D’autres ont commenté et commenteront les déclarations d’Emmanuel Macron en long et en large. Pour ma part, ayant suivi les 2 heures et quart, je confirme que c’est un bon palabreur, ou bonimenteur. Il n’y a sans doute aucune personnalité politique, y compris parmi ses ministres, capable de pérorer ainsi, sur tous sujets, en donnant l’impression de les connaître, utilisant habilement ses fiches placées devant lui sans jamais donner l’impression d’hésiter. Il procède toujours ainsi quand il cause longuement, comme lors du Grand Débat, jouant sur l’esbroufe lui permettant de faire plus ou moins avaler la pilule.
Hier, sur la loi immigration, il s’est offusqué qu’on s’offusque : pour lui, cette loi ne conforte pas le RN, elle ne relève pas de la préférence nationale. Pour le démontrer, suite à une question pertinente de Claire Gatinois du Monde sur les allocations familiales versées aux immigrés qu’après un temps de présence sur le territoire, il n’hésite pas à affirmer que ce que décrit la journaliste est « faux » et assène qu’il y a déjà des délais pour les versements de prestations sociales, citant comme exemple le RSA et la prime d’activité. Or c’est lui qui ment, effrontément : car les allocations familiales (je m’éreinte à le répéter) ne sont pas des prestations d’aide sociale comme le RSA et la prime d’activité. La comparaison ne tient pas, sauf à considérer les allocations familiales comme des secours attribués aux Français qui ont deux enfants ou plus.
S’il y a bien longtemps que les AF ont été étendues à tous les foyers, pas seulement à ceux qui travaillent, aucun Français ne contribue aux allocs (pas de cotisations salariales), elles sont abondées par les cotisations dites patronales, en réalité basées sur le salaire et donc complément de ce salaire. Si le fait de ne pas contribuer justifie de ne pas verser ces allocations, alors tout salarié ou chômeur peut craindre qu’un jour on lui invoque cela pour lui retirer ce droit. Inadmissible qu’un président de la République manie avec autant de désinvolture ce sujet.
Par ailleurs, il a sorti une diatribe contre le Rassemblement National : les leaders du RN n’ont pas eu l’air d’être affectés, ça les arrange, Macron continue à vouloir se présenter comme le seul rempart contre l’extrême droite, à la désigner comme sa seule adversaire. Il assimile celle-ci à l’extrême gauche, il prétend même que la première s’inspire de la seconde : c’est insupportable, car ce n’est pas parce que le RN faut mine d’afficher quelques mesures sociales qu’il est de gauche (d’autant plus que lorsqu’il s’agit de voter le plus souvent le RN vote avec la droite, refusant de se prononcer pour une augmentation du Smic par exemple. Par ailleurs, cette assimilation ridicule est pour lui finalement une manière de banaliser l’extrême droite, en passant sous silence son idéologie mortifère, raciste, excluante, foncièrement antisociale. Faisant son Sarkozy, il se figure qu’en ayant un programme de droite, sinon de droite extrême, il coupe l’herbe sous les pieds du RN. Ce matin [17/01], sur France Inter, Guillaume Roquette du Figaro magazine, ancien de Valeurs actuelles, qui fait quelques efforts pour ne pas trop laisser transparaître qu’il est d’extrême droite (ami affiché de Zemmour) pour avoir son rond de serviette à LCI ou à France Inter, se réjouissait du discours de Macron dans ses orientations bien à « droite raisonnable », sans toutefois lui faire confiance sur la mise en œuvre. La mise en œuvre c’est le RN qui en est capable ou la droite Ciottiste.
La maire LR de Romans-sur-Isère, interrogée on ne sait pourquoi sur France 2 (sinon qu’un jeune, Thomas, a été tué dans sa ville), a déroulé une critique bien dans la lignée LRN, s’étonnant que Thomas ne soit pas cité (mais Nahel oui), faisant mine de mettre sur le même plan un meurtre commis par un policier et un meurtre dans le cadre d’une rixe si dramatique soit-il. Elle s’insurgeait par ailleurs sur le fait que les travailleurs au Smic ne comprennent pas la proximité de leurs revenus avec les montants des minima sociaux, révélant ainsi clairement ses choix politiques (qu’elle étale également sans vergogne sur CNews, la chaine de Bolloré se réjouissant d’avoir une telle interlocutrice (comme France 2 avec Caroline Roux dans l’émission L’Évènement].
