors des indus, il y a souvent des montants d’allocations erronés, au détriment des allocataires. Enfin, le non-recours (allocations non attribuées car non sollicitées) est en grande partie dû au discours dominant méprisant à l’égard des "assistés" et à la crainte des récupérations pour indus qui paniquent les allocataires qui, du coup, ne revendiquent pas leurs droits : le gouvernement dit vouloir régler le problème avec le "versement à la source". Pour ma part, j’ai quelques doutes qu’un pouvoir politique de droite, ayant pour projet principal de favoriser les classes aisées, puisse vraiment veiller à ce que tous les citoyens accèdent, sans perte en ligne, à leurs droits. Je redoute même que ce soit une solution technocratique qui réfrène la possibilité même de faire valoir ses droits. [Gabriel Attal a quitté le ministère des comptes publics sans engager de réforme sur le versement des allocations à la source].

(1) Lors de sa déambulation rue d’Alsace à Auch (chef-lieu du département du Gers), le matin du 21 février dernier [voir autre billet ci-dessous], Gabriel Attal, que j’ai suivi de bout en bout, n’a croisé aucun Français se plaignant de travailler dur et de payer pour les "assistés", au contraire l'un lui a reproché le manque d'adaptation de la ville aux personnes en situation de handicap. Mais la veille, lors d’un raout à Pessan (tout près d’Auch) avec les militants et sympathisants Renaissance, en présence du Préfet en uniforme, il est possible qu’un ou une participante se soit permis ce genre de remarque, ce qui n’est même pas certain.

Illustration 4
[Ph. YF]

Gabriel Attal face à la rue !

[28 février 2023]

Gabriel Attal, ministre des Comptes publics (beaucoup le croient encore porte-parole du gouvernement), était dans le Gers (Occitanie) le lundi 21 février. Il a visité l’entreprise Parera à L’Isle-Jourdain (200 salariés), spécialisée dans la cartographie. Le ministre, selon La Dépêche, a parlé de pouvoir d’achat et vanté la ʺprime Macronʺ. Des parents d’élèves qui redoutent une fermeture de classe l’ont interpellé. Puis il a rendu visite aux agents de son administration (Finances publiques) à Auch (chef-lieu du département) qui se sont plaints des baisses d’effectifs. Il a annoncé un nouveau plan de lutte contre les fraudes fiscales avec davantage « de moyens humains et techniques ». Enfin, il s’est rendu à la Préfecture pour une rencontre avec les élus. Sur son passage, une poignée de manifestants des organisations syndicales qui contestent la réforme des retraites étaient présents, moins pour lui que pour s’adresser aux élus qui se pressaient pour rencontrer le ministre-star. Le soir, à Pessan, Gabriel Attal retrouvait les partisans de Renaissance, raout auquel participait, dans une confusion des rôles inédite, le Préfet du Gers, en personne et en uniforme !

Illustration 5
[Ph. YF]

Le lendemain, [il déambule dans une rue d’Auch] avec le député Renaissance Jean-René Cazeneuve. Les commerçants évoquent leur activité, Gabriel Attal échange avec quelques personnes croisées au cours de ce zig-zag dans l’avenue d’Alsace : des passants et des clients l’interpellent comme Frédéric qui soulève le problème de la suppression de services en basse ville (d’autant plus problématique pour les personnes à mobilité réduite) et la fermeture du bureau de poste, tant décriée, ce qui complique la vie des habitants du coin qui n’ont plus ce bureau de proximité ni, surtout, la banque postale. Le ministre écoute avec compassion. Certains évoquent les retraites. Une personne soulève des questions liées au transport et à la santé (un collaborateur précise… qu’un nouvel hôpital sera construit pour 2028-2030).

Le ministre doit prendre un avion, je peux lui poser une question tout en marchant en direction du convoi officiel : je lui dis que je désapprouve la politique du gouvernement et ses propres déclarations, bien que je reconnaisse avec d’autres qu’il est efficace dans les débats publics. Je lui reproche de qualifier ses opposants de démagogues alors que lui-même n’hésite pas à les accuser de vouloir taxer les heures supplémentaires et réduire ainsi le pouvoir d’achat des ouvriers et employés, alors même que cette mesure porte délibérément atteinte à la Sécurité sociale, privée ainsi de cotisations sociales. Il me répond qu’il y a déjà beaucoup de taxes, que le gouvernement a réduit de 24 milliards les cotisations… compensées par l’augmentation du nombre des cotisants (baisse du chômage). Si c’est vrai cela signifie que le budget des retraites pourrait être pérennisé par d’autres moyens que de faire travailler les seniors plus longtemps : on voit bien que le déficit hypothétique du budget des retraites de 12 milliards (avant que les baby-boomers ne disparaissent) peut être compensé par de meilleurs salaires et une hausse des personnes en emploi.

Illustration 6
Accompagné du député Renaissance Jean-René Cazeneuve, dans un magasin spécialisé à Auch, le futur ministre de l'Education puis premier ministre fasciné par Harry Potter, les mangas, les baguettes de sorcier, Grimwar et la Pop Culture [Photo YF]

Billet n° 779

Le blog Social en question est consacré aux questions sociales et à leur traitement politique et médiatique. Parcours et démarche : ici et "Chroniqueur militant". Et bilan au n° 700 et au  n° 600.

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