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Billet de blog 28 juin 2022

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Les « extrêmes » et la République

La progression d’une droite dure, grâce en partie à des médias support, conduit peu à peu à dédouaner l’extrême droite tout en diabolisant la gauche. Réflexions, par ailleurs, de François Sureau sur le mythe de la République française et celui de la Cour suprême américaine.

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Qui est extrême ?

Depuis quelques semaines, on nous bassine avec ʺles extrêmesʺ : l’extrême gauche et l’extrême droite. En gros, l’extrême droite serait acceptable, elle a mis de l’eau dans son vin, alors que l’extrême gauche est un vrai danger. Qui ? Le NPA, LO ? Que nenni : la NUPES, c’est-à-dire le PS, associés aux Verts, au PC et à la France Insoumise. Tout y passe : "antisémitisme" de la FI dont certains de ses membres ont osé inviter Jérémy Corbyn à Paris, l’ancien leader des travaillistes britanniques (je ne développe pas : cette accusation inventée par la droite et une partie de la gauche pour disqualifier cette gauche plus radicale a été démontée ici : Antisémitisme, l’arme fatale, par Daniel Finn). De même l’« islamo-gauchisme », parce que la FI a participé à une manifestation contre l’islamophobie en novembre 2019 (13000 personnes avec 50 personnalités diverses), disqualifiée parce que l’appel à manifester était aussi signé par le CCIF. Et aussi « communautariste », « racialiste », « wokiste », « anti-républicain »... tout ce qui peut faire insulte y passe.

Illustration 1
[Photo YF]

Le Rassemblement National serait fréquentable ? Guillaume Roquette, sur LCI [21 juin], déclare que le RN avec 89 élus est « normal », précisant honnêtement qu’il le croit depuis longtemps (c’est vrai qu’il a tellement milité pour que le FN ait pignon sur rue et fasse alliance avec la droite, déjà quand il était à Valeurs actuelles, puis au Figaro). Les élus RN passent leur temps dans les émissions à jurer leurs grands dieux qu’ils ne sont pas d’extrême droite (je pense, entre autres, à Laure Lavalette, à Edwige Diaz). La preuve ? Ils ne sont pas antiparlementaristes, ni pour la peine de mort. Or non seulement rien ne garantit que le RN au pouvoir respecterait l’État de droit, mais ce parti issu d’une extrême droite fascisante, qui comportait d’anciens collabos, exprime toujours en ritournelle des propos xénophobes sinon racistes. Jordan Bardella, président du RN, joue certes bon chic bon genre, mais il ne peut accorder une interview sans accuser les immigrés d’être la cause de la délinquance, de la criminalité, de la violence faite aux femmes sans que les interviewers ou même les opposants politiques ne s’insurgent (de même, comme Zemmour, JB et MLP affirment faussement que les étrangers, sous-entendus Arabes et Musulmans, peuplent les prisons, sans être jamais démentis, voir ici). Une candidate à Belfort, Sophie Carnicer, bafouillant lors d'un débat sur France 3, incapable de répondre à la moindre question, a murmuré, hésitante, "sur l'immigration", quand la journaliste lui a demandé, lors d'un débat sur France 3, comment l'Etat peut faire des économies (elle a obtenu 48 % des voix au second tour). 60 % des Français considèrent le RN comme « ayant des idées racistes » (Odoxa 2019). Enfin, Marine Le Pen, lors de l’épisode Zemmour, a elle-même reconnu que ceux qui ont quitté le RN pour rejoindre le polémiste raciste étaient tous des « Nazis » ! Elle qui avait toujours nié une telle présence au sein du RN. Combien en restent-ils ?

Le clou aujourd’hui est la présidence de la commission des finances qui revient (merci Sarkozy) à un opposant à la majorité. Le titulaire précédent du poste est Éric Woerth (qui cumulait un bon nombre de casseroles, a su se défaire de certaines d’entre elles, mais est toujours mis en examen dans l’affaire Sarkozy-Kadhafi et aussi dans l’affaire Tapie-Crédit lyonnais) : cet homme affable, à qui on donnerait le bon dieu sans confession, déclare à qui veut l’entendre que la France Insoumise si elle préside la commission des finances aura accès à des informations fiscales et même fera procéder à des contrôles fiscaux. Le RN serait moins curieux. Ah tiens ! On sent que ça panique dans certaines sphères : présider une telle commission permet de savoir des choses ? mais qu’a-t-il su Woerth qu’il ne nous a pas dit ? Et comble des combles, Woerth voudrait être président de l’Assemblée Nationale !

