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Riad (Roschdy Zem) est journaliste sportif, dévoré par son métier, peu à l’écoute des siens. Il a tendance à dire : « je m’en occupe », mais plus personne dans la famille ne lui fait confiance. Ce n’est pas sur lui qu’on peut compter. Quand, soudain, surgit le drame : accident cérébral de son frère et une famille dévastée. Moussa (Samir Bouajila) conserve ses facultés, sait encore faire des multiplications compliquées, mais surtout il se lâche : il n’a plus les barrières psychiques qui font qu’on ne se dit pas tout. Il contribue du coup à ce que les langues se délient : Emma (Maïwenn), la compagne de Ryad, le bouscule, il l’interroge sur ce que vivent les membres de sa famille sans qu’il ne s’en préoccupe vraiment. Salah est au RSA, le sais-tu seulement ? Ton frère a fait une tentative de suicide, t’en souviens-tu ? Tu ne retiens rien, dispute classique d’un couple où lui s’est réfugié dans ses affaires, d’autant plus qu’elles sont sa réussite, et elle gère le quotidien (la charge mentale) et est consciente que Samia (la sœur de Ryad, Meriem Serbah) « porte tout ». Les reproches pleuvent : tu es égoïste, solitaire, tu cloisonnes. Ryad bougonne, se défend, mais Roschdy Zem veut que ce film soit le moyen pour lui de se racheter. La réconciliation, face à l’adversité, se fera à condition que l’on se parle vraiment et que chacun fasse sa part. Ce qui n’empêchera pas Roschdy de continuer à se déplacer avec nonchalance et sérénité apparente, comme on l’aime.
Film chaleureux, parfois drôle (Moussa divorce de son épouse, retournée au pays, par visio-conférence ou Amir, le neveu, ne cessant de faire des commentaires complotistes, terre plate et CIA), léger et profond à la fois. Tous les personnages (et tous les acteurs) sont attachants. La scène finale, quasiment improvisée selon Roschdy, nous arrache des larmes de joie.
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Roschdy Zem au Festival Indépendance(s) & Création
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Roschdy Zem était présent à l’inauguration du Festival Indépendance(s) & Création de Ciné 32 à Auch (Gers) le 5 octobre dernier où son film était projeté en avant-première. Après la projection, il a commenté son film et répondu aux questions. La dernière fois où il est venu à Auch c’était pour la présentation de son film Mauvaise foi en 2006 ! Aujourd'hui, avec Les Miens, il présente son sixième long métrage. Ironisant sur les films longs, il précise que le sien ne dure qu’une heure et demie : avis aux exploitants présents dans la salle, ils ont ainsi la possibilité de programmer de nombreuses séances [Rires].
Roschdy Zem admet que tous les personnages du film sont inspirés de sa famille, « leur névrose, ma névrose ». L’accident cérébral dont est victime Moussa (Sami Bouajila) est arrivé à son jeune frère, le plus dynamique qui organisait les dîners, les fêtes : grâce à lui la famille existait encore, quand survint le drame. Il se montra alors odieux, désinhibé. Ce fut un « cataclysme ». Cela a duré deux ans, aujourd’hui, il est complètement guéri.
Raconter sa famille c’était pour Roschdy, avec quelques libertés prises avec la réalité, raconter sa France. Il a informé la fratrie, sans lui demander son avis : ils ont bien reçu le film, comme une sorte d’hommage. Et c’était une façon de se retrouver « après ce film, plus rien ne sera comme avant ; nos échanges sont plus libérés ». Il précise, ce qui est évident, qu’il ne s’épargne pas : il était celui qu’il ne fallait pas déranger, parce qu’il était acteur, à part, alors qu’elles et eux étaient comptable, chauffeur de taxi. Il n’était pas à l’écoute.
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Les scènes sont un mélange d’écriture et d’improvisation, selon les conseils donnés par Maïwenn. Il a fallu faire vite, filmer avec deux caméras pour ne pas perdre de temps, le chef opérateur étant metteur en scène quand Roschdy joue. Quatre semaines de tournage, souvent caméra à l’épaule, au cours du confinement, soit 4 heures de film ramenées à 1h30. Plans séquences, on coupe très peu. Rachid (Bouchared) ressemble au frère aîné, Salah : ne parle jamais, ne donne jamais son avis, taiseux. Il rechignait mais il a accepté de jouer, en inventant un personnage plus actif. Certaines scènes sont plus ou moins improvisées : « les improvisations courent le risque de négliger les partenaires : c’est parfois heureux, parfois poubelle ».
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Maïwenn a permis de ne pas perdre de temps, d’aller à l’essentiel, c’est ce qui la caractérise. Tous deux ont été en échec scolaire, ils se ressemblent : « on est avec ce qu’on vit, avec ce qu’on sent. Ils me manquent parfois les mots qui correspondent ».
Un spectateur a redouté que Moussa se jette par la fenêtre à la fin. Roschdy avoue qu’il n’avait pas de fin, il ne savait comment terminer. Faire danser tout le monde est une idée spontanée. On crie tous, car la prise a été faite une dizaine de fois. « Aujourd’hui, je me dis que je ne pouvais faire meilleur final ». Les deux frères, qui se tenaient à distance, se prennent dans les bras.
Dans la famille, ce n’est pas terminé mais « on a été élevé pour s’aimer et on s’y efforce ». Nina Zem, sa fille, qui n’est pas comédienne, joue Nesrine : il fallait quelqu’un de paisible, nonchalante, ça lui ressemble. Carl Malapa, l’ado complotiste, est conforme à tant de jeunes, estime le réalisateur.
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Il finit sur le cinéma français, qui a une spécificité, une personnalité. Ce n’est pas la peine de rivaliser avec les Américains. Il importe de retrouver la création originale qui était la nôtre : « j’enfonce des ports ouvertes mais on fat face à un mastodonte ». Il a adoré les séries, mais c’est chronophages, il a cessé. La seule parade, être plus exigeant, plus rigoureux. Il constate que lors de ses déplacements en province les salles sont pleines : « il y a encore du désir, à charge pour nous de l’entretenir ».
Le spectateur de l’étape s’interroge sur cette pique à l’encontre de ces Parisiens qui ont une résidence secondaire dans le Gers. Roschdy confirme : ils vous invitent mais ne concrétisent jamais (histoire vraie). Heureusement qu’il y a un festival en pays gascon pour lui rendre visite !
Billet n° 708
Le blog Social en question est consacré aux questions sociales et à leur traitement politique et médiatique. Parcours et démarche : ici et là. "Chroniqueur militant". Et bilan au n° 700 et au n° 600.
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