A noter que Mediapart n’a pas pu poser de question, tandis que BFM avait trois fois le micro. Quant à Laurence Ferrari, Europe 1 et CNews, interrogeant le président, elle a sorti une tirade qui n’était pas une question mais une mini-chronique d’extrême droite qui a dû plaire à son employeur Bolloré.
[17 janvier]
Des ministres de gôche ?
Des ministres sont virés parce qu’ils et elles ont, en privé, exprimé des doutes, sans plus, sur la loi immigration, tandis que Rachida Dati, mise en examen pour corruption passive (sur une somme frôlant le million d’euros), qui a qualifié les macronistes de « traitres de gauche et traitres de droite » et de « canards sans tête », arrive sur un ministère dont elle ne connait strictement rien : la Culture. Catherine Colonna est écartée pour avoir pris des distances envers Netanyahou, le fossoyeurs de Gaza. Une autre Catherine arrive, Vautrin, au travail et à la santé !, alors qu’elle a manifesté contre le mariage pour tous. Gabriel Attal, qui a été pacsé avec Stéphane Séjourné, qui se voit confier le poste de ministre de l’Europe et des affaires étrangères, a dû apprécier cette injonction de Macron qui cherche moins à régler les problèmes du pays qu’à faire des coups.
Les médias mainstream ne craignent pas de dire que Rachida Dati serait, selon L’Elysée, représentative de la notion macronienne de l’"égalité de destin", car issue d'un milieu populaire [véritable escroquerie qui n’a jamais été conceptualisée et ne cherche qu’à détourner le regard loin des inégalités sociales]. Mais c’est une proche de Sarkozy et on apprend qu’en prenant son poste de ministre de l’Éducation Nationale, Attal est allé rendre une visite déférente à Sarko ! Ancien chef de l’État certes mais avec multiples mises en examen (on ne les compte plus), dont l’une avec bracelet électronique à la cheville (il s’est pourvu en cassation) ! On aura noté que dans son discours sur le perron de Matignon, mardi, et lors de sa virée dans le Pas-de-Calais auprès des sinistrés, Attal a évoqué « ceux qui se lèvent tôt pour aller travailler », du Sarkozy pur jus.
Sur TF1 mardi, Gabriel Attal a dit qu’il y avait tout de même quelques "sensibilités" de gauche dans son gouvernement : Dupond-Moretti, Séjourné, Retailleau ! Il en va ainsi de la politique en France. De la même façon, on nous rabâche qu’Elisabeth Borne "venait de la gauche", et Attal aussi (on se demande ce qu’il a bien pu faire comme conseiller pendant 5 ans auprès de Marisol Touraine, où il a côtoyé Benjamin Griveaux). La droite extrême fait tout pour conforter ces inepties : ce matin [12/01], sur France Inter, François-Xavier Bellamy prétendait que la loi Darmanin sur l’immigration, avant que LR ne mette le holà, « était plus à gauche que la gauche de François Hollande » et que de façon générale la politique de Macron est plus à gauche que ce qu’a fait la gauche jusqu’alors (dette abyssale). Et hier soir, sur LCI, le même Bellamy affirmait qu'au Parlement européen les macronistes votaient avec les socialistes.
Sur les plateaux de télé chez LCI, BFM et CNews, la NUPES étant, pour les différents chroniqueurs et présentateurs, « d’extrême gauche », les personnalités de gauche ne seraient que celles qui condamnent les « extrêmes », dans un parallélisme infâme entre extrême droite et extrême gauche. Quand on lui évoque sur France Inter le salut fasciste d’une foule à Rome, Jean-Philippe Tanguy, le meilleur communiquant du RN, rétorque qu’il condamne toute violence, qu’elle soit... d’extrême gauche ou d’extrême droite : enlevé c’est pesé. Quant à Robert Ménard qui espérait être nommé ministre, il devra encore attendre.