. puisque je cite Le Monde diplomatique plus haut, pourquoi ne pas renvoyer à l’article de deux animateurs d’Acrimed dans LMD de juillet 2022 (sorti aujourd’hui) intitulé Les barbares à nos portes, qui montre comment une bonne partie des médias s’ingénie à présenter une gauche (en réalité tout simplement à gauche) comme un ramassis d’extrémistes sinon des barbares.

Le mythe de la République et de la Cour suprême

François Sureau (académicien, écrivain et avocat) sur C Politique (France 5) dimanche 26 juin :

Illustration 2
[capture d'écran YF]

Il ironise sur l’invocation incessante de la République en France, « le fétichisme républicain » nous éloigne totalement de la réalité : « la République, ça été pendant longtemps les femmes qui n’avaient pas le droit de vote, le bagne, la colonisation sans scrupules, les cours militaires de justice statuant sans recours ». Donc « la République n’est pas cette espèce de machin quasi-mystique ». La droite et la gauche modérées sont gonflées d’appeler au "front républicain" alors que pendant vingt ans ils ont continument introduit dans la législation des éléments qui étaient proposés par le Front National. Exemple : la préférence pour l’emploi c’était dans le seul programme FN, et toute la classe politique hurlait. Or aujourd’hui, on ne peut pas donner un travail à un réfugié statutaire sans avoir montré qu’il n’y a pas un Français pour occuper le poste à sa place.

Pire, le FN n’a jamais envisagé de créer « le délit d’entreprise individuelle de terrorisme ou de pur délit cognitif » (c’est-à-dire délit constitué malgré l’absence d’indice, par exemple pour la simple consultation d’un site répréhensible) : or c’est ce qu’ont fait des hommes politiques dans des gouvernements, ce qui ne les empêchent pas aujourd’hui de parler sans cesse de "front républicain".

Il fait un parallèle avec la Cour Suprême des États-Unis qui vient d’autoriser l’interdiction de l’avortement par les États (avec recul sur un droit préalablement accordé en 1973) et le port d’armes hors de son domicile. Selon lui, il y a une véritable "mythologisation" de cette Cour : quand on regarde sa jurisprudence depuis un siècle et demi, « elle s’est montrée lamentable dans un très très grand nombre d’occasions » : en matière de ségrégation (raciale), sur l’internement des Japonais pendant la Seconde Guerre mondiale, et elle a validé en son temps le fait de pouvoir mettre des micros chez tout le monde pour écouter tout le monde. Le Conseil Constitutionnel français a bien des défauts, mais il n’aurait jamais procédé à la rétractation d’un droit antérieur.

Il apporte enfin une réflexion intéressante, me semble-t-il, sur l’arrêt Roe versus Wade de 1973 dont on parle tant en ce moment. Il considère que cet arrêt s’est appuyé sur le respect de la vie privée (de la femme) et de sa liberté. Or ce n’est pas sur ce registre que la Cour aurait dû juger (car la liberté n’est pas totale, par exemple le pédophile n’est pas libre à l’intérieur de sa maison). Le principe de l’égalité aurait été plus fort : « non pas égalité entre femme pauvre et femme riche, mais entre homme et femme relativement à l’acte de procréation. Quand un homme et une femme décident de coucher ensemble seul l’un des deux est appelé à en subir les conséquences matérielles immédiates. C’est la raison pour laquelle l’IVG doit venir corriger une situation d’inégalité originelle des partenaires ».

 Billet n° 688

Le blog Social en question est consacré aux questions sociales et à leur traitement politique et médiatique. Parcours et démarche : ici et "Chroniqueur militant". Et bilan au n° 600.

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