LCP rediffusait dimanche soir [17 juillet] une émission de Patrick Cohen, Rembob’ina, avec un film de Maurice Frydland Les enfants du Vel d’Hiv. Au cours du débat qui suivit, un petit film a été projeté sur un gala qui se déroula dans le Vel d’Hiv trois mois après l’internement à Paris de 13 000 Juifs (dont un tiers d’enfants) les 16 et 17 juillet 1942 (avant leur transfert dans les camps de Pithiviers et Beaune-la-Rolande, et avant leur déportation à Auschwitz). Ce gala de bienfaisance était dédié aux œuvres sociales des gardiens de la paix, des sapeurs-pompiers et de la légion de la Garde, et ce sont eux, gymnastes, qui se produisaient. Ce petit film est visible sur internet. Il permet de voir ce qu’était ce Vel d’Hiv (Vélodrome d'Hiver), car on n’a pas d’images de l’internement (et il a été détruit après la guerre, dans les années 50). Il donne également à voir que dans la tribune se tiennent deux hommes : René Bousquet, antisémite convaincu, directeur de la police, qui a organisé trois mois plus tôt la rafle et continue à chasser les Juifs dans Paris, et Carl Oberg, chef de la SS et de la police en France. Les gymnastes font leurs démonstrations sportives sans oublier de faire le salut nazi aux personnalités de la tribune.

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Rappelons que longtemps il a été dit et écrit en France que les arrestations des Juifs étaient effectuées par la Gestapo. Comme l’indiquait Emmanuel Macron dans son discours à Pithiviers, c’est la police française qui procéda aux arrestations de cette rafle, il n’y avait pas un seul soldat allemand. Bousquet sera félicité par Oberg pour avoir fait du bon travail. René Bousquet, ami de François Mitterrand, qui le recevait à sa table, sera dans les années 60 le grand patron de La Dépêche du Midi. Alors qu’en 1989 il est poursuivi par les Fils et Filles de déportés juifs pour crime contre l’humanité et inculpé, il est assassiné par un "déséquilibré" qui sera condamné à dix ans de prison (libéré au bout de quatre ans).

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. Gala de la police, INA.
[18 juillet]
Avant la rafle
Il y a bien longtemps (au printemps 1985), j’ai rencontré à Gray, en Haute-Saône, un couple : lui était venu d’Alsace avec ses parents pendant la guerre de 14, elle était issue d’une famille grayloise de longue date (ses arrière-grands-parents étaient enterrés au cimetière israélite de la ville). M. et Mme G. n’avaient pas déclaré leur origine juive mais ils savaient que l’administration possédait des listes. Pendant la guerre, ils subirent des vexations, des intimidations de toute sorte. M. G. s’est vu retirer sa carte de commerçant. Leur téléphone a été coupé. Ils apprirent qu’une rafle avait eu lieu à Paris les 16 et 17 juillet 1942 (dite plus tard rafle du Vel d’Hiv). Les biens de leurs amis juifs partis en zone non occupée avaient été réquisitionnés (certains avaient rejoint Lyon ou Toulouse). La villa du maire de Gray servait de siège de la Kommandantur (ce maire se nommait Moïse Levy, il était hébergé sans se cacher chez un ingénieur des Ponts et Chaussées avant de rejoindre Paris, son fils avait été déporté).

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Un soir de février 1944, un gendarme en civil est venu sonner à leur porte : il était envoyé par le commandant qui leur avait annoncé qu’il avait reçu l’ordre d’arrêter les Juifs de la ville. Puis ce fut un policier qui les prévint. Alors, avec leurs deux enfants, ils partirent aussitôt se réfugier chez des amis d’une ville limitrophe, puis parvinrent à se cacher jusqu’à la fin de la guerre dans le Haut-Doubs, sans que les habitants de Gilley sachent qu’ils étaient Juifs. M. G. n’avait pas voulu gagner la Suisse, il voulait rester en France. Tous les autres Juifs de Gray, souvent très âgés, ne surent que faire : bien que prévenus, ils n’ont pu fuir et ont tous été déportés. M. G. s’engagea dans un groupe de résistants FFI. Mme G. m’a confié que c’est à Gilley, donc entre février et août 1944 qu’elle et son mari ont appris que les Juifs étaient gazés dans les camps d’extermination.
Ce couple n’a pas souhaité que je livre leur nom pour ne pas porter préjudice à leurs enfants (devenus adultes, médecins), 40 ans après la fin de la guerre. Cette chronique n’a pas pour but de prétendre que les gendarmes et policiers ont massivement prévenu les personnes qu’ils allaient arrêter peu après. M le magazine du Monde a publié un témoignage le 9 juillet évoquant un policier qui avait prévenu une famille à Paris avant la rafle du Vel d’Hiv : « Ne dormez pas chez vous, il y aura une rafle demain ». Si ces actes sont honorables, ils furent globalement rares, la participation de la gendarmerie et de la police à la chasse aux Juifs, à leur arrestation, à leur internement, et à leur enfermement dans les wagons de Nuits et Brouillard étant bien supérieure aux quelques cas où les Juifs furent prévenus, souvent, comme on l’a vu, sans possibilité pour eux d’échapper à une rafle mise en œuvre par ces mêmes policiers qui avaient chercher à sauver leur âme.
. Deux enfants sous l'occupation.
[16 juillet]

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. Ces chroniques sont parues sur mon compte Facebook aux dates indiquées entre crochets, ici légèrement remaniées et complétées.
Billet n° 694
Le blog Social en question est consacré aux questions sociales et à leur traitement politique et médiatique. Parcours et démarche : ici et là. "Chroniqueur militant". Et bilan au n° 600.
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