Enfin, j’avais raté le débat de Gabriel Attal avec Jordan Bardella, le 28 mars 2022, avant la présidentielle. J’ai regardé une partie en replay. Bardella proclame que la France ne peut être « le guichet social de la terre entière », et condamne la fraude sociale. Il lâche que les allocations familiales et le RSA doivent être réservés aux Français (peu lui importe que ce soit déjà le cas depuis toujours pour le RSA, qui est une aide sociale). Il cite « le magistrat Charles Prats » qui dans un livre affirme que la fraude sociale c’est 50 milliards d’euros chaque année et qu’il y a 7 millions de cartes Vital de trop en circulation. Tout cela est faux, c’est de la pure propagande, qui fait les choux gras de la faschosphère, sauf qu’Attal ne répond pas. Quand il cause, il a la niaque, certes, mais sa fragilité apparait dès qu’il se tait et écoute l’autre, ne sachant pas trop quelle attitude adopter, esquissant un sourire crispé, un peu comme sur TF1 mardi soir, face à Gilles Bouleau, pour sa première prestation télévisée. Là, face à Bardella, il laisse courir les insanités du leader du RN et embraye sur un autre sujet, alors qu’il importe de combattre pied à pied cette propagande ignoble de l’extrême droite, car en l’absence de réponse du pouvoir, le pékin moyen peut croire que la Sécu est victime d’un tel détournement. Ce seul fait me suffit à juger combien ces deux individus sont malfaisants. Evidemment, Attal n’est pas prêt à dire qu’il y a 50 Md€ de fraude sociale, mais son discours ciblant de façon simpliste ceux qui travaillent contre ceux qui ne travaillent pas, il ne cherche même pas à rétablir la vérité.
[12 janvier]
Les racistes anti-Théo
Le 2 février 2017, Théodore Luhaka, dit Théo, lors d’un contrôle d’identité, était gravement blessé dans la zone de l’anus par un coup de matraque. Les policiers ont dit : pas fait exprès, c’est un coup légitime, autorisé, enseigné à l’école de police, parait-il. Au procès du policier poursuivi pour « violences volontaires ayant entraîné une infirmité permanente », qui se déroule actuellement devant la cour d’assises de la Seine-Saint-Denis, la matraque s’avère être un bâton téléscopique de défense, constitué d’une longue tige métallique, ayant ainsi transpercé le pantalon de Théo et provoqué de très graves blessures (infirmité à vie).
En lisant les infos aujourd’hui sur cette affaire Théo et le malaise éprouvé par les policiers eux-mêmes face aux souffrances endurées par Théo, je pense à ce que j’ai lu sur des comptes Facebook avant novembre 2020, avant que les policiers ne soient renvoyés par le parquet de Bobigny devant les assises. Je l’évoquais dans un post Facebook le 27 novembre 2020 :
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«
J’ai lu au cours de ces trois dernières années sur des comptes Facebook de racistes anti-musulmans, anti-palestiniens, pro-Netanyahu (dont l’un ancien journaliste d’un grand quotidien), accusant Théo d’être un menteur, d’avoir inventé toute l’histoire. Aujourd’hui, ils montent au créneau pour accuser la Défenseur des droits, Claire Hédon [qui s’était prononcée sur l’affaire], d’être « totalement indigénisée et islamisée ». Cette mise en cause des policiers serait dirigée, selon eux, contre l’Etat d’Israël. Dans un délire inouï, l’un d’eux (l’ancien journaliste) accuse carrément « des médias de gauche, des magistrats de gauche, des institutions de gauche... [de s’associer aux islamistes] pour jeter à bas des outils démocratiques ». Que font les médiateurs de Facebook face à ces propagateurs de fake-news et d’insultes à l’encontre de la Défenseure des droits ?
»
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Aujourd’hui, le dit ancien journaliste raciste, n’a rien publié sur l’affaire Théo : il est mobilisé sur Israël, passant son temps à justifier ses crimes sur Gaza. Selon lui, « chaque fois que vous entendrez l'expression "pauvres Palestiniens", vous devez savoir qu'elle signifie "Juif=Nazi" ». "Pauvre Palestinien" serait une façon de « moraliser l'extermination des juifs » ! Ni plus ni moins. Non seulement je me demande comment cet individu a pu être longtemps journaliste d’un grand quotidien français qui ne tient évidemment pas ce discours démentiel, mais encore je continue à ne pas comprendre qu’une telle assertion ne soit pas censurée par Facebook et ne fasse pas l’objet de poursuites judiciaires.
[12 janvier]
. Ces trois chroniques sont parues sont mon compte Facebook aux dates indiquées entre crochets, reproduites ici avec quelques variantes.
Billet n° 781
Le blog Social en question est consacré aux questions sociales et à leur traitement politique et médiatique. Parcours et démarche : ici et là. "Chroniqueur militant". Et bilan au n° 700 et au n° 600.
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